Le Contax 139

Avec cet appareil, nous entrons à nouveau dans l’histoire …

L’histoire des appareils photo utilisant le format 24×36 dans ses nombreuses déclinaisons.

Allez, petit rappel historique donc …

Nous sommes au début des années trente, à Dresde, chez Zeiss Ikon. Cette société, fondée en 1926 par la fusion de quatre fabricants d’appareils photo (Contessa-Nettel, Ernemann, Goerz et Ica) faisait partie de la fondation Carl Zeiss dont une partie était la société d’optique Carl Zeiss qui développait des optiques de grandes qualités, concurrentes de celles de chez Leitz, ceux-là même qui avaient rendu possible l’utilisation du film 24×36 dans un appareil léger, peu encombrant nommé Leica.

Le décor est planté. Zeiss Ikon allait développer un appareil pour concurrencer le Leica encore balbutiant mais promis à un bel avenir.

En 1932, la firme lance un appareil appelé Contax (nom qui fut choisi après un sondage auprès des employés), un télémétrique qui choisit des solutions différentes de celles de son concurrent direct :

  • son obturateur est métallique (contre un rideau de toile),
  • qui autorise des vitesses de 1/1000s puis 1/1250s (limité à 1/1000s pour le rideau toilé)
  • Le rideau métallique est à déplacement vertical (contre un déplacement horizontal), composé de lamelles qui s’enroulent comme une porte de garage
  • le corps de l’appareil est en alliage moulé
  • le viseur télémétrique bénéficiait de sa propre fenêtre (contre deux, viseur et télémètre)
  • le viseur était couplé au télémètre dont la base est très large (près de deux fois celle de son concurrent)
  • une molette permet de régler la distance sur l’objectif sans manipuler celui-ci directement
  • le déclencheur est situé sur le bouton d’avance du film (séparé sur le Leica)
  • le dos est entièrement amovible, rendant le changement de film plus aisé
  • un système de baïonnette permettait le changement rapide des optiques, qui étaient au demeurant de meilleure qualité que celles de son concurrent à l’époque.

Ce Contax initial fut décliné en version II puis version III (1936).

La seconde guerre mondiale eut pour conséquence la partition de l’entreprise : une partie resta en Allemagne, l’autre émigra (contrainte et forcée, les ingénieurs aussi ) à Kiev, mais c’est une autre histoire.

Pendant la guerre, justement, Le concepteur maison essaya de convertir le Contax en appareil reflex. Rappelez-vous, ce nouveau concept avait déjà un précurseur, le Ihagee Exakta en 1936 (voir l’article sur le Miranda Sensomat) révolutionnait la visée grâce au fait qu’elle s’effectuait à travers l’objectif et non plus en étant « déportée » par le truchement d’un télémètre ou via deux objectifs superposés

Toutefois, la conception interne de l’appareil ne permit pas cette transformation. C’est finalement le nouveau responsable de la conception qui, partant lui d’une feuille blanche, proposa le Contax S (Spiegelreflex), le premier « vrai » reflex au monde, avec pentaprisme. Nous sommes en 1949.

Ce Contax S allait définir la configuration du reflex 35mm moderne :

  • une monture facile, en l’occurrence la M42 qui allait devenir une norme pour de nombreuses années
  • un obturateur à plan focal horizontal
  • une vision de l’image qui n’était plus inversée mais vue « dans le bon sens et à l’endroit » grâce à l’introduction du pentaprisme. Une vision directe donc de ce que le photographe veut fixer sur sa pellicule

De nombreuses versions ont suivi (le D, E, F, FB, FM et FBM). Toutefois la société Zeiss Ikon VEB à Dresde (Allemagne de l’Est), sous la pression de la Zeiss Ikon AG, qui était en zone américaine, a peu à peu remplacé les noms de Zeiss Ikon et Contax par Pentacon qui, si elle offrait des appareils de qualités, ne put jamais vraiment percer et finalement cette lignée d’appareil disparu.

Alors que dans la zone libre, la marque Zeiss Ikon produisait de nouveaux modèles Contax, fortement révisés, les IIa et IIIa, qui seront fabriqués jusqu’en 1962.

Petite remarque, de grandes conséquences cependant : le Japon, qui avait très vite compris l’avantage de ce nouveau type d’appareils, avançait à marche forcée et proposait dès la fin des années cinquante, le début des années soixante, des reflex qui allaient mettre l’industrie photographique allemande à genou.

Ajoutons à cela la pénurie de matière première de l’après guerre. Dès lors la firme fut contrainte de former alliance avec une firme japonaise et non des moindres : Asahi Pentax, qui avait présenté l’Asahiflex, un des tous premiers réflex du soleil levant.

Cette collaboration favorisa la récupération de la monture M42 Est-Allemande par Pentax, qui en fit la Pentax Mount, puis la Pentax K Mount après la séparation des deux entreprise, tout cela pour éviter que le bloc de l’Est ne puisse aussi revendiquer la paternité de cette monture « universelle ».

Exit donc Pentax, une nouvelle alliance est alors conclue avec Yashica. Une nouvelle gamme de relfex est alors développée conjointement. En 1975, c’est la présentation du Contax RTS, un reflex « moderne ».

En 1983, Kyocera reprendra Yashica et continuera à produire sous les marques Yashica et Contax des appareils performants jusqu’en 2005, date fatale à la marque Contax, Kyocera décidant d’abandonner la fabrication de matériel photographique.

Rideau ….

Ce fut peut-être un peu long mais il ne semblait indispensable de resituer dans le temps la genèse de l’appareil que je vais vous présenter, le Contax 139.

Il est apparu sur le marché après le Contax RTS, (1974), l’appareil qui avait permis à Yashica de se positionner dans le segment supérieur des appareils professionnels grâce à l’excellence des objectifs produits par Carl Zeiss et grâce à l’adoption d’un obturateur à commande électronique, très précis et fiable. Cet appareil fut un succès immédiat !

En 1979, le Contax 139 reprenait les grandes lignes de son prédécesseur mais faisait un pas de plus dans la maitrise de son obturateur car il fut le premier appareil à utiliser la fréquence d’oscillation du quartz pour assurer la fiabilité de ses vitesses d’obturation.

Je vous invite à lire quelques lignes issues d’un magazine promotionnel de la marque :

« Après avoir révolutionné la technologie horlogère, le quartz s’introduit à présent dans le domaine de la photographie.Rien de plus normal puisque la photographie et la mesure du temps sont intimement liées. Les impulsions extraordinairement précises qu’engendre ce minuscule cristal commandent toutes les fonctions tributaires du temps du Contax 139 Quartz, le premier appareil photographique du monde à faire sienne la précision du quartz.
Ainsi, les vitesses d’obturation et toutes les séquences de fonctionnement de l’appareil sont pratiquement exemptes d’erreurs. Mieux encore, ce système de haute précision contrôlé par quartz est logé dans un boîtier ultra compact et léger.
Parmi les autres caractéristiques de cet appareil, notons le double système de mesure de l’exposition, à savoir, d’une part la mesure de la luminosité à travers l’objectif pour une exposition normale, et d’autre part la mesure de la luminosité réfléchie sur la surface du film pour la photographie au flash, ce qui permet un contrôle total de l’exposition à l’intérieur de l’appareil.
Dernier-né du système Contax, le Contact 139 Quartz vous invite à pénétrer dans ce monde unique qu’est celui de la photographie Contax. »

Comme son prédécesseur, son design sera confié au bureau de design de … Porsche !

Toutefois, ce boitier sera totalement innovant, très compact et léger car fabriqué en alliage d’aluminium (500gr nu).

Présenté en 1978 à la PhotoKina en présérie, il ne prendra son nom définitif que lors de sa sortie commerciale, en 1979 et devient le Contax 139Q. L’appareil sera produit à près de 200.000 exemplaires jusqu’en 1987..

Mais voyons le plus en détail.

C’est donc un cristal de quartz qui pilote l’obturateur en position Auto. Il propose des vitesses de 11s à 1/1000s et de 1s à 1/1000s en mode manuel, plus pause B, avec une synchro flash au 1/100s. Cet obturateur est métallique à déplacement vertical avec une commande électronique.

La cellule est une photodiode au silicium qui offre un système de mesure pondéré central.

Si l’appareil peut être utilisé en tout automatique, il est aussi semi-automatique avec priorité à l’ouverture et il peut être manuel. Il possède une fonction verrouillage AE pour l’exposition mesurée, un testeur de profondeur de champ, une compensation d’exposition allant de + 2 à – 2.

Le flash est synchronisé TTL (à travers l’objectif) si vous utilisez les flashs dédiés TLA20 ou TLA30; la synchronisation se fait alors automatiquement au 1/100s. Pour les autres flashs, il reste toujours une prise PC

Le viseur, très clair, lumineux même, ce qui favorise les prises de vue par faible lumière, utilise un champ mat avec un stigmomètre horizontal, entouré de microprismes fins. Les informations d’ouverture sont en haut du viseur tandis que les informations de vitesse sont sur la droite, matérialisées par des Led rouges.

Au niveau manipulations, le sélecteur de vitesses est à gauche tandis que la gestion des Iso se fait à droite, tout comme la correction d’exposition.

Il faut légèrement déplacer le levier d’armement pour soulever le bouton et sélectionner la sensibilité de votre film SI vous désirez corriger l’exposition, là vous devez pour le bouton à droite et déplacer la molette.

Normalement, l’appareil est livré avec un étonnant 50mm signé Carl Zeiss ouvrant à f1,7. Etonnant de par la qualité des images qu’il délivre pour sa petite taille.

Lorsque j’ai reçu mon appareil, il était livré sans objectif parce qu’il a servi d’appareil dans un …. laboratoire médical et donc il était monté sur un microscope. Il est équipé d’un dos dateur qui permet d’inscrire la date et d’autres données de prise de vue sur le film.

Le Carl Zeiss atteint des prix eux aussi étonnants alors je me suis tourné vers une monture Yashica dite Y/C puisque destinée indistinctement aux Yashica et aux Contax, d’aussi excellente qualité car eux aussi souvent signé de l’opticien allemand. Quoique j’ai choisi un 50mm f1,9 DSB fabriqué qu Japon, bien plus abordable.

Que retenir de cet appareil ?

Il est effectivement très agréable à prendre en mains, nonobstant le revêtement qui part en lambeaux, mais c’est un défaut connu, encore accéléré par le fait que cet appareil était très souvent désinfecté dans son travail en labo médical. Mais il est assez facile, pour moins de 20€ de changer le cuir.

J’avoue que j’aurais aimé passer par Asahi-Aki pour passer commande, mais les restrictions dues au Covid l’empêche de livrer en Europe.

Son viseur est vraiment agréable. Par contre, les touches pour la correction d’exposition ou la mémorisation d’exposition demandent un peu d’habitude mais sans être rédhibitoire.

Lorsque vous lancez le retardateur, une lampe rouge assez grande clignote sur la face avant pendant 10 secondes.

Le bouton pour la compensation d’exposition est un peu étrange mais finalement assez intuitive, en tout cas on s’habitue. Ou alors vous choisissez de mettre l’appareil sur AE et la mémorisation sera « continue » – ne pas oublier de repasser dans une autre position ensuite sinon les piles vont s’épuiser assez rapidement.

Est-ce un appareil abordable ? Oui … et non. Sur les grands sites de vente, vous en trouverez régulièrement avec au moins un objectif autour des 130€.

Pour le mien, j’ai dû acheter un objectif à part et je vais devoir refaire les mousses plus le cuir de revêtement. Ce qui veut dire que si je le revends, pour une fois, je ne pourrais pas descendre sous la barre des 100€.

Ceci étant, la réputation de cet appareil reste excellente et nous sommes loin des prix atteints par les Contax suivants, dont les prix s’envolent; surtout celui en Titane (le S2b).

Résumé technique :

  • Cellule au silicium
  • mémorisation de l’exposition
  • testeur de profondeur de champ
  • correcteur d’exposition (+2/-2)
  • Mode(s) d’exposition : Semi-Automatique, Automatique, Manuelle
  • Sélecteur d’ISO : de 12 à 3200 Iso
  • Vitesse : de 11 s à 1/1000ème en mode auto ou 1s à 1/1000s en mode manuel
  • synchro flash au 1/100s
  • Retardateur électronique de 10s
  • Alimentation par 2 piles 1,5v (SR44)
  • Accessoires : Flash, Dos dateur D-6, moteur d’entrainement
  • Flash TTL dédié ou flash électronique de marque tiers
  • déclencheur électromagnétique très doux et peu bruyant
  • possibilité de surimpressions multiples
https://i0.wp.com/www.collection-appareils.fr/gestion_catalogue/images/1335532840.jpg?w=640
source : Collection-appareils, Phokina 1979-1980

Petite video d’illustration

Pour des exemples de photos prises avec cet appareil

Le test Photo Argus du 3ème trimestre 1980, c’est par LA

Pour le mode d’emploi, c’est par ICI

Si des réparations s’imposent, je vous recommande ce site (en anglais) : Contax 139 Resource

Quelques références : https://www.danstacuve.org/test-du-contax-139q/, http://www.collection-appareils.fr/x/html/appareil-12254-Contax_139%20Quartz.html, https://fr.wikipedia.org/wiki/Contax en français, http://camera-wiki.org/wiki/Contax_139, http://www.contax139.co.uk/, https://kosmofoto.com/2020/02/contax-139-quartz-review/, https://casualphotophile.com/2016/02/13/contax-139-quartz-camera-review/, https://en.wikipedia.org/wiki/Contax en anglais, https://contax-cameras.reconact.com/contax-slrs/contax-139/ en allemand

6 commentaires sur “Le Contax 139

  1. J’ai toujours le mieux que l’on m’avez offert pour mes 20 ans en 1982 …

    • Bonsoir JPB,
      Ah, on faisait dans le costaud à l’époque ! Je souhaite que vous vous en serviez encore, 40 ans plus tard. Bien cordialement.

  2. bonjour, j’ai eu dans les années 80, un contax avec armement automatique, et je ne retrouve plus le type, je me suis fait volé le boitier et les objectifs, lors d’un 14 juillet à Paris, je me suis retrouvé à tenir la sangle et plus de sacoche. Triste souvenir.

    • Là je comprends votre désarroi et votre frustration ! Les jours comme le 14 juillet sont, malheureusement, propices à ce type d’exaction. Notez qu’il existe des sangles avec un fin fil d’acier à l’intérieur, impossible à couper d’un coup de couteau ou de rasoir, mais on les achète souvent quand on s’est déjà fait voler. Je vous souhaite de retrouver un jour le même appareil, juste pour le plaisir. Bien cordialement.

    • Juste après le 139Q vinrent le 137 MD puis le 137 MA, tous deux motorisés. Même taille que le 139 mais un peu plus lourds à cause des piles logées dans le sabot..
      Ensuite, après le RTS II, sont sorti le 159 MM et le 167MT, Ce dernier est également motorisé.
      Je restaure et répare pas mal de 139Q , ils ont souvent la même panne, très facile à régler, en quelques minutes.
      Mes préférés, de l’époque, étant le RTS II et, surtout, le 159MM,.. que j’utilise toujours, tous les deux..
      L’Aria étant un petit bjoux sur lequel je lorgne…

      Excellent article.
      Merci

      • Merci Alex. Ce sont de très chouettes appareils, parfois un peu trop surcoté à mon avis mais qui demeurent excellents.
        Comme le 139 que je possédais n’était pas en panne, j’ignore de laquelle il s’agit. Peut-être un petit mot à ce sujet pour aider nos lecteurs qui seraient dans le cas ?
        Et je vous comprends pour l’Aria, il ne fait aussi de l’œil …
        Bien à vous.

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