Le Ihagee Exa type 6

C’est encore Pierre qui m’a mis en main ce drôle d’engin, un Ihagee Exa, le 6ème du nom et … je n’ai pas résisté !

Je vous ai déjà présenté un de ces reflex qui semble venir d’un autre temps, l‘Exakta Varex IIa.

Si celui-là était le haut de gamme, celui que je vais vous décrire est l’entrée de gamme, car les 2 séries ont cohabité un certain temps.

De 1936 à 1950, Ihagee produit le Kine-Exakta I puis II. Dès 1950, ils lancent deux nouvelles séries, les Exakta Varex et les Exa.

De fait, les Exakta Varex étaient des appareils complexes, relativement onéreux mais bourrés d’innovations ou en tout cas d’idées différentes.

A commencer par le principe de “système”, c.-à-d. un boitier entouré d’accessoires multiples, dont des objectifs, des flashs, des filtres, etc. spécifiques à des utilisations particulières et ceci depuis le début du Kine-Exakta)

Pour satisfaire une autre clientèle, moins fortunée, Ihagee a donc lancé, dès 1950, un petit nombre de ce nouvel appareil, baptisé alors Exa Varex. Il n’en fut pas fabriqué beaucoup.

Mais à partir de 1951, le nom devient Exa, tout court et la gamme est lancée.

Extérieurement, s’il garde la forme générale d’une pyramide tronquée, il est plus “arrondi” que son ainé et plus petit. Il reste “épais” mais sa taille est celle d’un petit réflex.

Petite revue des modèles :

Les viseurs de tous les modèles restent amovibles, soit à prismes, soit à visée “à la taille” avec un tunnel de visée équipé d’une loupe, repliable. Notons que dans ce cas, une broche, qui permet d’ouvrir le viseur, empêche aussi, celui-ci replié, de déclencher par erreur.

Autre chose qui ne change pas, la place assez inhabituelle du déclencheur, à gauche, sur le devant de l’appareil, et que l’on recouvre d’une petite capsule pour éviter un déclenchement intempestif. Il est fileté pour y fixer un déclencheur filaire.

Au début, on tâtonne un peu, le temps de le trouver et puis, on s’y fait.

Les objectifs Exakta à “baïonnette interne” peuvent être monté sur un Exa, même les objectifs dits automatiques, qui portent un mécanisme qui actionne le déclencheur.

-“Bon, c’est bien beau tout ça, mais qu’est-ce qui change alors ?”

L’obturateur, qui n’est plus un rideau à plan focal, innove en se compliquant la vie car c’est le miroir qui sert de “lame” d’obturation ouvrante tandis qu’une seconde lame métallique incurvée, est la lame de fermeture. C’est une espèce d’obturateur à guillotine assez similaire, parait-il, à ceux utilisés dans les premiers appareils photo grand format et dans certains panoramiques.

Donc, quand vous enfoncez le déclencheur, le miroir se déplace vers le haut selon un arc, exposant le film. Une plaque d’obturation incurvée se relève alors et termine l’exposition. Une fois l’exposition terminée, le miroir reste relevé jusqu’à ce que le film soit enroulé à la prochaine vue. C’est la raison de la “vitesse de pointe” qui ne dépasse pas le 1/150 secondes car il n’est vraiment pas possible de faire bouger le miroir lourd assez vite pour obtenir une exposition plus rapide.

-“Quel est l’avantage d’un tel “bidulle” ?”

C’est bon marché à fabriquer, ce qui réduit le coût de l’appareil photo et n’a pas besoin de lubrifiants et peut donc être utilisé dans des conditions très froides sans accrocs.

De fait, sa conception particulière le rend incapable de vitesses lentes et rapides : sa plage est de 1/25s à 1/150s et la pose B.

Heu … juste par comparaison, un Pentax Asahi offrait à la même époque le 1/1000s, mais pas au même prix !

Il n’y a pas que l’obturateur qui est différent, le réglage des vitesses aussi : nous avons droit, sur la gauche du viseur, à une espèce de levier de … changement de vitesse !

Pour armer l’appareil, c’est avec le gros bouton strié à droite du viseur et on sent bien la décomposition des mouvements de l’obturateur et du miroir. Le premier demi-tour remonte la pièce métallique incurvée et le reste arme le déclencheur et remonte le miroir.

Notons la présence, à côté de ce bouton, d’un compteur de vue, qu’il faut réinitialiser manuellement, grâce à une minuscule bague crantée très difficile à mouvoir.

Une conséquence de la conception étrange de l’obturateur incurvé est l’apparition d’un “vignetage marginal” comme le dit le fabricant, avec des objectifs longs – mais ça commence avec un 70mm – ou des tubes allonges, des soufflets. et, bien évidemment, ça ne se voit pas à travers le viseur.

Bref, cette sixième génération sera la dernière de la lignée qui fut donc fabriquée de 1950 à 1962, avec une production totale (tous modèles confondus) d’un peu plus d’un million deux cent mille exemplaires. Ce fut vraiment un appareil destiné à offrir un reflex à la portée de tous.

Entre nous, cette gamme fit la joie des gauchers car, pour une fois, les commandes sont de ce côté-là de l’appareil.

Par rapport aux réflex de ces années-là, surtout Japonais, nous sommes dans un autre monde, mais voyons plutôt.

Petite parenthèse toute personnelle : lorsqu’on regarde les voitures des années soixante, les électro-ménagers, les vêtements portés, cet appareil, on a souvent l’impression d’un temps si lointain … or soixante ans seulement nous séparent … et c’est déjà beaucoup.

La grande majorité des reflex, toutes nationalités confondues, n’ont pas forcément le viseur – et donc le prisme – tout à fait au milieu; ici, oui.

Viseur qui est amovible et que l’on peut remplacer par différents modèles : viseurs à prisme, viseur à la taille avec ou sans loupe. Les verres de visée peuvent aussi être modifié, par des quadrillés, par exemple.

Pour l’ôter, il suffit d’abaisser la plaquette qui se situe à l’avant du boitier, juste sous le viseur, en dessous de la plaque qui porte le nom Exa en lettres blanches. Pour le remettre en place, il suffit de le plonger dans le “tunnel” ainsi dégagé, jusqu’au “clic” d’accrochage.

En principe, tous les viseurs Exa et Exakta sont compatibles et interchangeables, un bon point.

Le viseur de taille est un système qui se replie, diminuant encore la taille de l’appareil. Autre avantage, ça empêche les poussières de tomber sur l’écran de mise au point. Il suffit d’appuyer sur le bouton, situé à l’arrière, pour qu’il se déploie.

Si vous avez déjà eu en mains un appareil de type Rolleiflex, Lubitel 2, Yashica Mat et consorts, vous ne serez pas dépaysé avec la visée de ce type.

Et comme avec ces appareils, l’image est donc inversée gauche – droite mais heureusement pas de modification haut – bas. Rappelez-vous, c’est le pentaprisme du reflex qui redresse l’image et la met “dans le bon sens”.

Si vous utilisez ce type de viseur – et c’est là le sel de cet appareil – vous constaterez que voir les choses “d’en haut” modifiera votre perception des scènes et donne une toute autre perspective à l’image. Et donc, cela va influencer votre composition finale, vous verrez.

Remarquez encore le bouton, juste derrière le compteur de vues, c’est celui qu’il faut enfoncer pour pouvoir rembobiner le film en fin de course.

Je crois que je n’ai pas encore abordé le flash : sur le côté droit de l’objectif vous verrez deux douilles, une notée F (pour F = rapide), qui est destinée aux ampoules flashs. La connexion sur ce port déclenchera l’ampoule 12 millisecondes avant que l’obturateur ne soit complètement ouvert. Cela permet à l’ampoule du flash d’atteindre la luminosité maximale lorsque l’obturateur s’ouvre complètement. Cela nécessite une vitesse d’obturation de 1/25 seconde.

Ensuite, la douille notée X (pour Xénon, le gaz qui est dans les tubes des flashs électroniques). Si vous êtes branché sur celle-là, le flash se déclenche dès que l’obturateur est complètement ouvert, à la vitesse soit du 1/50s ou du 1/25s.

Petit nouveauté par rapport aux autres Exa, le dos est articulé (pour les autres, c’est tout le dos qui s’enlève). Ce qui facilite, semble-t-il, l’insertion d’un film et la fermeture du dit dos (il suffit de le rabattre et le verrou s’enclenche).

Une petite remarque utile, en passant : avez-vous vu la bobine réceptrice, solidaire de l’appareil ? On peut la retirer mais la perdre serait bien gênant car elle est spécifique au modèle. Donc, en cas d’achat vérifier qu’elle est bien dans la chambre sous peine de recherches fastidieuses.

Tiens, en regardant la chambre, vous verrez qu’il n’y a pas de mousses à changer. Souvent, les appareils allemands préféraient des gorges bien profondes, bien ajustées avec les autres éléments de la carrosserie pour assurer l’étanchéité à la lumière.

En dessous, le filetage pour y fixer un trépied. Attention, ce n’est pas un pas “normal” mais un filetage Whitworth de 1/4 de pouce.

Là, je pense que nous avons fait le tour du boitier.

Qu’en penser ?

Le moins que l’on puisse écrire, c’est qu’il sort de l’ordinaire, de par sa forme d’abord sa conception mécanique ensuite.

Même s’il fut pensé “économies” à tous les étages, il n’en demeure pas pourtant mal construit. Métal à tous les étages, ce qui se sent quand on l’a en mains.

Mais des limitations qui peuvent devenir rédhibitoires. Si à l’époque les films étaient encore assez lents,avec des films modernes, vous atteindrez rapidement les limites de l’appareil, à moins de ruser un peu.

Difficile de nos jours de s’en servir rapidement (et pourquoi pas être lent, parfois ?) mais il faut lui reconnaître une bouille à nulle autre pareille et ce petit quelque chose, due à la visée à la taille, qui peut en faire un compagnon sympathique.

J’en connais un qui s’amusait à photographier, discrètement, dans les troquets du Borinage, à saisir les “tronches” et les ambiances de ces lieux qui tendent à disparaitre. Personne ne prêtait attention à ce vieux Monsieur, penché sur le dessus de son drôle d’appareil (il se reconnaîtra !).

Si vous en trouvez un encore en bon état, pourquoi ne pas essayer, ça change des habituels Balda, Dicora, Vitoret, etc. de ces années-là.

Niveau budget, ça devient compliqué de faire des pronostiques, les prix s’envolent parfois sans raison, mais disons que vous devriez vous en sortir avec un billet de 50€, muni d’un objectif.

Pour voir ce que produit cet appareil, c’est par ICI.

Pubs d’époque (merci Collection-appareils)

Photo-Hall, décembre 1958.

Videos d’illustration

Un peu de technique :

Exa Version 6 – produit entre 1960-62
Il existe de nombreuses variantes de la version
Particularités de la version :
– Nouvelle forme rectangulaire de la plaque frontale
– Nouvelle plaque signalétique Exa en noir et blanc

Spécifications communes aux versions

Objectif : monture à baïonnette Exakta d’origine interchangeable
Déverrouillage de l’objectif : via un levier exposé à gauche de la collerette de l’objectif
Obturateur : guillotine à action verticale utilisant le miroir comme un seul composant ; de ce fait la vitesse maximale est limitée à 1/150, vitesses : 1/25-1/150 +B
Déclencheur : à l’avant du boîtier, disponible pour les leviers/pistons d’ouverture sur divers objectifs automatiques
Viseur : viseurs Varex standard, avec option de verrouillage de l’exposition (WLF a une broche qui bloque l’exposition si le capot est fermé.)
Sortie du viseur : via un curseur sous le logo Exa
Miroir : faisant partie de l’obturateur, non-retour
Corps : métal, construction robuste

Pour le mode d’emploi, c’est par LA.

Des références : https://collection-appareils.fr/x/html/appareil-4980-Ihagee_Exa.html, en français; https://casualphotophile.com/2022/07/13/ihagee-exa-camera-review/, https://oldcamera.blog/2017/11/27/ihagee-exa-6-or-1-6/, http://camera-wiki.org/wiki/Exa_(original), https://www.wrotniak.net/photo/exakta/exa-serial.html, https://casualphotophile.com/2022/07/13/ihagee-exa-camera-review/ en anglais; http://www.exaktapages.com/(une mine d’infos sur la marque et les modèles), en allemand

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