Un peu de respect pour les vieilles machines à photographier, SVP !

Ce matin, avant que le ciel ne nous tombe sur la tête – enfin, si nous croyons la météo – petit tour en brocantes.

Ambiance un peu étrange, tout le monde avance masqué et à l’entrée des site, gel hydroalcoolique et sens de circulation – à respecter, M’sieurs Dames ! – mais nous devinons un œil qui pétille, une ridule qui sourit … ce sera une bonne brocante …

Au détour d’une caisse, dans un capharnaüm impossible, un Olympus Trip MD me fait des signes désespérés … » prends moi vite, je n’en peux plus de cette promiscuité et de cette poussière, et je ne te parle pas des chocs, des coups, brinquebalé dans cette caisse à bananes ! »

Emu par tant de détresse, je l’extirpe de son enfer : il fait peine à voir. Crasseux, coincé entre deux Agfamatic en aussi piètre état. Je l’examine : le logement des pile est vide mais pas de traces suspectes de coulées acides (un bon point), le volet s’ouvre et se ferme, les mousses sont à changer. Je m’enquiers du prix … » 2€, il est impeccable ! »

Ouais, à chacun sa notion « d’impeccable » mais pour ce prix là, je le sauve.

Un peu plus loin, autre brocante, autres misères : de nouveau, dans des caisses pèle-mèle, de vieux appareils photo font mal au cœur.

Avouons le, certains ne méritent même plus d’être présentés à la vente (Agfamatic, Agfa Instamatic, Kodak cubiques en tout genre au format 126 ou 110, vieux Box tellement rouillés qu’on en sait plus les ouvrir, « art déco » de Kodak dont la façade rappelle certains bâtiments lépreux, Brownie tout fisurés, etc. – ok, c’est un avis tout personnel !) et ils s’entassent les uns sur les autres. Obstiné, je continue à les écarter un à un, avec précaution (j’ai toujours peur qu’un morceau ne se détache de quelques uns) et, au fonds de la caisse, un Olympus Trip 35.

Couvert de crasse, je crains qu’il ne soit tout simplement HS. Pourtant, je l’ouvre, l’intérieur est propre, les mousses sont mortes (normal) et lorsque je l’arme, il déclenche. Allez, courage, je demande le prix … « 10€ » … gonflé le vendeur ! … j’hasarde un « et pour 5€ ? » … vendu !

Dans une autre allée, un bric-à-brac indécent de vieux boitiers, jetés là dans une autre caisse pouilleuse. « Allez courage, tu verras bien » me chuchote ma conscience et … mon épouse.

J’ai bien fait des les écouter : dans ce charivari, je dégote un Canonet 28. Je l’ouvre, chanson habituelle pour les mousses, il déclenche, le compartiment à pile contient encore une antique PX625 mais elle n’a pas coulé. « Et le prix ? » … « 15€ » me jette la dame … je reviens à la charge … « excusez moi, mais il est en piteux état, je ne suis même pas certain qu’il fonctionne encore. Je vous en propose 5€ » … vendu.

Diable, la pèche est bonne : trois appareils dont les vendeurs, manifestement, ne connaissent ni l’histoire, ni la (relative) valeur. Mais encore faudra t’il qu’ils ressuscitent après quelques soins (intensifs) !

Enfin, un dernier, pour équilibrer le sac, et parce que j’en cherchais un depuis un moment : un Bilora Gevabox tapis sous un centimètre de poussière. Je cherche à l’ouvrir pour vérifier si la bobine est à l’intérieur mais il résiste. Bah, je le secoue délicatement (il a du en voir d’autre, le pauvre) et « cling – cling » la bobine se manifeste à sa façon en tintant contre les parois.

Même rituel du marchandage et je l’emporte pour 2€

De retour à la maison – et il ne pleut toujours pas – je sors mon « matériel de secours » : de l’alcool à 90°C, de la ouate, des cotons tiges, de l’acétone, mes racloirs faits maison en bois, de la colle, mes mousses spéciales appareils photo, du produit d’opticien pour nettoyer (délicatement) les lentilles et un carré de micro fibre pour peaufiner le nettoyage.

Une grand feuille de papier blanche et je commence par l’Olympus Trip MD. Après 10 minutes de nettoyage intensif à l’alcool, il est presque neuf. Je change les mousses qui partaient en lambeaux, en coupe de nouvelles aux bonnes dimensions et les replace aux bons endroits. J’insère 2 nouvelles piles AA dans le compartiment et … le moteur d’entrainement se fait entendre. Très bon signe ça !

J’ouvre le volet de l’objectif, l’appareil se met en position. Je fais sortir le flash et déclenche : tout fonctionne encore ! La visée est – maintenant – très claire et propre, l’Olympus est revenu à la vie, après sans doute quelques dizaines d’années caché dans un tiroir, avant de finir dans cette caisse de vide-grenier. Pas mal pour un appareil qui date des années ’80 (1980).

Mêmes opérations pour les autres : nettoyage intensif et méticuleux des appareils, changement des mousses qui partent en quenouille pour de nouvelles de qualité (celles-ci viennent de Camera Mill, en Angleterre) et installation de nouvelles piles quand nécessaire.

En fin de compte, tous fonctionnent à nouveau, j’ai eu de la chance cette fois. J’ai même réussi à ouvrir le Gevabox sans dommages et à le nettoyer de fond en comble.

Sauf ce dernier, que j’ai envie d’essayer ( c’est un 120), je revendrai les autres, pour couvrir mes frais et rendre à leur destination ces engins : faire des photos entre les mains d’amateurs éclairés ou désireux de (re)découvrir les joies de l’argentique.

Mon appel – bien vain, je le sais et je vais vous raconter une anecdote à ce sujet – est que les vendeurs aient un minimum de respect pour ces vieilles machines à photographier.

Et voici la petite histoire (triste) d’un magnifique Rolleiflex f1:3,5. Il y a deux semaines, toujours sur une brocante, je rencontre un vide grenier qui vend des livres photos de belle facture, que j’achète. De fil en aiguille, il m’explique qu’il a racheté un lot d’appareil mais qu’il n’y connait rien. Comme il n’habite pas loin de chez moi, je lui propose de faire un saut de la semaine et d’examiner ce lot.

Lors de notre rencontre, je fais un tri dans les appareils, où je relève un magnifique Rolleiflex, un Leica Sofort et un Voitgländer Bessa II qui sortent manifestement du lot.

Et parce que je suis un indécrottable optimiste, je lui explique la valeur de ces appareils, lui enjoignant de les vendre à part, notamment sur un site spécialisé (Oldcam. pour ne pas le citer). Le Rolleiflex vaut certainement dans les 800€.

Le reste, de moindre importance, devrait, me dit-il, partir chez un autre marchand qui vient chercher un lot.

Las, ce dimanche, je revois le vendeur, qui m’explique que, finalement, l’autre personne n’a pas pris le lot. Comme je découvre le Leica Sofort en vrac avec les autres appareils, je lui demande si, au moins, il a bien vendu le Rolleiflex. « Ah oui, il est parti pour 200€ » …!

Comme je ne peux m’empêcher de lui dire que, sur ce coup là, il a perdu de l’argent, il me répond, candide, qu’il préfère 200€ tout de suite dans sa poche … Je vous avoue qu’il m’a gâché le reste de la journée.

Allez, pour se remettre, je vous propose les photos des appareils sauvés, mais tout propres et en pleine forme.

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