Le Zeiss Ikon Super Ikonta 531/2

Une fois n’est pas coutume, dit-on, je plonge cette fois dans du vraiment vieux !

Aujourd’hui je vais vous présenter un appareil dit « folding », c-à-d avec un soufflet reliant l’objectif à la chambre.

C’est daté me direz-vous !

Oui, en l’occurrence, ce modèle a débuté sa carrière en 1936 et il l’a poursuivie jusqu’en 1955, preuve que le concept était bon et l’appareil excellent.

Car il s’agit d’un Zeiss Ikon, le Super Ikonta.

Mais commençons par le commencement. Qui était Zeiss Ikon ?

Elle fait partie des plus vieilles maisons européennes actives dans la photographie. Elle est le résultat de la fusion, en 1926, des sociétés Ica, Ernemann, C.P. Goerz et Contessa-Nettel – celles qui fabriquaient le célèbre Contax, à Dresdes. En 1929, la nouvelle société rationalise la production et ne seront gardés que quelques modèles, des nouveaux verront le jour, dont le fameux Ikonta, qui porte le nom de l’entreprise.

C’est en 1933 que la gamme Ikonta s’étend et s’améliore avec la gamme Super Ikonta, qui introduit une petite merveille de précision et de mécanique : un télémètre couplé, très précis.

Le premier modèle sera appelé Super Ikonta 530/2. Il utilise du film en 120 et produit des négatifs en 6x9cm.

En 1936, ce sera le Super Ikonta 531/2, toujours équipé du fabuleux télémètre couplé mais qui propose dorénavant 2 formats d’image : le 6x9cm (8 photos sur un rouleau de 120) et, moyennant un cache spécial, le 6×4,5cm (16 photos sur le même rouleau).

Disons le tout de suite, c’est un bel appareil, même si celui que j’ai acheté a perdu un peu de sa superbe, le noir brillant du cadre s’écaille.

Voyons cela de plus près : le corps de l’appareil est un alliage d’aluminium moulé sous pression, la porte de l’objectif et celle du dos sont en acier embouti. Le tout est recouvert de cuir noir (du vrai cuir) et les bords sont peints en noir brillant. L’ensemble tient dans une poche, mais il faut qu’elle soit solide car il fait dans les 800gr avec un film !

Sur le haut du boitier, c’est le télémètre, avec ses deux « petits » yeux en façade et un viseur escamotable au milieu. A l’arrière, un seul oculaire, assez petit (4mm) mais utilisable – et courant en 1933, Leica ne fait pas mieux. Les deux petites fenêtres à l’avant sont un peu plus grandes (7mm). Ce télémètre est couplé à l’objectif, grâce à une fenêtre portée en bout de celui-ci.

-« Tiens, pourquoi un viseur pliant alors qu’il y a un télémètre ? »

Excellente question, passez à la suivante …

En fait, c’est l’équivalent, me semble-t-il des viseurs dits sportifs des tous premiers appareils. A ceci près que celui-ci est quand même perfectionné : lorsque vous appuyez sur le bouton en haut à droite, il se libère dans un beau « clac » ferme. La plaque métallique qui vient de se lever porte au milieu une lentille rectangulaire gravée (qui est l’oculaire réel) de 6x4mm, alors que l’autre partie est un verre concave de 16x11mm. Les deux combinés donnent une image réduite comme un viseur galiléen inversé.

Ce viseur, vous l’aurez compris, est conçu pour les images en 6×9. Si vous utilisez le format 6×4,5, pas de panique, Zeiss a prévu des grilles sur le verre de la première lentille.

Vous pourrez donc cadrer « à la volée » en ayant présélectionné la distance, ou utiliser la visée avec le télémètre. Cela dépendra de votre temps et du style de photos que vous faites.

Le viseur (inventé par le Néerlandais Albada) est, disons-le, tout sauf clair. Pour contraster clairement les lignes de dessin pour les formats d’image 6 × 9 et 6 × 4,5 dans le verre, un revêtement jaune a été appliqué qui devient clairement flou au fil des ans. Et je ne parle pas du verre concave, qui a dû recevoir un traitement de surface qui s’altère avec les ans.

Pour installer le film dans la chambre, il suffit de faire glisser le bouton qui est sur la tranche droite de l’appareil, sous la lanière de portage, ce qui libère la porte arrière. La charnière se trouve à gauche. Près de celle-ci, gravé dans le cuir, vous trouverez le numéro de série de l’appareil alors qu’à droite, près du loquet d’ouverture, vous trouverez le nom et le type du modèle.

531 pour le modèle, /2 lui fait référence au format du négatif, le 6×9. D’autres inscriptions désignent d’autres combinaisons de film (4,5×6 p. ex.)

Au dos de l’appareil, vous voyez deux fenêtres rouges (rouge dit inactinique). Selon que vous utilisez l’appareil avec le format 6×9, vous utiliserez la fenêtre de gauche pour lire les signes sur le papier support de la bobine. Et forcément, si vous êtes en 4,5×6, ce sera la fenêtre de droite (rassurez-vous, c’est noté dessus).

Comme je l’ai écris plus haut, le Super Ikonta 531/2 permet d’utiliser deux formats d’image, le 6×9 « classique » et le 4,5×6, moyennant l’utilisation d’un cache, aimablement fourni par le constructeur (et qu’il convient de ne pas perdre car introuvable !).

Cet appareil est un « Klappkameras » comme disent les Allemands, ou folding pour les anglais et « à soufflet » pour les francophones.

Ce fameux soufflet peut faire peur car beaucoup le considère comme fragile. Mais il a été fabriqué en cuir et il est fait pour durer 100 ans au moins. D’ailleurs, la plupart des vieux Ikonta fonctionnent toujours, avec leur soufflet d’origine.

L’autre pièce incassable et remarquable de ces Ikonta, c’est l’obturateur : un Compur rapid, sans doute le meilleur obturateur jamais conçu et un des plus anciens, produit à partir de 1912 ! La grande bague des vitesses n’est pas crantée mais elle est « ferme ». L’obturateur est même équipé d’un retardateur, il est vrai un peu caché : il s’agit d’un petit bouton qu’il faut pousser vers le bas pour armer le décompte (8 à 10 secondes). Ces obturateurs sont réputés pour leur précision et leur solidité.

N’oublions pas, évidemment, les objectifs Zeiss. Les plus utilisés étaient le Novar et le Tessar. Pour les appareils au format 6×9, il s’agit d’un 105mm.

Le mien est un Tessar 105mm ouvrant à f4,5.

Ceci étant, il n’est pas très rapide ce Compur: 1/250s (certains iront jusqu’au 1/400s).

Quant à la distance de mise au point, elle commence à 1m environ. Cette mise au point peut se faire avec le télémètre, en actionnant la petite molette qui est à côté de l’objectif. Celle-ci le fait tourner, dans un sens ou l’autre (mais elle ne fait pas un tour complet). La vitre ronde, relevée, s’ajuste automatiquement et elle est visible à travers le télémètre. Les deux images doivent se superposer pour que la photo soit nette. Ça demande un peu d’habitude, mais ça fonctionne très bien.

Comment ça fonctionne un Super Ikonta 531/2 ?

Tout d’abord, il faut introduire un film dans la chambre. Du grand classique si ce n’est qu’il ne faut pas oublier quel format on a choisi (6×9 ou 4,5x6cm).

Puis, il faut ouvrir l’appareil en veillant à tirer le loquet du cache objectif vers l’avant. Appuyez sur le petit bouton sur le dessus de l’appareil, à côté du viseur escamotable : clac, il sort de son logement comme un beau diable et en même temps, l’objectif se déploie automatiquement (faut parfois un peu l’aider), les charnières chromées se bloquent d’elles-même en fin de course. Du bel ouvrage mécanique, vraiment.

Vous réglez la distance selon ce que j’ai expliqué plus haut, la vitesse avec le petit levier sur le côté gauche du Compur (utilisez une cellule à main pour les réglages).

N’oubliez pas d’armer le déclencheur en tournant, dans le sens de la flèche, la molette au dessus à gauche, près du déclencheur. Un point rouge apparaitra quand celui-ci est armé, derrière la molette. cette molette fait aussi avancer le film, vérifiez dans la fenêtre rouge ad hoc l’avancement de celui-ci.

Pour la première photo, vous aller armer l’obturateur avec le petit bouton sur le côté droit de l’obturateur Compur (il faut le remonter). Ensuite il vous reste à cadrer et appuyer sur le déclencheur !

Si ça vous semble compliqué, je vous ai trouvé une petite vidéo ici en dessous.

Que penser de cet appareil, finalement ?

C’est un magnifique exemple de ce qu’on l’on fabriquait au début du XXème siècle : solide et beau à la fois, fait pour durer, ingénieux et simple, avec des matériaux de qualité.

De nos jours, cet assemblage permet de bénéficier d’un grand format (6×9) dans un appareil somme toute très compact (enfin, quand il est replié).

Mais est-il pour autant pratique à utiliser ?

Sa prise en mains est assez déconcertante car je ne sais pas comment bien le tenir : le poser sur la main gauche n’a pas de sens car le déclencheur est à gauche. Le poser sur la main droite n’est pas évident car il ne reposerait alors que sur le soufflet, donc instable. Il n’est pas possible non plus de glisser la main droite sous la lanière de portage pour assurer une bonne prise.

Reste alors à le tenir fermement entre les deux mains, profitant du creux entre le soufflet et le cadre métallique pour affermir la main droite et essayant de tenir le côté gauche avec l’index posé sur le déclencheur.

Tenue qu’il faudra reprendre si on doit changer les réglages, que l’on ne peut faire en le tenant ainsi en mains.

A moins de le tenir verticalement ? Mais si la tenue sera meilleure, ici aussi se pose alors le problème de la visée, pas du tout « intuitive » dans ce sens-là !

Clairement, c’est un appareil qui demande du temps avant de déclencher.

Mais la qualité des négatifs en vaut, parait-il, la peine. De part leur taille bien sûr mais surtout grâce à la qualité de l’objectif Zeiss qui assure une foule de détail.

Vous trouverez quelques exemples de photos prises avec ce type d’appareil ICI

Je pense que je vais tenter l’aventure …

Ce n’est pas un appareil bon marché, vous l’aurez compris (à moins de faire une bonne affaire : celui qui me l’a vendu pensait qu’il s’agissait d’un Zeiss Ikon Nettar 515). La qualité et l’âge ont un prix.

Petites videos d’illustration

Des références utiles : https://vintage-photo.nl/perfection-from-the-thirties-zeiss-ikon-super-ikonta/, https://oldcamera.blog/2021/05/01/zeiss-ikon-super-ikonta/, http://camera-wiki.org/wiki/Super_Ikonta_531/2 , http://www.elekm.net/zeiss-ikon/sikonta530-2/ en anglais, http://www.lumieresenboite.com/collection2.php?l=1&c=Zeiss_Ikon_Super_Ikonta_531, http://www.lumieresenboite.com/collection2.php?l=1&c=Zeiss_Ikon_Super_Ikonta_530/2, https://collection-appareils.fr/x/html/appareil-9783-Zeiss%20Ikon_Super%20Ikonta.html, https://collection-appareils.fr/x/html/appareil-2402-Zeiss%20Ikon_Super%20Ikonta.html, http://www.cameraboussat.fr/dossier_collection/cible.php?id=330&marque=Zeiss-Ikon en français, https://bleckedermoor.de/fotomuseum/sui531-2.htm, https://paul-neugebauer.de/2020/zeiss-ikon-super-ikonta-531-2/ en allemand

2 commentaires sur “Le Zeiss Ikon Super Ikonta 531/2

  1. Bonjour, sur un super ikonta 531/2, ou trouve t’on le numéro de série ?
    J’ai trouvé un P 9121 * mais ça ne ressemble pas à un numéro de série
    Merci d’avance
    Cordialement
    Myriam Lavendy

    • Bonjour Myriam, il est près de la charnière, gravé dans le cuir. De l’autre côté, c’est le modèle qui est dans le cuir. Bien cordialement.

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