Première sortie avec le Leica M3

Franchement, j’aime bien la petite touche “moderne” apportée à l’appareil par le nouveau recouvrement en cuir bleu navy.

crédit photo Pascal Altazin

Pour sortir, j’ai monté un Jupiter 3 avec une bague d’adaptation car le Leica M3 a inauguré la monture … M. Pour mémoire, cette nouvelle monture permet un montage plus rapide et précis des objectifs sur l’appareil. Toutefois, Leica, qui avait développé un beau parc d’optiques de qualité, avait prévu de pouvoir encore utiliser ces optiques au standard Ltm 39 à visser, moyennant des bagues d’adaptation. Celles-ci reprennent la monture M et comportent un filetage en 39. Ce dont les objectifs russes profitent, tout comme les objectifs Canon et Nikon de l’époque (et qui sont dans la plupart des cas aussi qualitatifs que les objectifs Leitz).

Pourquoi pas une optique Leica ? Ben, à cause du prix ! Le Jupiter 3 est l’équivalent d’un Sonnar Zeiss 50mm f1:1,5 et plus particulièrement, les objectifs entre 1956 et 1961 sont fabriqués avec des lentilles d’origine Zeiss. Le mien date de 1958. Il m’a coûté 154€. Si j’avais choisi un “vrai” Sonnar, c’était au minimum 950€ (sur le même site bien connu). Bref, soyons raisonnable mais faisons-nous plaisir.

Comme j’avais terminé le test du Zorki Ic et commencé celui du Leica IIIf, c’est ce dernier que j’ai pris avec le Leica M3, d’abord pour terminer le film et ensuite pour comparer l’évolution que représente le M3 par rapport à “l’ancienne” gamme des Leica à vis.

Esthétiquement d’abord, le Leica M3 est épuré :

  • un “bloc” de métal sans aspérités, aux bords légèrement arrondis avec des améliorations ergonomiques certaines, comme le levier d’armement dans le prolongement duquel est installé le déclencheur, qui tombe naturellement sous l’index. Les molettes de réglages sont intégrées dans le capot, plat.
  • la fenêtre de visée est immense eu égard à celle du Leica IIIf et, surtout, il n’y a plus qu’un viseur. Les ingénieurs de Wetzlar ont réussi la prouesse technique d’améliorer considérablement la visée télémétrique par l’adoption d’un bloc viseur-télémètre aux images confondues, d’une conception aussi nouvelle qu’incroyablement complexe. La base télémétrique elle-même est presque doublée puisqu’elle passe de 38 mm à 69,25 mm, ce qui se traduit par une précision accrue.
  • l’image de visée est extrêmement claire et lumineuse, presque grandeur nature (rapport 0,91), délimitée par un cadre collimaté (ce qui signifie aérien, projeté à l’infini) corrigé automatiquement de la parallaxe.
  • trois cadres sont disponibles, indiquant le champ couvert par les objectifs de 50, 90 et 135 mm de distance focale ; les cadres 90 et 135 mm apparaissent lorsque l’objectif correspondant est mis en place. Le cadre 50 mm (visible en permanence) est continu, blanc laiteux. Les autres cadres sont matérialisés par 4 segments lumineux. L’image télémétrique – celle que vous allez devoir régler pour être net – occupe le centre du champ, parfaitement délimitée dans un petit rectangle au contour franc

Voir le lien dont est issue cette description précise : http://summilux.net/materiel/Leica-M3.

Et ça change tout : fini les rectangles orangés, ou les ronds aux contours plus ou moins définis des Zorki, Fed ou Kiev, voire Contax et même des anciens Leica. Lorsque vous collez votre œil à l’oculaire de visée du M3 c’est un peu comme si une fenêtre propre ouvrait sur ce que vous vouliez voir. Le cadre est lumineux, vraiment, il donne une sensation d’ouverture inconnue jusque là.

Certes le M3 est plus lourd que le Leica IIIf (près de 400 gr quand même) mais cela ne se ressent pas du tout. Il tombe bien dans la main et , comme je l’ai déjà écris, est plus ergonomique.

La roue des vitesses est crantée, elle comporte enfin les lentes et les rapides en un même endroit et – surtout – l’on peut modifier les vitesses avant ou après avoir armé (ce qui était un risque certain de casse sur les anciens Leica et leurs inspirations russes).

Reste que tout n’est pas parfait :

  • la roue des vitesses auraient pu déborder un peu du capot, permettant une correction plus rapide. Les ingénieurs l’ont fait plus tard sur le M5. Soyons de bon compte, c’est surtout utile sur le M5 qui bénéficie d’une mesure de la lumière, avec rappel dans la viseur, chose inconnue sur le M3
  • ensuite, le chargement du film est toujours assez complexe, même si l’habitude y supplée. Mais un Canon VI ou un Canon P, contemporains, avaient un dos à charnière. La justification de cette construction se trouve dans une meilleure étanchéité à la lumière, que les dos à charnière n’offrent pas toujours et nécessitent plus de mousse pour y arriver. Mouais … vu la qualité d’assemblage de mon Canon P (double sécurité à l’ouverture, rainures profondes qui s’encastrent parfaitement à la fermeture du dos), je trouve que la formule dos à charnière est plus simple.
  • Le cadre des 35mm n’est pas prévu. Il faut, là aussi, composer avec une ajoute d’un objectif et d’un bloc optique que l’on monte sur le devant de l’appareil. Pas simple. Le M2 résoudra le problème. Ceci étant, la focale 50mm est toujours réputée être celle la plus proche de la vision humaine.

Pour le reste, c’est extrêmement agréable d’utiliser cet appareil, surtout après avoir testé des modèles plus anciens. Mais c’est là le but des innovations, évoluer.

L’armement de mon modèle, qui date de 1957 est un peu spécifique, il se fait en deux demis mouvements (il faut armer 2 fois). Pourquoi ? Souvenez-vous, le Leica M3 était pensé et prévu pour des photographes de terrain, souvent des fronts de guerre. Les ingénieurs de Wetzlar ont prévu ce dispositif particulier pour éviter que les photographes, en situation de stress ou d’urgence, n’arrachent la pellicule en armant trop vite et trop fort. Gentil non ? Bon, faut juste pas l’oublier quand vous voulez, justement, prendre une photo rapidement, de faire deux fois le mouvement. Notez que ce dispositif fut abandonné en 1958. Au demeurant, l’armement est très discret, tout comme le déclenchement, à peine un clic peu audible. Seul le M5 fait encore moins de bruit (amortissement de l’obturateur encore amélioré).

Les Leica, en général, sont des appareils bien usinés, bien finis, robustes. Il est (presque) toujours possible de les faire réparer à l’usine mère ou chez des réparateurs agréés mais il faut mettre beaucoup de mauvaise volonté pour casser un Leica. Celui que j’ai acquis a manifestement été bien entretenu, il a 63 ans à ce jour et il fonctionne parfaitement.

Voilà … de tous les télémétriques que j’ai pu essayer à ce jour, ce Leica M3 est certainement le plus confortable à l’usage, le mieux fini – seul le Canon P fait arme égale à ce niveau, le plus silencieux (seul le M5 fait mieux) et, cerise sur le viseur, le plus lumineux.

Si je devais choisir d’ailleurs entre le Canon P et le Leica M3, franchement … j’hésiterais …

  • niveau qualité de fabrication, égalité
  • niveau silence, très léger avantage au Leica (un bruit plus assourdi – rideaux en caoutchouc ou plus métallique – rideaux en métal très fins pour le Canon) mais l’un comme l’autre passeront inaperçus en rue, en concert ou lors d’un discours; réarmement aussi souple et discret chez l’un que l’autre
  • niveau clarté de la visée, très léger avantage au Leica (les cadres sont comme aériens alors qu’ils sont gravés sur le Canon, ce qui ne les empêchent pas d’être bien visibles), le patch du Leica est un peu plus visible
  • niveau des cadres, léger avantage au Canon, qui offre des cadres pour le 35 -50 -100mm contre le 50 -90 -135mm pour le Leica, sauf à y monter des appendices parfois compliqués pour les focales plus courtes
  • niveau utilisation, net avantage au Canon avec son dos à charnière
  • niveau poids, léger avantage au Canon avec 557 gr tout nu contre 592 gr
  • niveau encombrement, égalité car le Leica rend 0,5cm de moins que le Canon en longueur (hauteur identique) mais le Canon est près de 0,5 cm moins épais
  • niveau ergonomie, égalité même si le Leica compte le déclencheur dans le prolongement du levier d’armement, celui du Canon tombe naturellement sous l’index; égalité pour les leviers d’armement, qui tombent parfaitement sous le pouce; déclencheurs aussi doux l’un que l’autre
  • niveau rapidité de mise en œuvre, égalité car le Canon se charge plus rapidement mais les objectifs à viser sont un peu plus lents à installer, tandis que le Leica reste lent à charger alors que sa baïonnette permet de changer les optiques plus vite
  • niveau esthétique, ah ça, les goûts et les couleurs … bref, ils sont splendides tous les 2
  • niveau prix : large avantage au Canon, y compris pour les optiques “standards”

Il me restera à terminer le premier film mis dans le Leica M3, le faire développer et scanner en haute définition, comme pour les autres, pour pouvoir vous montrer les résultats. Mais là, pour l’instant, c’est une autre histoire …

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