Le Six-20 « Brownie » C made by Kodak

C’est une amie (merci Isabelle) qui m’a confié ce box.

Généralement, je ne m’y attarde pas car ils sont souvent en piteux état. Celui-ci par contre est dans sa gaine en cuir et il est encore très beau.

Alors, une fois n’est pas coutume, je vais vous présenter cette célèbre boite, qui a fait le bonheur de tant de photographes et qui a lancé la photographie de masse, inventée il est vrai par … Kodak.

Kodak est américain mais, très vite, ils ont délocalisés des usines et certains pays ont développé des produits estampillés Kodak mais qui n’ont jamais vu les Etats-Unis.

C’est le cas aussi des box, qui furent fabriqués en Angleterre, en Allemagne, en Australie et, bien évidemment, aux USA et au Canada.

Si vous voulez découvrir la multitude d’appareils que cela représente, je vous renvoie avec plaisir sur le site Browniecam.com qui est une mine de renseignements.

L’aventure anglaise de ce modèle commence en 1935 avec le Six-20 Brownie Junior super model pour se terminer en 1957 avec le Brownie Six-20 camera model F et une multitude d’appareil entre ces deux dates.

Mais pour bien comprendre la longévité de ces appareils, il faut revenir au début de l’histoire, qui débute en février 1900 aux Etats-Unis.

La volonté de Eastman Kodak était de proposer un appareil simple, peu couteux à produire et donc à vendre. Les premiers exemplaires, en carton, coutaient 1$.

Source : blog.scienceanmediamuseum.org

Des générations de photographes ont enregistré leur vie et celle de leurs proches avec cet appareil.

Il s’en est vendu des dizaine de millions, aussi sous d’autres marques, mais immanquablement, lorsqu’on parlait d’un box, on l’appelait Brownie (un peu comme on dit Bic pour un stylo bille).

Les enfants de ces pionniers, leurs petits-enfants, leurs arrière-petit-enfants, photographes anonymes ou célèbres ont tous eu un box Kodak Brownie en mains, car on leur offrait souvent cet appareil en cadeau.

La firme avait bien compris la chose et s’était fendue d’un slogan publicitaire imparable : Plantez le gland Brownie et le chêne Kodak poussera.

Bien sur, le boitier évoluera, se perfectionnera, mais il restera toujours abordable et vendu en quantité.

Dès le début (1898), le credo de Georges Eastman fut de concevoir un appareil aux coûts minimaux avec un rendement maximal, tout en étant capable de prendre des photos réussies. C’est Frank Brownell qui le conçut : le premier box était né.

Le but étant de vendre un maximum de film Kodak et de fidéliser à vie la clientèle.

Source : Science Museum Group collection, A Brownie at the seaside, c. 1905.

Ce premier appareil, sous la forme d’une petite boîte mesurant 12 cm de long sur 7 cm de haut et de large était fabriqué à partir de planches de jute, renforcées de bois, recouverte de similicuir noir.

L’objectif était un simple ménisque ouvrant à f14. L’obturateur, rotatif, donnait le 1/50s ou une pause longue (tant que vous gardiez le doigt sur le déclencheur).

Pas de viseur (sauf en option) et six négatifs de 5,7 x 5,7 sur un film appelé 117.

Mais d’où vient le nom de Brownie ?

En fait, c’est l’illustrateur canadiens pour enfants, Palmer Cox, qui, en dessinant les premiers emballages d’appareils destinés à la jeunesse, a donné l’idée du Brownie, un petit farfadet écossais.

Source : Science Museum Group collection, Packaging for the No 2 Brownie camera.

Une légende était née.

Car qu’est-ce qui a fait le succès de ces box ? Rappelez-vous, les premiers appareils photos étaient lourds, encombrants, demandaient des plaques de verres ou de métal et beaucoup de manipulations avec des produits chimiques dangereux.

Ici, vous aviez un appareil léger, préchargé d’un film capable de vous donner 100 photos (pour les premiers exemplaires de 1898), un film souple, inventé par Eastman, que l’on développait en renvoyant l’appareil à la firme (encore une fois pour les premiers box) ou vous déposiez le film terminé dans un laboratoire, voire même pour les plus aguerris, vous développiez à la maison le résultat de vos efforts.

Une révolution, un confort inouï pour l’époque, qui a donné envie à beaucoup de se lancer dans l’aventure photographique, d’autant que le constructeur avait bien pris soin de comprimer, en plus, les prix et les coûts.

Mais revenons à notre Six-20 « Brownie » C.

Il date de 1946, la seconde version de ce Brownie (la première s’étend de 1937 à 1941, la seconde de 1946 à 1953 puis, la troisième, de 1953 à 1957). On le reconnait à sa face noire et son « verrou » de fermeture, un ressort en forme de lyre pour fermer la boîte. Le déclencheur et le bouton d’armement sont chromés, autre signes distinctifs.

Il est fabriqué en tôle et accepte les films 620 de chez Kodak (le Six-20 de sa dénomination).

Source : Brownie-camera

Au niveau utilisation, rien de plus simple : deux viseurs en dépoli, sur le dessus ou le côté, permettent de voir à travers deux lentilles la scène à photographier. Ce n’est pas très précis mais c’est déjà pas si mal.

C’est un « point and shot » avant l’heure : ici, pas de réglage de distance. Vous serez bon de 2,5m – 3m à l’infini grâce à l’objectif à ménisque ouvrant à f11.

Pas non plus de réglage de vitesses : une seule, le 1/50s ou la pose longue si vous gardez le doigt sur le déclencheur.

Ah, et pas non plus de réglage de sensibilité. Ça, vous pouviez le garder, éventuellement, pour l’utilisation d’une cellule à main. Mais peu de gens se servait de cet accessoire, tout se faisait « au pif ».

Aussi déroutant que la forme le laisse supposer, on a bien l’appareil en mains : c’est un petit rectangle léger (L 11,5cm x l 7,5cm x H 10,5cm) avec donc un minimum de boutons. Juste une petite lanière en cuir sur le dessus, pour le porter facilement.

Si vous le tenez en hauteur, vous ferez une photo en mode « portrait » et si vous le tenez couché, vous serez en mode « paysage ».

Le film 620 est comme un 120 si ce n’est que la bobine est plus fine et plus étroite. Cette pellicule n’est plus produite de nos jours mais vous verrez dans une video ci-dessous comment transformer une 120 en 620 sans passer par les fastidieux et fumeux rembobinages d’une 120 sur une cartouche de 620, dans le noir absolu.

Un film vous donnera huit images en 6×9 cm, en théorie.

Bon, comment ça fonctionne ?

Vous ouvrez le dos en tirant sur le ressort en forme de lyre, au dessus de la boite.

A l’intérieur, une boite en métal qu’il faut sortir. Attention, ne pas oublier de tirer sur la molette de rembobinage pour pouvoir le faire. C’est sur cet assemblage que vous devrez poser, au dessus, la bobine de 120 modifiée. Vous tirez le film vers le bas, vers la bobine réceptrice. Vous glisserez dedans l’amorce du film, puis vous tournez au moins une fois pour bien amorcer le film.

A ce stade, vous remettez l’ensemble dans la chambre, refermez le bouton de rembobinage et commencez à le faire tourner jusqu’à ce qu’une ligne apparaisse sur le papier du film, au niveau de la barre métallique, en bas (vous verrez, dans la video ci-dessous, c’est bien expliqué).

C’est le moment de refermer le dos. Maintenant, c’est à travers la fenêtre inactinique que vous verrez défiler les signes et chiffres qui vous mènerons à la première vue.

Il n’y a pas d’arrêt, c’est vous qui stoppez le défilement quand vous êtes à la photo une (et suivante).

Sur le côté, sous le premier viseur dépoli, une languette que vous pouvez faire glisser du haut vers le bas : position haute, déclencheur à 1/50s, position basse, c’est la pose B (c’est vous qui choisissez la durée de l’ouverture).

Tout en bas, un gros bouton argenté en saillie : c’est le déclencheur.

« Clic, clac, c’est dans la boîte » … autre slogan célèbre de la marque !

Vous reprenez la molette chromée pour faire avancer le film jusqu’au prochain numéro de vue, en regardant toujours par la fenêtre inactinique – et je vous avoue que ce n’est pas toujours évident de bien voir ce qui se passe.

Avec un peu d’habitude, vous saurez le nombre de tours nécessaires au passage d’une vue à l’autre A défaut, vous ferez comme tout le monde, vous superposerez un bout d’image sur l’autre, ou vous décalerez vos vues. Donc, les huit vues prévues pour un film de 120, c’est quand vous aurez bien compris le truc !

Tout est intéressant mais pour ce qui nous concerne, allez directement à 6′ 44 » de la bande.

Autre chose à laquelle faire attention : il n’y a pas de sécurité sur le déclencheur. Inévitablement, vous ferez des surimpressions, volontaires, ou pas. Ça fait partie du charme de ces boitiers.

Quand vous serez au bout de la pellicule, pas de bouton de rembobinage : vous continuez à tourner la molette jusqu’à ce que le reste du film soit enroulé sur la tige réceptrice.

Quand vous ne voyez plus rien par la fenêtre rouge, vous pouvez ouvrir le dos, extraire le film, dont vous collez la languette qui dépasse, en serrant bien, pour garantir contre les fuites de lumières. L’idéal, c’est de le mettre dans une boite prévue à cet effet (un tube de 120 en métal ou plastique).

Viens maintenant la question ultime : ces appareils ont-ils encore un intérêt ?

Oui, tout compte fait, il en ont tous, surtout si vous êtes curieux.

L’avantage, c’est qu’il ne demande, in fine, pas de manipulations trop spéciales pour pouvoir s’en servir, juste modifier un peu le film de 120.

Le reste, c’est le plaisir de découvrir autre chose, des gestes oubliés, ceux de vos grands-parents ou même arrière-grands-parents, de ceux qui ont garnis les vieux albums familiaux que vous regardez encore avec nostalgie et/ou curiosité.

Bon, d’accord, on va vous regarder d’un drôle d’air dans la rue, mais ce sera l’occasion de créer du lien avec les curieux, et de faire de belles rencontres.

Allez donc voir ICI ce que ça donne, vous serez étonné !

Et au niveau prix, vous vous en sortirez souvent avec un billet de 10€. Regardez juste bien que l’appareil est complet, pas trop rouillé, avec des viseurs propres (même si c’est assez facile de les nettoyer), que le déclencheur déclenche encore (pas gommé) et lancez-vous dans l’aventure.

Autre remarque, la position du photographe : on ne porte pas le boitier à l’œil, mais on incline la tête vers lui (un peu comme avec les Rolleiflex et consorts). Dès lors, votre point de vue sera décalé, ce qui ajoute un plus à vos prises de vues, vous le verrez dans la video ci-dessous.

Petite video d’illustration

Et si aviez envie d’essayer, voici comment le charger et un petit truc utile

Si vous avez l’âme aventureuse, un autre truc amusant (bidouille assurée)

Publicités tardives mais d’époque (merci Collection-appareils)

Photo-Hall 1950
Odéon Photo 1953

Pour le mode d’emploi, c’est par LA.

Un peu de technique :

Fabricant : Kodak Ltd, Harrow en Angleterre
Texte sur le bracelet : Fabriqué par Kodak Ltd. Londres.
Dates : 1946 – 1957 avec deux modèles
Type de film : bobine de 620 pour une image de 6×9 cm, de nos jours sur bobine 120 modifiée
Objectif/Obturateur standard : ménisque de 100mm ouvrant à f/11, obturateur à lame unique et vitesse de 1/50s

De 1946 à 1953 : corps et façade noirs (émail uni et corps recouvert de faux cuir noir); le bouton d’avance du film et le déclencheur sont en métal chromé, ressort en forme de lyre à l’arrière.

De 1953 à 1957 : façade à rayures horizontales, bouton d’avance du film et déclencheur en plastique noir, verrou de fermeture à ressort triangulaire.

Des références : https://www.collection-appareils.fr/x/html/appareil-561-Kodak_Six-20%20Brownie%20C.html, https://fr.wikipedia.org/wiki/Brownie_(appareil_photographique) en français; https://www.brownie-camera.com/71.shtml, https://camerapedia.fandom.com/wiki/Kodak_Six-20_Brownie,_Models_C,_D,_E,_and_F, https://www.35mmc.com/10/06/2020/5-frames-with-a-kodak-six-20-brownie-c-by-dale-rogers/, https://www.browniecam.com/portfolio-items/091-brownie-six-20-camera-model-c/, http://camera-wiki.org/wiki/Kodak_Six-20_Brownie,_Models_C,_D,_E,_and_F, https://cameragocamera.com/2019/11/07/kodak-brownie-six-20-model-c/, https://cameragocamera.com/2019/11/07/kodak-brownie-six-20-model-c/, https://blog.scienceandmediamuseum.org.uk/a-z-photography-collection-b-is-for-brownie/, https://www.bbc.com/news/magazine-30530268 en anglais

4 commentaires sur “Le Six-20 « Brownie » C made by Kodak

  1. Alors, là, j’adore ! Bon, je dis ça presque à chacun de tes articles mais j’aime PARTICULIÈREMENT les box Brownie. En fait j’aime beaucoup le côté point and shoot associé à la visée poitrine (un « photographe nombril » comme dit une connaissance).
    J’ai commencé avec un No.2 Model F qui me semblait être un modèle assez ancien avec l’avantage du format 120. Comme d’habitude, le doigt dans l’engrenage jusqu’à l’épaule et j’ai acheté un Six-20 Junior juste pour le côté art-déco et comme il était inconcevable que je ne l’utilise pas, je l’ai utilisé et là, je ne suis pas d’accord, il n’y a rien de fumeux à rembobiner du 120 sur du 620 dès lors que tu as un manchon. Ça se fait en deux minutes et tu gagnes quelques euros et la possibilité d’utiliser pas mal de pellicules différentes !

    Ensuite j’ai eu quelques photos de près floues et j’ai eu envie d’un modèle à loupe d’où un No.2 Portrait Brownie. C’est un chouette appareil.

    En revanche, le confort de visée du Six-20 est sans commune (viseur quatre fois plus grand quand-même !) et du coup je suis passé au Six-20 Model D.

    Comme je n’arrête pas de lire la Brownie Page, j’ai découvert le Brownie Flash IV qui a une prise flash mais surtout deux pas de vis pour trépied et une prise pour déclencheur souple) et une finition marron très chouette. Évidemment, je me suis dit « il m’en faut un » et j’en ai trouvé un beau et pas cher sur le Coincoin … J’ai l’intention de tester des photos de nuit en pose longue avec celui-ci, en plus des usages plus classiques.

    J’ai aussi lorgné sur le Brownie Flash B qui a deux vitesses (1/40 et 1/80 comme un Instamatic 110 …) mais pour l’instant je résiste …

    En terme de lien, il y a aussi l’excellent brownie-camera.com qui est rempli d’articles favorisant et facilitant leur usage. Il y a aussi une page de photos participatives.

    • Bon ben c’est que je suis pas doué car j’ai loupé 2 Ilford en essayant de les rembobiner, du coup, pour passer au 120, petit coup de ponceuse quand nécessaire ou coupe-ongles quand on a un peu de latitude comme avec les Brownies.
      Cela étant, le Six-20 Brownie model F est magnifique, aussi en version marron.
      Ce sont de beaux objets et des tas de vieux albums photo témoignent de leur capacité à faire de bonne image, c’est nous – je pense – qui sommes devenus si exigeants !
      Et tu as raison, Brownie-camera est une mine de renseignements sur ces drôles de machines (il est dans les références).
      Je constate, avec plaisir, que tu découvres l’étendue du site. Je te souhaite encore plein de découvertes à partager.
      Bien amicalement.

  2. Belle présentation du Brownie SIX 20. On apprend beaucoup de choses ici. Les amoureux d’anciennes mécaniques argentiques vont apprécier ce genre de rédaction. J’attends la suite avec impatience …

    • Ah, j’en ai encore quelques uns en magasin, tu verras. C’est vrai qu’on oublie souvent ces « vieux » machins, mais ils peuvent encore donner de bonnes images et, surtout, d’agréables sensations. La suite arrive … Bien amicalement Fred.

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