Le Zeiss Ikon Ikonta M

C’est via un site de seconde main que j’ai déniché celui-ci. Le photos étaient bien nettes et l’appareil me semblait en très bon état.
La transaction conclue, je l’ai reçu hier, 20 avril 23, dans une grande boite en carton, super bien protégé. Petit déballage un peu fébrile pour découvrir un magnifique appareil dans sa gaine que l’on dirait neuve, tout comme l’appareil. Merci Kim, c’est un bel appareil, un Zeiss Ikon Ikonta M.


On le connait aussi sous la dénomination d’Ikonta III 21/4 x 21/4, d’Ikonta 524/16 M et Ikonta M.
M pour “Messucher”, soit télémètre en allemand.
Car cet Ikonta est un appareil de transition entre l’Ikonta tout court, sans télémètre et le Super Ikonta, avec télémètre couplé. Ici, il propose un “entre-deux”, à savoir un télémètre, mais non couplé.
Il utilise des films en 120, sur lequel vous ferez 12 images au format 6×6.
Il fut produit entre 1951 à 1954, à Stuttgart.
Comme souvent chez Zeiss Ikon (comme Voigtländer d’ailleurs) il sera proposé avec des objectifs et des obturateurs différents, avec des tarifs qui suivent les équipements : objectif Novar 4,5/75 mm dans un obturateur Prontor-SV (celui de l’article), objectif Novar 3,5/75 mm dans un obturateur Prontor-SV ou Prontor-SVS, objectif Tessar 3,5/75 mm dans un obturateur Synchro-Compur (le plus cher et plus rare – voir les prix sur la pub ci-dessous – 1953).

Il ne faut pas oublier que Zeiss Ikon fut un ogre en son temps, qui a fusionné nombre d’autres pionniers de la photographie (ICA, Contessa-Nettel, Ernemann, Goerz )pour devenir la Zeiss Ikon AG à Dresde en 1926. Après la seconde guerre mondiale, elle sera coupée en deux, une partie restant à Dresde (partie devenue Allemagne de l’Est), l’autre établie à Stuttgart.
Elle formait une entité de la Fondation Carl Zeiss, une autre part étant la société d’optique Carl Zeiss, ce qui explique que la plupart des appareils étaient équipé de ces optiques, les autres membres ayant dû abandonner leur propre fabrication, comme Goerz.
Les obturateurs Compur équipaient aussi 80% des caméras. Seuls les appareils d’entrée de gamme avaient droit aux obturateurs moins onéreux, comme le Klio.
Si Dresde était le royaume de la photographie allemande, Zeiss Ikon en était le prince le plus puissant, avec des usines à Stuttgart et Berlin.
Il fut aussi le premier fabricant mondial de caméra 8mm et le fournisseurs d’optiques pour l’industrie ou des fabricants tiers et la lunetterie réputée que l’on connait encore.
-“Mais pourquoi il s’égare encore dans l’histoire ?”
Parce qu’elle a son importance pour situer cet appareil. En effet, avec les fusions, Zeiss Ikon se retrouvait avec un catalogue immense de références parfois concurrentes et souvent disparates. Pour rationaliser tout ça, il fut décidé de ne garder que quelques modèles et d’en créer d’autres pour combler des lacunes de gammes.
Ainsi est née la lignée des Ikonta, qui se place entre les Nettar et les Super Ikonta.
Bon, maintenant on s’accroche car Zeiss Ikon est parfois difficile à décrypter dans ses catalogues.
Pour faire court, la série est lancée en 1929 et est proposée en quatre modèles, répartis en lettres (pour les Usa) et en chiffres pour le reste du monde : A-B-C-D. Ainsi les A, B et C utilisaient du film 120 et donnaient respectivement des négatifs de 6×4,5, 6×6, 6×9. Par contre, l’Ikonta D utilisait un négatif plus grand, le 116 ou 616, aujourd’hui disparu.
Et rien que pour compliquer la vie de ceux qui s’y intéresse, il y eut encore un Baby Ikonta qui utilisait un film 127 (qui lui existe toujours, assez proche de la taille des 24x36mm que nous connaissons).
Cette première série A, B et C fut étiquetée 520. Ce qui donnait les combinaisons suivantes : 520, 520/16, 520/2.
Aux alentours de 1940, la série 520 a laissé sa place à la série 521. Celle-ci ajoutait un déclencheur sur le corps de l’appareil et non plus seulement sur l’obturateur, et ajoutait un système pour prévenir de la double exposition. Cette série n’a repris, avec ces changements, que les modèles A, B et C.
Puis, dans les années ’50, ce fut la série des 523 mais seulement pour les modèles B et C. Un capot supérieur avec le viseur intégré et une griffe porte-accessoires font partie des modifications.
La série 524 ajoutera un télémètre non couplé et s’appelait le “Mess Ikonta”. Ce n’est pas le même que celui de cet article, car lui s’ouvre vers la gauche et non vers le bas.
Pour mémoire, le Super Ikonta aura lui un télémètre couplé et il commence leur série par un 530 et 531, mais c’est une autre histoire que vous pourrez découvrir ICI et LA.
Comme je le signalais plus haut, les prix des appareils variaient en fonction des combinaisons objectif/obturateur et c’est aussi ce qui différenciait la gamme Nettar de celle des Ikonta.
Les objectifs pour la série 524 étaient des Novar f4,5 ou f3,5 et Tessar f3,5.
La focale était de 75mm pour les appareils en 6×6 et de 105mm pour les 6×9.
Les Novar, un triplet, étaient sous traités chez Rodenstock ou Steinheil alors que les Tessar, en quatre éléments, étaient fabriqués par Zeiss.
Rarissimes sur les Ikonta et Mess Ikonta, ils équipaient le plus souvent les Super Ikonta.
Les objectifs d’après guerre sont enduits afin de réduire les reflets entre les éléments, ce qui était un grand progrès, surtout pour ceux qui osaient utiliser le films couleur de l’époque.
Dernier point commun à tous les Ikonta, la distance se règle en tournant la lentille frontale.
Les obturateurs retenus étaient des Prontor SV ou SVS à huit vitesses et le Synchro-Compur à dix vitesses.
Sans être méchant, les Nettar recevaient les combinaisons les moins chères, étant des entrées de gamme.
J’espère non seulement ne pas vous avoir perdu mais vous avoir permis de mieux comprendre les subtilités de ces appareils. Utile si vous devez négocier le prix chez un vide-grenier “qui a été voir les prix sur Internet” sans comprendre ces différences, fondamentales, et qui justifient à elles-seules les écarts de prix conséquent d’un modèle à l’autre.
Revenons donc à l’exemplaire que j’ai reçu, un Ikonta M équipé d’un objectif Novar f4,5 de 75 mm dans un obturateur Prontor-SV.



A l’époque, son concurrent était, notamment, l’Agfa Isolette III, un autre pliant avec un télémètre non couplé, lui aussi très recherché car tout aussi bon et surtout, pour les deux, moins chers que les appareils à télémètre couplés. Un bon moyen, en somme, de découvrir ce qui se faisait de mieux dans ces appareils sans se ruiner.


Puisque j’en parle de ce télémètre, comme cela fonctionnait-il ?
Sur la face avant, vous avez une fenêtre carrée au milieu, le viseur, et de chaque côté, deux petites fenêtres rectangulaires, le système du télémètre. Avec, finalement, une base assez courte (environ 4,5cm).


Et, autre désagrément, si le viseur reste acceptable, celui du télémètre est minuscule.
Mais bon, il y a le mérite d’exister.
Donc, quand vous regardez par le trou de serrure de ce dernier, vous voyez l’image dédoublée de votre sujet. En tournant la molette de droite (en regardant par dessus le boitier), vous ajustez les deux images pour qu’elles n’en forment plus qu’une. La mise au point est alors bonne.

Il faut alors lire la distance reprise sur le cadran de cette molette et la reporter sur la lentille frontale de l’objectif. C’est pratique, précis, mais guère rapide.
Ou, pour aller plus vite, utiliser le bon vieux système du zone focus, en préparant à l’avance une zone de netteté qui sera fonction de la distance choisie et de l’ouverture.
Les marques sur le fut de l’objectif vous aideront dans cet exercice.

Pour le reste, tant que nous sommes sur le dessus de l’appareil, voyez la seconde molette, à gauche. Outre qu’elle serve à rembobiner le film en fin de course, elle sert aussi de pense-bête pour le type de film utilisé, en DIN (nous sommes bien en Allemagne). Vous faites tourner les repères grâce aux minuscules petits plots sur la couronne.

Toujours là-haut, deux petits boutons à enfoncer : celui de gauche permet d’ouvrir l’abattant qui libère la partie objectif/obturateur, le second est le déclencheur.

Juste derrière lui, un tout petit trou qui a son importance. Regardez le attentivement : s’il apparait gris, c’est que vous avez pris une photo, s’il apparait rouge, c’est que l’appareil est armé (vous avez avancé le film d’une vue).

Alors, pour éviter de gâcher de la pellicule, sachez que le fait d’avancer d’une vue n’arme pas le déclencheur, il permet juste de le mettre en position de prendre une photo si, et seulement si vous avez aussi armé le déclencheur qui se trouve sur l’obturateur.
Si vous avez armé le déclencheur de l’obturateur mais pas fait avancer le film, impossible de déclencher, c’est la fameuse protection contre la double exposition.Un argument de choix sur les publicités de l’époque … que l’on peut contourner facilement en actionnant avec le doigt la came qui lance normalement le déclenchement, obturateur armé …
Puisque nous sommes descendus au niveau du bloc optique/obturateur, restons-y.
Nous avons-là un obturateur Prontor SV qui offre des vitesses de 1s – 1/2s – 1/5s – 1/10s – 1/25s – 1/50s – 1/100s et 1/300s, plus une pose B. Et la synchro flash pour les flash magnésiques M et X pour les “électroniques”. Le flash pouvait se fixer sur la griffe porte-accessoires et il était relié à la borne au dessus, près du déclencheur manuel.




L’ouverture se règle avec la languette tout à l’arrière de l’obturateur et la vitesse avec la roue crantée qui est elle tout à l’avant de ce dernier.
Tout en dessous, le retardateur (plus ou moins 10 sec.). Attention, il faut d’abord armer le déclencheur avant de mettre le retardateur en position.
Pour refermer le tout, juste appuyer sur les deux genouillères en haut et aider lentement le bloc à rentrer dans la chambre, sans forcer.

Et pour charger un film, il suffit d’abaisser le verrou et de tirer la porte arrière vers soi. Pour placer la bobine, il faut abaisser le support, monté sur ressort et qui sera bloqué lorsque vous refermerez le dos (voir les découpes dans le métal). Idem lorsque vous devrez enlever la cartouche sur laquelle la film s’est enroulé.




Avec les films 120, vous aurez noté qu’il n’y a pas de bouton pour rembobiner le film. En effet, ce n’est pas nécessaire, la pellicule s’enroulant au fur et à mesure sur la bobine réceptrice à droite (appareil ouvert). Ne pas oublier de bien serrer et refermer le film avec la languette à coller au bout du film.
S’il n’y a pas non plus de roue dentée pour assurer le transport, notez que la “cage” est nervurée pour que la pellicule reste bien droite, guidée aussi par le presse-film et les deux rails qui assurent un défilement doux.

Pour refermer, ne pas oublier de remonter le verrou pour assurer l’étanchéité à la lumière. Vous remarquerez aussi la qualité de l’ajustement des pièces. C’est de la belle mécanique, assurément.
Si je résume, nous avons là un superbe appareil, très facile à transporter car relativement fin lorsqu’il est fermé. En tout cas bien moins épais que les autres appareils en moyen format ou même les premiers reflex de l’époque.
Personnellement, j’apprécie beaucoup que la porte s’ouvre vers le bas, ce qui assure une meilleure prise en mains, plus naturelle et stable.
Le format 6×6 est intéressant car il offre une belle surface de négatif, qui autorisera de beaux agrandissements si besoin.
A la question ritournelle “cet appareil a-t-il encore un intérêt”, je réponds “oui, bien certainement”.
Son prix reste attrayant, bien plus abordable que les Super Ikonta pour une qualité aussi très bonne (surtout si vous avez la chance de tomber sur un Tessar, quoique les autres ne soient pas des manchots non plus !).
S’il faut quand même une grande poche, ou un petit sac pour le transporter, il n’en demeure pas moins facile à emmener partout.
Au rayon des regrets, la taille du viseur et du télémètre qui ne sont définitivement pas très grands (doux euphémisme) mais ils font le minimum syndical qu’on attend d’eux.
De toute manière, si vous voulez vous en servir, par exemple, en photo de rue, vous travaillerez en zone focus, bien plus rapide et plus pratique.
Franchement, je l’écris souvent, mais du milieu de gamme de cette qualité, on en redemande. Près de 70 ans plus tard, cet appareil fonctionne toujours comme au premier jour.
Alors si vous avez la chance d’en découvrir un et que le format 120 vous attire, prévoyez quand même plus ou moins septante euro (soixante-dix pour nos amis français) pour un bel exemplaire, avec sa gaine en cuir. S’il est équipé d’un Tessar, le prix sera plus proche des 100€.
Si vous voulez voir un aperçu de ses capacités, c’est par ICI.
La publicité d’époque (merci Collection-appareils)




Pour le mode d’emploi, c’est par LA.
Petites videos d’illustration
Un peu de technique :
- Période de production de 1951 à 1954
- Format : 6 x 6 cm sur pellicule type 120
- Combinaisons d’objectif/obturateur connues : Objectif Novar 4,5/75 mm dans un obturateur Prontor-SV (celui de l’article), objectif Novar 3,5/75 mm dans un obturateur Prontor-SV ou Prontor-SVS, objectif Tessar 3,5/75 mm dans un obturateur Synchro-Compur (le plus cher et plus rare)
- Taille du filtre :
- Synchronisation du flash : prise sur l’obturateur, synchronisation M et X
- Retardateur : Oui
- Système de posemètre : aucun
- Prévention de la double exposition : Oui
- Télémètre : Non couplé
- Finition de couleur : Noir avec couvercle et ornements chromés
- Couleur Similicuir : Noir
- Dimensions LxHxP (plié) : 135x100x45 mm
- Poids : 640 grammes
Des références : https://www.folding-camera.fr/zeiss-ikon-ikonta-m-52416.html, https://www.collection-appareils.fr/x/html/appareil-3901-Zeiss%20Ikon_Mess-Ikonta%20IIIb.html, https://mgroleau.com/photo/allemagne/zeiss_ikon/zi_ikonta524_16.html (intéressant pour pouvoir régler le télémètre si besoin), en français; https://blog.bkspicture.com/review_Zeiss_Ikon_Ikonta_M_524_16_Zeiss-Opton_Tessar.html, https://camerapedia.fandom.com/wiki/Zeiss_Ikon_Ikonta, http://camera-wiki.org/wiki/Mess-Ikonta_524/16, https://filmphotograph.com/zeiss-ikon-mess-ikonta-524-16, http://camera-wiki.org/wiki/Zeiss_Ikon_serial_numbers (pour essayer de dater votre appareil), http://elekm.net/pages/cameras/ikonta_524-16.htm , https://www.35mmc.com/30/06/2018/zeiss-ikonta-524-2-review/, https://www.pacificrimcamera.com/pp/ziikonta.htm, https://cameracollector.net/ikonta-ikomat-family/, http://camera-wiki.org/wiki/Zeiss_Ikon, http://camera-wiki.org/wiki/Ikonta en anglais
Ce Zeiss Ikonta M est mon nouvel outil de travail. Il répond à mes exigences en photographie de portrait et d’événements. De plus, l’appareil est dans un état irréprochable. Il a fait sensation lors des célébrations du 8 mai 45. Merci JP pour ces beaux jouets !
Il faut parfois découvrir un modèle qui sort de l’ordinaire mais qui répond à des exigences précises, notamment professionnelles, pour faire ressortir un appareil moins couru par les “influenceurs” du net mais très efficace. Grâce à toi, j’ai pu valider mon intuition v-à-v de cet Ikonta M. Et il y en aura d’autres (non, non, je ne pousse pas à la consommation ;-)). Bien amicalement.