Le ВИЛИЯ – VILIA

Etrange nom n’est-ce pas, qui est en fait écrit en caractères cyrilliques et en caractères latins.

Mais que je vous raconte : nous étions en vacances en Croatie et de passage à Zagreb nous apprenons qu’il y a une espèce de brocante continue, qui a lieu tous les jours. Comme je rêvais de trouver là-bas l’un ou l’autre appareil russe intéressant, ni une ni deux, nous voilà parti à la découverte de ce lieu très connu.

Il faisait beau, il faisait chaud, nous avons pas mal marché mais, in fine, j’étais déçu : quelques petits compacts des années nonante, japonais, rien de plus.

Et puis, au détour d’une énième allée, un petit compact on ne peut plus russe, ce ВИЛИЯ – VILIA dans sa sacoche en vrai cuir artificiel et, ma fois, beaucoup de poussières.

Petite négociation en anglais et me voilà avec, enfin, un appareil “de l’Est”.

Bon, de retour à la maison, cherchons un peu qui se cache derrière ce carré de plastique assez simpliste au premier abord.

Tout d’abord le fabriquant, la MMZ-BelOMO à Minsk, en Biélorussie (Minskiy Mechanicheskiy Zavod, ou usine mécanique de Minsk et OMO signifiant Optical and Mechanical Association). Vilia est aussi le nom d’une rivière qui court de la Biélorussie à la Lituanie.

Cet appareil y a été fabriqué entre 1973 et 1986 à plus de deux millions d’exemplaires ! C’est typiquement un appareil fabriqué en masse car “le peuple devait pouvoir posséder un appareil photo”. Il était vendu 23 roubles.

Petite remarque en passant. Si le nom de l’appareil est inscrit en russe et en alphabet latin, il ne sera toutefois pas exporté au delà des satellites de la Russie. Il est rare d’en trouver dans l’Occident décadent.

Commençons la visite : il est tout en plastique, avec néanmoins une feuille métallique qui fait quasi le tour de l’engin, donnant un aspect plus “chic” et solide. Il est d’ailleurs étonnamment lourd pour un appareil tout plastique, serait-il lesté ? Sans doute.

Sur le dessus, une prise pour un flash, tout à droite et à l’autre extrémité, la molette pour le rembobinage. Ne lui arrachez pas la tête pour tenter d’ouvrir le boitier, c’est un verrou, sur la tranche gauche qui s’en charge.

Le flash possède une synchro X et sur la tranche gauche, il existe aussi une prise PC pour les flashs plus anciens. Comme l’obturateur est central, la synchro se fait à toutes les vitesses.

“Et le déclencheur, il est où ?”

Sur le pourtour de l’objectif, en prise directe avec l’obturateur central. Celui-ci propose des vitesses de 1/30 – 1/60 – 1/125 – 1/250 et une pose B. Ces vitesses, vous les réglez avec la première bague, contre le boitier.

Tant qu’à être sur l’objectif, jetons-y un œil : inscrit en russe et en caractères latins, il est indiqué que c’est un triplet en verre, avec un revêtement multi-couche, de 40 mm ouvrant à f/4.

La mise au point se fait avec la bague notée soit en mètres soit avec des symboles tels que portraits, portrait à deux, groupe et bâtiment (tiens, y a pas de montagne en Russie ?). La mise au point minimale est d’environ 80 cm.

Si vous choisissez d’utiliser les symboles, la vitesse d’obturation est prédéfinie en fonction de l’échelle de vitesse du film indiquée sur sa bague, en dessous – de 1/30 s pour 25 ou 32 GOST à 1/250 s pour 200 ou 250 GOST (le Gost est la référence de sensibilité russe, comme nos Asa ou Iso), tandis que l’exposition est ajustée en changeant l’ouverture de 4 (gros nuages/pluie) à 16 (soleil éclatant). Les symboles météorologiques sont visibles uniquement en bas du viseur et sont signalés par un petit point lumineux, en fonction du réglage de l’ouverture. Il faut y être attentif car ils ne sont pas bien visibles (manque de contraste).

Le viseur et les symboles lors de la prise de vue. Le viseur, au reflet jaune, montre des cadres et une correction pour la parallaxe. Pas très clair mais suffisant pour la visée.

Par dessous, un petit levier, indiqué de 4 à 16 règle l’ouverture. L’obturateur est de type à lames, tandis que le diaphragme à quatre lames a une ouverture presque carrée.

Le compteur de vue est en dessous et commence à 1 pour finir à 36. Il se réinitialise en ouvrant le dos.

Toujours en dessous, un filetage pour un trépied et le bouton pour pouvoir rembobiner le film.

Au dos de l’appareil, une petite roue, exprimée en Gost et Asa (qui pourtant ne correspondent pas tout à fait) ne sert que d’aide mémoire pour le film introduit dans le boitier. L’appareil ne possède pas de cellule, vous l’aviez déduit.

Le levier d’armement est assez discret, affleurant et à la course assez longue. Peu bruyant, tout comme le déclencheur finalement.

Pour le transport, c’est soit via le sac tout prêt, soit via une dragonne qui se fixe sous l’appareil, sur le filetage du trépied.

Voilà, on a fait le tour de l’engin.

Si on le regarde avec des yeux d’occidentaux, il ressemble (de loin) à un petit compact de ces années-là. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il ressemble aux appareils japonais mais les derniers Bessy de Voigtländer, ou un Smena Symbol pour rester dans le pays.

En ce qui concerne l’objectif, le Triplet est correct et raisonnable. Mais à grande ouverture, parait-il, il y a davantage de distorsion visible sur les bords. Ceci est moins évident de plus près et à des ouvertures réduites.

Si vous voulez voir ce que ça donne comme images, c’est par ICI.

En résumé, un petit appareil tout simple, qui a toute sa place en Lomography : pas de prise de tête pour faire la photo, réglages simplifiés, images convenables.

Reste qu’en trouver un n’est pas évident, très peu d’exemplaires nous sont parvenus. Quoique, avec l’Internet, c’est relatif.

Question prix, disons 20€ maximum avec son “sac tout prêt”, le prix de l’exotisme en somme.

Videos d’illustration :

Un peu de technique :

  • Objectif : Triplet-69-3 (ТРИППЕТ) 40 mm f/4, verre revêtu, filetage de filtre 46 mm
  • Ouverture : jusqu’à f/16 réglage : par un petit levier sous l’objectif
  • Plage de mise au point : 0,8 à 8 m + inf
  • Mise au point : mise au point manuelle de la cellule frontale, symboles sur l’échelle de distance (portrait, portrait de groupe, groupe, paysage) et échelle DOF
  • Obturateur : type vantail, vitesses : 1/30-1/250 +B
  • Déclencheur : sur l’obturateur
  • Prise de déverrouillage du câble : aucune
  • Levier d’armement : enroule également le film, course courte 180°), au dos de l’appareil photo
  • Compteur d’images : réinitialisation automatique, type additif, fenêtre sur la plaque inférieure
  • Viseur : cadre lumineux, avec lignes de correction de parallaxe
  • Levier de rembobinage : manivelle rabattable, sur la plaque supérieure
  • Déclencheur de rembobinage : bouton sur la plaque inférieure
  • Prise Flash PC : sur le côté gauche de l’appareil photo
  • Cadran mémoire : au dos de la plaque supérieure
  • Retardateur : aucun
  • Dos : à charnière, s’ouvre par un loquet coulissant sur le côté gauche de l’appareil photo
  • Prise trépied : ¼’
  • Corps : plastique
  • Poids : 357g
  • Numéro de série. sur la plaque inférieure

Des références : https://camerapedia.fandom.com/wiki/Vilia, http://cameras.alfredklomp.com/vilia/, http://camera-wiki.org/wiki/Vilia, https://austerityphoto.co.uk/belomo-vilia-review-black-in-the-ussr/, http://www.sovietcams.com/index8a6e.html?tmpl_into=middle&tmpl_id=262&_m_e_id=21&_menu_i_id=283, https://www.lomography.com/magazine/66745-belomo-vilia en anglais; https://www.collection-appareils.fr/x/html/page_standard.php?id_appareil=10486, en français; https://www.photo-foto.eu/lomo-omo-gomz/belomo-vilia/, en allemand; http://www.photohistory.ru/1207248177772887.html, en russe.

5 commentaires sur “Le ВИЛИЯ – VILIA

  1. Bonjour JP, merci beaucoup pour cet article et la présentation de ce compact de l’ère soviétique. Il est quasiment la copie conforme du Cosmic Symbol, produit par LOMO, l’Institut Mécanoptique de Léningrad, dans les années 70/80, on y retrouvait des pièces internes communes au Lubitel, 2, 166, 166B etc. On le trouvait chez Photo J Muller, si les anciens (ou les vieux comme moi :o) s’en souviennent.
    Chasseur d’images avait fait un test dans son numéro 28 en 1981, et cet appareil avait été une agréable surprise au vu des clichés produits.

    • Bonjour, merci de ce témoignage et de ces précisions. Oui, je pense que la “standardisation” des plans quinquennaux chers au Parti avait tendance à uniformiser les productions, ou en tout cas le partage d’expériences. Mais certains appareils n’étaient pas destinés à l’export alors que d’autres oui, pour encore une fois des raisons politiques (et pas économiques). Ce qui ne veut pas dire, comme vous le soulignez que ces appareils étaient mauvais. On se souvient du Lomo LCA et de ses effets très spéciaux qui ont été la source d’inspiration du mouvement Lomography. Il n’est hélas pas toujours facile de trouver des exemplaires en bon état de ces représentants russes. Bien cordialement.

      • … représentants sovietiques, pas russes. En ces temps troublés, il faut faire attention à ce qu’on écrit…

        Pour le reste, j’aime bien ce genre d’appareil : Pas de fioritures ni de chichi, le minimum syndical pour pouvoir prendre des photos.

        Cordialement,

        • Ah les aléas de la “real politic” ! Bah de toute manière les frontières sont faites pour être franchies. Mes amitiés Nicolas.

  2. Bonjour JP, merci pour cet article et cette présentation, cet appareil ressemble sur beaucoup de points au Cosmic Symbol, produit par LOMO (alors l’Institut Mécanoptique de Léningrad) dans les années 70/80. Chasseur d’images avait d’ailleurs fait un test qui était une belle surprise.

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