L’Agfa Isolette ou JSolette

Celui-ci, je l’ai trouvé sur un site de seconde main. Quant je l’ai reçu, outre le fait qu’il était couvert de poussière, je me suis aperçu que le bloc optique/obturateur n’était pas à sa place, et pour cause, les deux axes de maintien étaient partis !
En ouvrant la chambre, je me suis aperçu que le vendeur avait collé avec un bout d’autocollant un de ces petits axes, mais abîmé et pas réutilisable.
Cet appareil avait servi pendant des années de déco, le vendeur ne s’étant pas préoccupé de son éventuelle utilisation.

C’est dommage car le reste fonctionne encore … un peu.
Comment réparer ?
En attendant, j’ai glissé deux clous au diamètre de 1,2mm, tête à l’intérieur, dans la gorge du mécanisme, pour pouvoir le tenir ouvert et le tester. Et je vous assure que j’ai pesté plus d’une fois pour réussir à glisser ces deux-là dans le minuscule trou de chaque côté.


Ceci dit, j’ai commandé des vis et écrous de 1,2mm pour le réparer, je les attends.
Autre problème récurrent pour cet appareil, un problème de lubrifiants qui se solidifient dans les hélicoïdaux de l’objectif, rendant la mise au point impossible et la qualité du soufflet qui doit presque à coup sûr être remplacé.
Mais fi de ces turpitudes, commençons la présentation de cet Agfa JSolette, produit par Agfa Kamerawerk AG, Munich, Allemagne .
Alors premier constat, s’il est bien noté JSOLETTE sur l’abattant, c’est un nom qui deviendra bien vite ISOLETTE.
Ce “J” appartient à une écriture introduite en Prusse en 1915, généralisée ensuite à l’Allemagne des années vingt. Cette écriture, la Sütterlin, du nom de son concepteur, très inspirée du gothique, rend les majuscules difficiles à reconnaître. Essentiellement cursive, destinée à être manuscrite, lorsqu’elle est utilisée en majuscule, elle prête à confusion. Ainsi ce que l’on pense être un “J” est en fait la majuscule du “I”.
Cette confusion a aussi touché l’Jsorette (Isorette), l’appareil qui précédât de peu celui-ci.
Le nom d’Jsorette est embosé dans le cuir de l’abattant dans les années 1936-37 mais dès la fin 1937, c’est la calligraphie et le nom d’Isolette qui prend le pas.
Cet appareil sera aussi appelé “Soldatenkamera” (appareil du soldat) pendant la seconde guerre mondiale. Sa production cessera en 1942.
L’Agfa Isolette fut produit pendant près de trente ans et on peut dire sans mentir que c’est elle qui fit le chiffre d’affaire d’Agfa pendant ces longues années.
Pour la petite histoire, cet appareil s’appelait Ansco Speedex aux USA, Agfa ayant racheté cette firme en 1928. Les deux marques ont vendu conjointement les mêmes produits sous leur nom respectif. En 1936, date de l’introduction de l’Isolette, Agfa présentait aussi un nouveau film, l’Agfacolor Neu, en réaction à Kodak.
En 1941, tous les actifs américains d’Agfa-Ansco sont saisis par les USA et tous les produits s’appelleront alors Ansco.
Cinq modèles seront fabriqués :
- Agfa Isorette (le nom écrit comme Jsorette) 1936
- Agfa Isolette (le nom écrit comme Jsolette) 1937 ces deux premiers modèles étaient prévus pour du 6×6 ou 4,5×6
- Agfa Isolette (Premier modèle, objectif f/6.3 ou f/4.5) 1937-42
- Agfa Isolette (outre un modèle tardif d’Isolette avec un f6.3, l’objectif n’était que f4.5, l’écriture du nom était quelque peu arbitraire à l’époque comme Isolette ou Jsolette) 1946-50 – uniquement en 6×6
- Agfa Isolette I 1952-60
- Agfa Isolette V 1950-52
- Agfa Isolette II 1950-60
- Agfa Isolette III 1952-58 avec télémètre non couplé
- Agfa Isolette L 1957-60 avec télémètre couplé
Donc, c’est en 1936 qu’Agfa introduit la gamme Jsorette, rebaptisée Jsolette l’année qui suit.
En 1938, l’appareil devient Isolette et gardera ce nom jusqu’en 1945.
Puis – tant qu’à nous compliquer la vie – car ce fut assez arbitraire, le nom de Jsolette ou Isolette sera utilisé jusqu’en 1950. Puis, jusque dans les années soixante, il redevient Isolette.
L’appareil offrait de nombreuses combinaisons objectif/obturateur différentes, comme c’était la mode chez les concurrents aussi. Il y eut les objectifs f4.5 Agnar, Apotar ou Solinar et les obturateurs Prontor, Prontor-S ou Compur-Rapid. Les autres différences par rapport au premier modèle sont :
- Plateau supérieur en alliage hydronalium coulé (Nüral).
- Format : seulement 6x6cm
- Chaussure accessoire sur le dessus
- Prévention de la double exposition
Encore une chose à retenir (ou pas, ce n’est pas obligatoire), c’est que les premiers modèles, dits d’avant guerre, ont un capot dans un plastique appelé “Trolitan” qui a la fâcheuse particularité de se fendiller et de casser avec le temps.
Ensuite, il sera construit dans un alliage d’aluminium, le hydronalium coulé. S’il était plus résistant, il était délicat d’y faire tenir la peinture noire en vogue à l’époque et qui sera ensuite abandonnée au profit du métal brut mais poli.
Tout le boitier est d’ailleurs construit en métal, en tôles embouties, qui le rendent bien rigide et assez solide.
Pourtant, au fil du temps et des modèles, Agfa a cherché à faire des économies et la qualité des derniers modèles en souffre.
Il y eut des obturateurs Gauthiers, les plus simples de tous, avec 4 vitesses (1/25 1/50 1/125 et 1/200) plus le mode B.
Puis des Prontor-S/SV/SVS avec 8 vitesses entre 1 seconde et 1/300s plus mode B et retardateur ensuite des Compur-Rapid/Synchro-Compur avec des vitesses comprises entre 1 seconde et 1/500s.
Ensuite viennent les combinaisons d’objectifs :
- Agnar , un triplet comme le suivant (assez moyen)
- Apotar (Apochromatic Anastigmat – excellent à f8), ces deux là en 85mm ouvrant à f4,5
- Solinar, un clone de Tessar en 75mm ouvrant à f3,5 à 4 éléments (bon à toutes les ouvertures).
Sachez en sus, que rien que pour nous embêter, chez Agfa il est assez compliqué de s’y retrouver, la marque n’étant pas très au fait de ce qui fut produit au fil du temps.
Revenons-en donc à notre exemplaire : un(e) Jsolette – Isolette avec un objectif Agfa Apotar de 85mm ouvrant à f4,5 et un obturateur Compur-Rapid de 1s à 1/500s plus pose B sans retardateur.
Il utilise le film 120 pour produire 12 images en 6×6.
L’avance est manuelle, évidemment, avec la molette située à gauche du capot. Celle-ci engage la sécurité pour éviter les doubles expositions. Que l’on peut court-circuiter en utilisant un déclencheur filaire puisque l’armement du déclencheur sur le capot et celui sur l’obturateur n’est pas synchronisé.

Puisque nous parlons de sureté, comme sur le Zeiss Ikon Ikonta M, il y a un point rouge/gris sur le capot, selon que l’appareil est prêt ou pas à prendre une photo.
Pour le reste, c’est un appareil simple ou simplifié ?
Vous allez comprendre : l’objectif, un Apotar de 85mm ouvrant à f4.5, avec une ouverture minimale de f/22. L’ouverture est contrôlée par un levier coulissant dans le bas de l’objectif. Il n’est pas traité et sera donc sensible aux reflets. Mais sa forme particulière fait qu’on ne sait pas y fixer des filtres ou pare-soleil.

L’obturateur s’arme avec un levier sur le dessus. L’avantage, c’est qu’on le voit quand on regarde dans le viseur.
La mise au point se fait en tournant la bague devant l’objectif … enfin quand elle n’est pas bloquée comme sur cet exemplaire. Les distances sont en mètres, de 1m à l’infini.
Il y a bien une échelle de profondeur de champ, mais vraiment rudimentaire et peu pratique : quelques traits rouges à faire coïncider avec l’ouverture en dessous. Seul un point rouge, entre f8 et f11 peut servir de point de repère fixe.

Les commandes sont le minimum syndical : sur le capot, un bouton pour déclencher l’ouverture de la porte battante (à gauche); la molette pour avancer le film, au milieu, une griffe porte-accessoires, dite froide et sans aucune synchronisation (pas de prise PC sur l’obturateur); à droite, le déclencheur sur le capot et un curseur coulissant avec la lettre T qui sert en fait à activer une espèce de pause B tant qu’on appuie sur le déclencheur du haut. De fait, on bloque le déclencheur en position basse par un verrou visible à gauche de celui-ci, sur la partie basse du capot.

Pas de compteur de vue, sauf à travers une fenêtre rouge, dans le dos, pour y voir défiler les chiffres des vues.
Un mot sur le viseur : un simple tunnel, un viseur galiléen inversé, point.
Pour charger le film, il faut ouvrir le verrou sur la gauche du boitier.

La chambre apparaît avec, à gauche, une bobine propriétaire, solidaire de la molette d’entrainement, tandis que de l’autre côté, un mécanisme simple qui permet de faire pivoter l’ensemble pour y placer la bobine débitrice (en fait la partie basse permet de fixer facilement la bobine).



Maintenant, je ne sais toujours pas quel modèle j’ai :
- l’obturateur possède une pose B mais aussi la pose T alors que ce devrait être l’un ou l’autre
- sa carrosserie est en alu (alliage) comme les modèles Isolette V mais avec un marquage Jsolette d’avant guerre
- l’obturateur est un Compur-Rapid mais sans raccord PC pour un flash
- il ressemble au modèle d’après-guerre, l’Isolette 4,5, mais sans synchro flash bien qu’il ait un Compur-Rapid
- finalement serait-ce un modèle Jsolette/Isolette de 1937 mais il a un capot en métal et pas en plastique ?
Bref, je patauge …



Que penser de ces appareils ?
S’ils ont été la “vache à lait” d’Agfa pendant des années, c’est parce que leurs coûts étaient compressés, les rendant attrayant pour beaucoup. Un peu les appareils de masse de l’époque …
Mais au niveau qualité, rien à voir avec, par exemple, le Zeiss Ikon Ikonta M que je vous présentais il y a peu !
Même si j’aime bien les appareils simples, ici on touche au simplissime et la construction s’en ressent.
Ni le Perkeo, ni le Weltix, ni l’Ikonta M, le Bessa 1, l’Ikonta B521/16, ni même l’ancêtre, l’Agfa Billy-Clack ne n’ont fait le coup de la charnière qui lâche.
Parfois elles ont un peu plié mais il était toujours facile de les redresser et de remettre le tout en route.
Bref – et je vais peut-être m’attirer les foudres de quelques uns – je ne recommanderai pas cet appareil, à moins de tomber sur un exemplaire en super état et muni du meilleur objectif et obturateur. Et même là, il faudra être certain que le soufflet ne soit pas poreux !
Sinon, question prix, pas plus de 10 à 20€, avec sa gaine.
Dernière chose : ayant parcouru une multitude de forums pour réparer l’objectif bloqué par la graisse solidifiée, avec précaution, j’avais réussi à le retirer. Il a trempé 72h dans de l’essence, après quoi j’ai enfin réussi à désolidariser les porte-lentilles. Re-nettoyage sans abîmer les fils du pas de vis puis graisse de silicone pour pouvoir remonter le tout, et là, patatra … en resserrant les deux parties, ma pince garnie de caoutchouc ripe et j’appuie trop fort. Résultat, le cercle se déforme, la lentille se fendille … et je dis adieu à ce boitier !
Il retournera à une fonction de presse-papier ou de ramasse poussière pathétique …
Des publicités d’époque (merci Collection-appareils)


Une video d’illustration d’une Isolette
Si vous devez réparer quelque chose, c’est par ICI.
Des références : https://photothinking.com/20170905agfa-jsolette-4-5-when-j-is-not-a-j/, https://camerapedia.fandom.com/wiki/Agfa_Isolette_(Jsolette), https://utahfilmphotography.com/2016/08/24/agfa-isolette-i/, http://camera-wiki.org/wiki/Isolette, https://certo6.com/camera-archive/agfa-isolette/, https://web.archive.org/web/20090103055839/http://www.davidrichert.com/AGFA%20rebuild/agfa.htm, http://www.rolandandcaroline.co.uk/isolettei/isolettei.html en anglais; https://www.chassimages.com/forum/index.php?topic=325075.0, https://www.collection-appareils.fr/x/html/appareil-3088-Agfa_Isolette.html, en français; https://www.kamera-museum-scholz.de/agfa-kamera/isorette-isolette/, en allemand, http://www.jnoir.eu/camaras/agfa/isolette/, en espagnol