Intervention chirurgicale d’un objectif bien malade, par Olivier

Comme je l’ai déjà écris quelques fois, je ne suis pas capable de démonter un appareil au delà de mes limites. Et comme j’ai choisi les sciences juridiques, vous pouvez les posez assez vite, quoique, parfois …

Mais quelques lecteurs sont bien plus doués et entreprenants que moi dans certains domaines.

Je cite avec plaisir Pascal, Patrice, Georges (celui qui ose faire de vrais hybrides, voir « J’en rêvais, … il l’a fait« ) et celui que vous connaissez déjà, Olivier. Que les autres bricoleurs me pardonnent si je ne les cite pas (encore).

Et donc notre ami Olivier a mis les mains dans le cambouis non seulement pour vous illustrer comment changer la mousse d’un miroir (ça je peux le faire !) mais surtout commet oser démonter un objectif pour débloquer un diaphragme bien mal en point.

Bon, comme d’habitude, les petites phrases qui nous exonèrent de tous risques lors des manipulations : si vous ne vous en sentez pas capable, ne le faites pas. Ou testez vos limites sur des objets que vous ne regretterez pas si ça rate. Nous ne saurions être tenus pour responsables si votre objectif, votre boitier ne fonctionnent plus ensuite. Les manipulations que nous décrivons sont réelles et les appareils sur lesquels elles ont été faites fonctionnent parfaitement, mais les personnes qui ont entrepris les démontages/remontages ont travaillé avec prudence et soigneusement.

Tout ça étant clairement posé, allons-y pour une leçon de chirurgie argentique … Je laisse la place à notre ami Olivier.

Un retour de braderie….

Ou d’un vide grenier ou de tout autre évènement qui vous fera revenir avec cela !

              Dans le cas présent, il s’agit d’un ancien FUJICA STX-1 avec un 55 mm f 2.2, C’est le dernier FUJICA a être équipé d’une aiguille pour le posemètre ( le successeur sera le STX-1n qui utilisera des diodes pour la visualisation de l’exposition ). Je l’ai pris à cause de cette caractéristique, j’aime bien les aiguilles…

              Dans beaucoup de situation, vous ne serez pas en mesure de tester l’appareil ni même de savoir s’il est utilisable. Vous pouvez vérifier certaines fonctions ou certains éléments. Et hélas, les éléments que vous allez regarder risquent fort de vous décevoir. 

a) Les mousses d’étanchéité ou d’amortissement du miroir… Il y a peu de chance pour qu’elles soient en bon état et rejeter un appareil à cause de cette situation n’est pas vraiment le bon choix. En effet, elles peuvent être remplacées si vous avez une peu de dextérité.

b) Le diaphragme est bloqué… Et c’est presque normal si cet appareil n’a pas été utilisé depuis des dizaines d’années et s’il est resté au grenier. Là aussi ce défaut n’est pas un défaut qui condamne l’appareil. En effet, il est aussi possible de remédier à ce problème en faisant un nettoyage du mécanisme d’ouverture du diaphragme.  

              Nous allons prendre un peu de temps et voir que ces deux incidents peuvent facilement être corrigés.

a) La mousse amortisseur.

              Elle part en poussière et il ne faut surtout pas qu’elle aille sur le verre de visée car il risque d’être taché et un démontage de verre de visée, c’est loin d’être facile à faire (sauf s’il est interchangeable comme sur les appareils haut de gamme – CANON A-1, Olympus OM-1 ou OM-2, NIKON F-3) … Bref, il est préférable de changer cette mousse au plus vite.

              Avec un petit tournevis – ou un scalpel, vous aller gratter la mousse (toujours avec un mouvement vers l’extérieur) et mettre le support à nu.

              Un fois que c’est terminé, découpez un morceau de mousse (les plaques de mousse que les enfants utilisent pour le bricolage sont très bien, même si J-P recommande d’utiliser les mousses comme celles de chez Aki-Asahi). Puis vous le collez avec un peu de colle contact en prenant bien soin de ne pas en mettre sur le verre de visée. Il NE FAUT PAS en mettre beaucoup, utiliser le petit tournevis ou la pointe d’un cure dent pour en déposer par endroit et cela sera suffisant.

Et voilà, votre mousse amortisseur est changée. Pas de risque d’endommager le miroir ni d’avoir des fuites de lumière en provenance du viseur. (Oui j’ai mis la couche de colle… Mais j’ai l’habitude et sur cet appareil, il y a peu de risque).

b) Passons à notre diaphragme.

              Vous avez manipulé la bague de fermeture (ici c’est l’ergot qui est à gauche) et rien ne se passe, le diaphragme est toujours ouvert au maximum… Bon, et bien, il va falloir démonter !

              Fabriquer un petit outil bien pratique. Un tube de PVC et un joint en caoutchouc. Coller le joint sur le tube et vous allez avoir un outil pour démonter la face avant de l’objectif.

Bien sûr prenez le bon diamètre de tube ! Monsieur Bricolage et consorts vont vous voir souvent passer …

Allez, cela va venir, un peu de patience, et n’oubliez pas de tourner dans le bon sens, on dévisse (sens anti-horaire pour mémoire) !

              Voilà, c’est fait et aucune marque sur les pièces. Il n’est peut-être pas nécessaire de tout démonter mais pour cette face avant, c’est hélas incontournable.

              Par chance, sur cet objectif, le groupe avant est indépendant de la bague de mise au point, en retirant 3 vis, on enlève le groupe avant.

              On peut maintenant retirer le mécanisme du diaphragme (en prenant soin de bien regarder comment il était monté). N’hésitez pas à mettre des marques au marqueur indélébile pour être certain, voire faire des photos !

              Sur cette photo, vous voyez les pétales du diaphragme et la couronne de commande. Le mécanisme doit être absolument sec (pas la moindre trace d’huile ou de graisse). Il a été conçu pour fonctionner sans lubrifiant et en mettre causerait plus de problème que cela en résoudrait. C’est justement la cause de notre blocage. Avec le temps, la poussière, la chaleur transforme un lubrifiant en colle !

              Pour le démontage, il y a des vis bien sûr et surtout regardez bien les trous de celles-ci. Vous allez en trouver qui ont des trous bien plus grands que les vis. Ce sont les vis de réglage et il faut impérativement remettre le mécanisme dans la même position (reprenez le marqueur). Si vous ne le faites pas, la valeur du diaphragme que vous allez mettre sur votre bague de commande ne sera pas la valeur qui correspondra à la fermeture des pétales.

              Maintenant que vous avez pris le maximum de soin dans le démontage, vous allez pouvoir dégraisser le mécanisme qui doit être complètement sec. Utilisez pour ce faire de l’essence F ou de l’essence C (essence de nettoyage) mais surtout pas d’acétone qui va faire fondre le plastique ou qui va dissoudre la peinture.

              Nettoyez bien tous les éléments qui doivent être secs.

              Pour le remontage, bien sûr, c’est l’inverse et si vous avez des problèmes, n’oubliez pas qu’il n’y a qu’une seule position qui permettra de faire l’assemblage. Alors si les vis ne sont pas en face des trous, faire un 1/3 de tour aux sous ensembles.

              Et voila les vis seront en face des trous et le mécanisme est remonté.

Vérifiez quand même que tout marche bien car cela serait dommage de remonter un diaphragme qui est encore bloqué !

Enfin la phase de réglage…

Vous vous souvenez de l’histoire des trous plus grands que les vis ? Et bien c’est le moment.

              Positionnez la bague en alu (elle se tourne très facilement avec un petit tournevis) et quand elle est revenue à sa position initiale, vous pouvez l’immobiliser avec les 3 dernières vis de fixation.

              Remontage terminé, vérifiez une dernière fois que rien n’est bloqué…

              Allez, on remet le tout dans l’objectif. Là aussi, si vous n’avez rien déréglé, cela se remet en place sans forcer.

              Profitez-en pour faire un bon nettoyage des lentilles, S’il y a des champignons, ils ne résisteront pas à l’alcool à 90° et au chiffon à lunette.

              Enfin, la dernière étape, le remontage de la face avant. Mettez un peu de graisse (au silicone), mais vraiment un peu. Cela sera plus facile pour revisser la face avant et aussi plus facile à démonter si un jour vous devez refaire l’opération.

              L’opération est enfin terminée, une petite heure suffit largement pour tout faire. Le STX-1 est prêt à reprendre du service.

              Depuis que je me suis remis à la photo argentique, j’ai démonté pas mal d’objectifs. Voici ceux qui sont passés dans mes mains…

– VIVITAR 70-210 mm f 3.5 (première génération, celui qui pèse lourd !)

– VIVITAR 35-70 mm f 3.5-4.8 (dernière génération en polycarbonate)

– Olympus 50 mm f 1.8

– CANON 50 mm f 1.8

– CANON 50 mm f 1.4 SSC

‘ CANON 35-105 mm f 3.5-4.5

– CANON 35-70 mm f 4.0 (celui qui a un corps métallique)

– FUJICA 80-200 mm f 3.8

– FUJICA 24 mm f 2.8

– FUJICA 135 mm f 2.8

              Et peut-être d’autres encore que j’ai oublié. Mais le plus important est qu’il ne faut jamais condamner un objectif sous prétexte qu’il a des champignons ou que le diaphragme est bloqué. Le seul objectif que je n’ai pas réussi à refaire, c’est un CANON 200 mm f 4.0 SC, en effet, le groupe avant est constitué de lentilles collées et c’est la colle qui a initié le problème de lentille  » avec de la buée « .

              Vous allez trouver pas mal de vidéos sur Youtube qui vous monteront qu’il est possible de démonter un objectif sans trop d’outillage. Les focales fixes sont plus simples à démonter qu’un Zoom et les anciens objectifs sont plus faciles à démonter car ils ont plus de pièces (comme pour mon 55 mm Fujica, le groupe avant est indépendant de la bague de mise au point). Bien évidement, ce type d’activité n’est pas sans risque, je vois passer des annonces « objectifs complets mais à remonter  » !  L’argentique est devenu une activité de passionné alors n’hésitez pas à vous faire la main sur des objectifs qui ne sont plus utilisables. Comme me disait un ancien ingénieur en mécanique, quand on casse on apprend et j’ai beaucoup appris !

              La plupart des appareils que vous allez croiser durant vos sorties en vide-greniers seront des appareils oubliés par leurs propriétaires et qui ne servaient plus depuis des années. Parfois, celui qui vous propose l’appareil n’est même pas celui qui l’a utilisé (combien de fois n’ai-je pas entendu : » c’est celui du grand père ! »). Dans la majorité des cas, vous pourrez négocier l’objet et arriver à des tarifs acceptables en comparaison du risque. Je vois aussi, hélas, des vendeurs qui cherchent à profiter du retour d’intérêt pour les appareils argentiques et qui les proposent à des tarifs bien trop élevés. Ainsi, j’ai croisé un vendeur qui avait plusieurs appareils à vendre. Je pense qu’il devait faire les vide-greniers et qu’il a acquis beaucoup d’entre eux à de très bas prix. Ils comptaient certainement les revendre bien plus cher dans des zones géographiques plus favorisées.   Mais il ne faut pas vendre n’importe quoi : en particulier, un KONICA Autoreflex TC demande des piles au mercure de 1.35 V (interdites à la vente depuis les années 2000). Alors c’est devenu un appareil inutilisable et en demander 90 Euro est illusoire. S’il l’avait laissé à 20 Euro je l’aurais pris pour tenter de le modifier et le rendre compatible avec les nouvelles piles (PX 625) de 1.5 V.

2 commentaires sur “Intervention chirurgicale d’un objectif bien malade, par Olivier

  1. Quelle audace d’avoir tenté cette réparation, même si ce n’est pas sur un appareil à 2000€ ! Félicitation Jean-Pascal. Je ne pense pas que je l’aurais fait…

    • Olivier ose tout ! Moi, je mets sur le site le résultat de ces essais/erreurs et – surtout – quand ça marche ;-). Bien amicalement.

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