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Le Canon A 35 F

Dans la longue tradition des appareils Canon, celui-ci est un des derniers télémétriques produit. Il date de 1978, basé sur le célèbre Canonet 28.

Ah, vous connaissez ma faiblesse … je vais donc vous conter – rapidement, c’est promis – la saga Canon télémétrique.

Comme tous les grands constructeurs de l’époque, Canon s’est inspiré des appareils télémétriques allemands, dont le Leica, quoique ….

« J’ai découvert que l’appareil ne comportait aucun matériau précieux, comme des diamants. Toutes les pièces étaient en laiton, en aluminium, en acier et en caoutchouc. Ma surprise a été grande en réalisant que ces matériaux bon marché, une fois assemblés pour former un appareil photo, étaient vendus à un prix exorbitant. » (citation extraite du livre 150 ans d’appareils photo, de Todd Gustavson, paru aux éditions Eyrolles). Ainsi parla Goro Yoshida, lorsqu’il démonta un appareil Leica au début des années 30.

C’est de ce constat que part Goro Yoshida pour proposer un premier prototype, sous la marque Kwanon, déesse de la miséricorde. Nous sommes en 1934.

Afin de trouver une solution optique qui le satisfasse, il fait appel à la Nippon Kogaku Kogyo, spécialisée dans la fabrication d’éléments optiques (qui n’est autre que l’ancêtre de Nikon) et en 1936, il produit le premier « vrai » télémétrique Canon, le Hansa

source : le monde de la photo, le premier télémétrique Hansa (1936)

Devant le succès du Hansa, en 1937, Yoshida fonde,; avec 3 collaborateurs, la société Canon.

Ce premier jet fut suivi d’un Hansa S (1937) qui était destiné clairement à concurrencer le Leica.

source : le monde de la photo, Canon SII et IIB

Le Hansa S devient Canon S dès la déclaration du nouveau nom de la société. Le but du premier PDG de l’entreprise est de « rattraper et dépasser Leica ».

Mais la Seconde Guerre Mondiale vient redistribuer les cartes et il faudra attendra 1946 pour que Canon sorte un successeur au Canon S sous la dénomination de SII, qui sera réellement le premier appareil photo 35 mm à disposer d’un viseur avec télémètre combiné. Leica n’y arrivera qu’avec le M3, bien plus tard !

En 1949, ils sortent son successeur, le II B qui comprend alors un viseur optique à trois voies, assorti d’objectifs interchangeables.

Jusqu’en 1954, Canon, grâce au design soigné de ses modèles, à la qualité de sa fabrication et ses innovations devient l’égal de la marque allemande. Ils vont apporter nombre de modifications qui prouve que Canon n’est plus un « copieur » de Leica et qu’ils sont en avance sur bien des points :

  • assembler en une seule fenêtre viseur et télémètre
  • viseur à grossissement variable en faisant apparaître les focales de 50-85-135mm
  • installation d’un vrai système de flash avec une griffe qui possède un contact pour la synchronisation
  • dos à charnière

Toutes ces caractéristiques seront reprises dans le IV SB 2 (1954), un des plus beaux télémétriques jamais produit.

Mais Leica vient de sortir le M3 qui peut être considéré comme le summun du télémétrique argentique :

  • viseur-télémètre multi focale,
  • monture à baïonnette,
  • sélection automatique du cadre de visée au montage de l’objectif
  • , possibilité de prévisualiser le champ d’un objectif sans nécessairement le monter,
  • compatibilité totale avec les anciens objectifs à vis (bague d’adaptation vis sur baïonnette),
  • toute la gamme des vitesses sur un seul barillet (alors que Canon isolera les vitesses lentes sur un deuxième barillet placé sur la face avant des appareils jusqu’en 1956),
  • deux prises de synchro flash (électronique et magnésique),

Dès lors Canon continuera à apporter quelques améliorations, surtout au niveau des optiques notamment en sortant des focales inhabituelles qui seront reconnues pour leur qualité optique et viendront concurrencer sans rougir celles de chez Leitz.

Mais c’est dans le début des années soixante que Canon va marquer un grand coup en présentant le Canon 7. Celui-ci propose une cellule au sélénium incorporée, un viseur multi focale en 35 – 50 – 85 – 100 et 135 mm, toujours son dos sur charnière et il est proposé avec un objectif exceptionnel par ses caractéristiques physiques, un 50mm ouvrant à f 0;95.

Cet imposant objectif nécessite que Canon modifie la monture, côté appareil, pour l’y fixer : une baïonnette fait son apparition avec une came pour le réglage télémétrique mais elle garde le filet en M39 pour tous les autres focales.

Ensuite, en 1965, la marque présente le 7S, l’amélioration venant de la cellule qui passe du sélénium au Cds (sulfure de cadmium) plus performante en termes de précision et sensibilité mais qui nécessite une pile.

Finalement Canon arrêtera la fabrication de télémétriques en 1968, du moins ceux à objectifs interchangeables.

De fait, la marque s’est lancée dans une autre aventure, celle des reflex qui seront l’avenir de la photographie pour de nombreuses autres années et qui verra Canon river le clou définitivement à Leica en devenant régulièrement la marque la plus vendue au monde, tous modèles confondus.

Toutefois, lorsque Canon a lancé le Canon 7 en 1961, il faut reconnaître que le marché des appareils photo télémétriques à objectif interchangeable haut de gamme commençait à tomber en disgrâce auprès des photographes.

Depuis les années cinquante, le Single Lens Reflex (SLR) commençait à combler les attentes des photographes sérieux et ils se détournaient des télémétriques coûteux.

Lucide, Canon savait que pour rester au top du marché, ils devaient produire plus de reflex et moins de télémètres. Bien que ces appareils restaient attractifs pour les amateurs, les familles qui cherchaient un appareil facile à manipuler, tout en restant qualitatif.

1961 fut donc une excellente année car c’est à cette époque qu’apparut aussi le Canonet.

Un modèle tout à fait original car ce boitier, au design neuf, proposait un objectif fixe f/1.9 45 mm, un posemètre à cellule au sélénium, et était vendu moins de la moitié du prix d’un Canon 7 avec 50 mm objectif f/1.4.

Ce télémétrique à objectif fixe a été un succès immédiat et s’est très bien vendu en tant qu’option intermédiaire aux reflex plus chers et au Canon 7 haut de gamme.

Devant ce succès, Canon introduit en 1963 le premier « entrée de gamme » en proposant un modèle encore plus basique, le Canonet Junior. Un boitier plus petit et plus léger, avec un objectif 40 mm f/2.8, un posemètre à cellule au sélénium, mais pas de télémètre.

Puis, en 1965, vint le Canonet QL17, avec un tout nouveau design de boîtier (plus petit et plus léger que le modèle d’origine), mais qui contenait des fonctionnalités avancées comme un posemètre CdS, une exposition automatique à priorité vitesse et la nouvelle fonction de chargement rapide (QL pour quick load) qui simplifiait le film chargement rendant presque impossible l’insertion incorrecte d’une nouvelle bobine.

Ce QL17 était le haut de gamme de la série Canonet et offrait aux photographes un objectif f/1.7 très rapide avec une excellente optique, un posemètre précis et un excellent télémètre pour un prix toujours abordable.

De nombreuses déclinaisons verront le jour autour du Canonet. La dénomination changera en fonction de l’objectif : QL 17 pour le 40mm ouvrant à f1,7, QL 19 celui ouvrant à f1,9, QL 25 pour le même ouvrant à f2,5. Il y eut aussi un f2,8 mais celui-ci perdait le télémètre.

Le succès reste toujours présent et en 1969, les Canonet deviennent des « New Canonet ». Les boitiers sont plus petits et plus légers mais ils gardent leurs excellents objectifs dont le fameux f1,7 en 6 éléments, la fonction QL, le posemètre CdS et l’exposition automatique à priorité vitesse.

Toute la gamme bénéficiait de cette cure d’amaigrissement et, cerise dans le capot, le Canonet 28 recevrait enfin un télémètre contrairement aux modèles précédents qui étaient uniquement à mise au point « à l’échelle » (celle gravée sur le fut) ou au « pifomètre ».

Onze ans après sa sortie, le succès était toujours au rendez-vous, ces appareils comblaient les désirs de bien des photographes. Car si les reflex dominaient le marché pro depuis plus de 10 ans, le besoin de modèles intermédiaires, voire même d’entrée de gamme, commençait à se faire sentir.

Décidément le télémètre allait-il mourir une seconde fois ?

Dans un dernier effort – ou baroud d’honneur ? – Canon améliore encore sa gamme en 1972 : cette fois le haut de gamme de celle-ci s’appelle Canonet G III QL 17. Le G suivit des chiffres romains 3 indique qu’il s’agit de la troisième (et dernière) génération du Canonet.

Si ces beaux appareils restaient très performants et efficaces, ils demandaient un minimum de connaissances et d’investissement de la part du photographe.

Or le photographe lambda veut quelque chose de simple et de – vraiment – facile.

La mise au point automatique, les flashs intégrés sont sur les tables à dessin des grands constructeur : Canon, Minolta, Konica planchent dessus depuis un moment.

Finalement, Konica sera le premier, en 1977, a présenter le premier appareil à mise au point automatique et prise de vue automatisée : ce sera le Konica C 35 AF, AF pour autofocus, un mot qui deviendra une norme.

Canon et Minolta se faisaient coiffer sur le poteau !

En réaction, Canon sortait alors un Canonet qui changeait de nom et devenait le A 35 F, un télémètre toujours manuel mais avec le flash intégré

Fin stratège, Canon appelle son petit dernier A 35 F, histoire d’ajouter un brin de scepticisme chez le client qui a bien intégré que AF voulait dire autofocus !

C’est clairement un appareil destiné à combler une attente car dès 1979, Canon sortira son Canon AF 35 M pour autofocus 35mm motorisé. Celui-ci devrait même être considéré comme le premier vrai autofocus parce que contrairement à celui du Konica dit « passif », le sien était dit « actif ».

En 1978, le Canon A35F est donc l’un des derniers appareils photo télémétriques à mise au point manuelle produits par Canon, basé sur le boîtier Canon Canonet 28, une valeur sure.

Il propose un programme d’exposition automatique, contrôlé par une cellule CdS, un flash automatique intégré (mais qu’il faut sortir manuellement), alimenté indépendamment par une pile AA classique.

Le système de flash est appelé « CATS » (Canon Auto Tuning System) car il mesure l’exposition correcte en fonction de la distance du sujet et de la tension de charge.

De fait, le premier appareil Canon a bénéficier de ce flash électronique intégré a été le Canon A 35 Datelux. Un appareil peu couru et qui offrait simultanément le flash intégré mais aussi une fonction « dateur » généralement réservée à des boitiers haut de gamme, qui permettait d’imprimer la date sur chaque photo prise (utile pour le suivi de chantier, des présentations commerciales, p. ex.)

C’est un appareil à fonctionnement automatique avec un système d’exposition qui présélectionne un couple vitesse/ouverture. L’objectif est un classique 40 mm dont l’ouverture maximale est f/2,8.

Le viseur fournit les informations de parallaxe et d’ouverture. Si la pile d’alimentation du système d’exposition est bonne, en appuyant sur le bouton de test de pile, l’aiguille de la cellule se positionne sur une zone verte.

L’appareil photo est doté d’un objectif Canon de 40 mm à 5 éléments et d’un système AE à programme complet pour des expositions de qualité à chaque fois.

Pour rappel, le Canon A35 F est essentiellement un Canonet 28, partageant son objectif à 5 éléments 40 mm f/2.8, qui gagne un un flash et supprime toutes les commandes manuelles, sauf celle de la mise au point. Il n’existe qu’en livrée noire (tant mieux, c’est celle que je préfère et ça vous évitera des surcoûts comme pour le Canonet QL 17 G III qui frisent les 200€ en noir).

Esthétiquement, le dessus du boitier est un hybride d’ancien (le Canonet 28) et de nouveau avec le flash « popup » manuel qui occupe le quart gauche de l’appareil photo, avec la poignée de rembobinage rabattable à sa droite. J’aime assez ce style de poignée de rembobinage qui, une fois pliée, est presque complètement à plat sur le dessus et, lorsqu’elle est en position de rembobinage, a un bras légèrement plus long pour un rembobinage plus rapide que les autres modèles Canonet précédents.

À droite se trouve un bouton rouge de vérification de la batterie, près du levier d’armement et d’avance du film, avec déclencheur au centre, puis le compteur d’exposition à réinitialisation automatique.

En dessous, vous trouverez le bouton de déverrouillage du rembobinage, la prise de trépied 1/4 ‘et les deux compartiments de batterie. Pour mémoire, le flash utilise une seule pile alcaline AA et le reste de l’appareil photo une pile au mercure 1.35v PX625, heureusement interdite et que l’on peut remplacer par une LR 44.

Derrière se trouve la porte du film qui occupe presque toute la largeur, avec une petite partie restante pour loger la batterie du flash. La porte s’ouvre en appuyant sur le loquet de déverrouillage.

Dans le coin supérieur gauche se trouve l’interrupteur Flash On, qui non seulement fait apparaître le flash, mais commence à le charger. Il faut entre 5 et 8 secondes en fonction de la puissance de la batterie,pour charger le flash.

La chambre est assez classique, toutefois sans la fonction de chargement rapide. Le transport du film se fait de gauche à droite sur une bobine réceptrice fixe et à plusieurs fentes. La plaque de pression est en métal plat, avec un rouleau métallique et des pinces à ressort de l’autre côté pour stabiliser à la fois la bobine et maintenir la planéité du film lors de son transport à travers la chambre.

Ce boitier dispose d’une exposition automatique entièrement programmée qui prend en charge tout le contrôle des vitesses d’obturation et des diaphragmes. Le posemètre CdS n’est pas TTL, mais se trouve dans la bague de filtre de l’objectif, il compense donc automatiquement lorsque des filtres sont fixés à l’appareil photo.

Contrairement au Canonet 28 qui peut fonctionner même sans piles, ici sans elle ,point de salut. Vérifiez donc bien que le compartiment n’est pas oxydé si vosu en trouvez un.

À l’avant, la seule autre commande de l’appareil photo est un retardateur mécanique situé en dessous et à gauche de l’objectif.

Le viseur est celui des Canonet antérieurs avec un viseur principal teinté de bleu vif, avec des lignes de cadre projetées jaunes et des marques d’indication de parallaxe, un patch de télémètre rectangulaire et une échelle d’exposition qui n’affiche que les diaphragmes (sur la droite) .Le viseur est de bonne taille et facile à utiliser, clair et précis.

source : Mike Eckman

La sensibilité de la cellule se règle sur le fut de l’objectif, de 215 à 400 Iso.

Un dernier mot sur le déclencheur, très doux et discret, parfait pour la photo de rue.

S’il faut reconnaître que les appareils qui suivront, avec autofocus et réarmement motorisé vont simplifier la vie de nombre de photographes, ils n’étaient pas (encore) reconnus pour leur discrétion. Essayez un Canon AF 35 M, vous comprendrez …

Celui que j’ai trouvé, sur une brocante, pour une fois était préservé. Une dame âgée venait de décéder et sa fille vendait ce dont elle n’avait plus besoin. Vendu avec son « sac tout prêt », il est en bel état. Heu, l’appareil, pas le sac, qui n’a pas bien résisté au temps qui passe. Il n’est, ma foi, pas indispensable, même s’il protège toujours l’appareil.

Je l’ai sorti délicatement du sac, retourné dans mes mains puis porté à l’œil : la cellule fonctionnait parfaitement et le flash aussi, les vendeurs ayant pris la peine de remplacer les piles. J’ai presque eu scrupule à marchander le prix !

Bref, me voilà avec une espèce de « chainon manquant » puisque j’ai eu l’opportunité d’acquérir en son temps un Canon P, digne représentant,t des « vrais » télémétriques à objectif interchangeable, puis un Canonet QL 17 GIII, un Canonet QL 19 G III, un Canonet 28, un Canon AF 35 M et un Canon AF 35 MII.

Là je pense avoir fait le tour.

Si vous cherchez un appareil télémétrique, que vous réglez encore vous-même, mais bénéficiant d’une cellule précise, cet appareil n’attends que vous.

Pour environ 35€ en bon état, vous trouverez un compagnon fiable et facile, prêt à vous accompagner dans tous vos déplacements. Vous pourriez lui reprocher une ouverture somme toute pas si ridicule que ça (f2,,8) mais dites vous que les films modernes, plus rapides qu’à l’époque, vous offrent la latitude nécessaire pour ne pas rater vos photos

source : collection-appareils.fr, Grenier-Natkin 1979

Petite video d’illustration

Un peu de technique :

Viseur collimaté avec télémètre à coïncidence pour la mise au point.
Objectif de 40mm de focale, F:2,8 (5 éléments en 4 groupes)
Obturateur : vitesses de 1/60 à 1/320 s
Retardateur mécanique.
Armement par levier.
Compteur de vue progressif, remise à zéro automatique à l’ouverture du dos
Manivelle de rembobinage sur le dessus.
Exposition automatique programmée, déterminant l’ouverture et le temps de pose en fonction des conditions d’éclairage et de la distance de prise de vue.
Réglage manuel de la sensibilité de 25 à 400 ISO.
Indications disponibles dans le viseur : à droite de l’image, l’aiguille indique l’ouverture, avec repère de contrôle de la batterie, et secteurs rouges indiquant la surexposition ou sous-exposition.
Source d’énergie : une LR44 et une batterie de 1.5 V AA pour le flash intégré.
L’extraction, la mise en service et le retrait du flash sont manuels (bouton au dos du boîtier)
Le fonctionnement du flash est entièrement automatique avec le système Canon (CATS) qui règle l’ouverture selon la distance de prise de vue et la sensibilité du film.
Dimensions et poids de l’appareil : 122 x 75 x 61 millimètres, 540 g.

Pour le mode d’emploi, c’est par LA

Quelques références comme d’habitude : http://35mm-compact.com/compact/canona35f.htm,https://collection-appareils.fr/x/html/appareil-10540-Canon_A35F.html, https://collection-appareils.fr/x/html/appareil-10541.html, https://www.lemondedelaphoto.com/De-Kwanon-a-Canon-un-peu-d,9915.html, https://fr.independent-photo.com/news/a-brief-history-of-canon/ http://ivsb2.free.fr/index-rf.html en français, https://www.mikeeckman.com/2020/11/canon-a35-f-1978/, https://en.wikipedia.org/wiki/Canon_A35F en anglais

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