Exakta Varex IIa

De l’autre côté du rideau de fer, il n’y avait pas que des copies de Leica. Il y avait aussi, p. ex. Ihagee Kamerawerk Steenbergen & Co, à Dresde.

L’entreprise a été fondée en 1912 par Johan Steenbergen, un marchand néerlandais. Elle a commencé par produire des appareils pliants conventionnels à film et plaque (les foldings). Mais en 1918, l’économie allemande fut en grave difficulté, tout comme Ihagee.

L’entreprise a été liquidée puis reconstituée et relancée notamment après le Premier Conflit mondial. Pour vous donner une idée de son importance, en 1925, Ihagee produisait 1 000 appareils avec film par jour.

L’Exakta A – premier du nom – a été présenté en 1933. C’était un réflexe à une seule lentille, qui a été accueilli avec scepticisme. Cet Exakta prenait des images 3 × 6,5cm sur film en 127.

1933 … comme pour un certain Leica, qui « lança » le format 24×36.

Son design particulier, de forme pyramidale tronquée est reconnaissable entre tous. C’est la signature de la marque.

Et pourtant, la ligne Exakta allait devenir le grand succès d’Ihagee. En 1936, son appareil photo le plus célèbre, le Kine Exakta, a été présenté au Leipziger Messe (grand salon de Leipzig). Ce fut sans doute le premier reflex à prendre des photos sur un film 35 mm. Précurseur, il s’agissait d’une « caméra système », offrant des objectifs interchangeables, des viseurs, des adaptateurs de microscope et des dos acceptant les plaques (pour mémoire, c’est dans la fin des années soixante que les Japonais ont revisité le concept de système pour leurs reflex : Canon, Minolta, Nikon étaient les leaders de l’époque).

Entre temps, la seconde guerre mondiale est encore passée par là. Je ne vais pas vous refaire l’histoire de l’entreprise, que vous pourrez trouver dans les références en bas de page. Résumons simplement en actant que cette entreprise a fait preuve d’innovations tout au long de son histoire, avec une autonomie certaine dans un environnement qui ne la favorisait pas pourtant (le bloc de l’Est n’était pas réputé pour la liberté d’expression).

En 1950 Ihagge présente la série Exakta Varex, qui possédait des viseurs interchangeables, les derniers sont même calibrés. Ce sont de beaux appareils photo avec une réputation de bonne qualité. Tellement bonne que le photographe professionnel (joué par James Stewart) dans le film « Fenêtre sur cours » d’Alfred Hitchcock (1954) utilise un Exakta, ce qui fut un coup de pub orchestré par l’importateur américain des Exakta.

Cet appareil a fait le bonheur de milliers de photographes, quelque soit le côté du Rideau où ils se trouvaient.

Autre particularité de cet appareil, les gauchers vont l’adorer ! En effet, le réarmement et le déclencheur sont à gauche, ce qui – il faut bien l’avouer – déroute un moment car il convient alors de tenir l’appareil avec la main droite sous le fût d’objectif (à l’envers donc si on veut).

Encore un mot au sujet des objectifs. Si en effet l’Exakta fait partie d’un « système » comprenant de nombreux objectifs, la marque n’en fabriquait pas : ceux-ci ont été fabriqués par Zeiss, Meyer Optik, Steinhill, Schneider, Vivitar et d’autres opticiens légendaires, comme par exemple Nippon Kogaku, plus connu sous le nom de Nikon ! Un objectif Exacta très recherché est le Meyer Optik 100 mm f / 2,8, le célèbre Trioplan. Il est vénéré pour son bokeh en « bulle de savon » unique et, comme les autres objectifs à monture Exacta, il est souvent utilisé aujourd’hui sur les appareils photo modernes dotés d’un adaptateur.

L’Exakta IIA fut produit de 1956 à 1963. Il remplaçait l’Exakta Varex VX ( 1951 – 1956) et fut suivi par l’Exakta Varex IIB (1963 – 1967). Celui qui vient d’arriver chez moi par la Poste est un Exakta Varex IIa version 1, fabriqué en 1957. Il est monté d’un objectif ENNA München Lithagon f1:2,8 35mm. Et je l’ai reçu accompagné d’une belle documentation d’époque, venant d’Italie.

Petite anecdote au sujet du nom Varex : lorsque l’appareil allait être importé aux USA, la marque Argus (vous savez, cette espèce de brique qui sert d’appareil photo) a aussitôt déposé le nom pour les USA, empêchant ainsi Exakta de pouvoir l’utiliser. C’est pourquoi les appareils produits pour l’export sont appelés Exakta VX + le nom de la série au pays de l’Oncle Sam.

En tout cas, voici un appareil proprement déroutant. Sa forme tout d’abord, loin des standards que nous connaissons. Il est lourd, tout en métal. Pas vraiment facile à prendre en main, avec toutes les commandes de prises de vue à gauche, et ces gros boutons en dessous qui, s’ils assurent entre autre sa stabilité, sont un peu gênants sous les doigts car le boitier n’est pas très haut.

Ceci dit, il est arrivé dans sa house en cuir, doublée de feutrine bordeaux foncé, préformée aux particularités stylistiques de l’appareil.

Chose étonnante, le « sac tout prêt » possède des lanières pour le transport et l’appareil a des œillets. Il paraît que sur ce dernier, il était fixé une dragonne en métal.

J’essaie de trouver mes marques : l’armement se fait donc à gauche (comme sur les Rollei 35) et le déclencheur est aussi à gauche, fixé au fut de l’objectif, fileté pour y mettre un déclencheur souple (que j’ai aussi reçu).

Bon, j’arme – bruit discret – et je veux déclencher … rien !

Je tourne et retourne le boitier dans mes mains, pour essayer de trouver « l’astuce » quand je me rends compte que le minuscule bouton du déclencheur – le vrai, pas celui monté sur l’objectif, est encapuchonné par une petite pièce métallique, qu’il faut ôter pour pouvoir déclencher. Clic – bruit vraiment très contenu, la photo est prise !

Sur la face avant, trois prises flash : deux à gauche de l’objectif, une à droite :Trois prises coaxiales : X et F d’un coté, M de l’autre côté.

Sur le dessus, un verre de visée comme sur les 6X6 style Rolleiflex, avec une loupe et un système de visée dit « sport ». Il faudra d’ailleurs que j’y regarde car l’ensemble ne tient pas refermé, un petit réglage s’impose. Tout un système de prismes interchangeables ont été prévu

Au niveau des réglages, sur le dessus, à côté du ré armeur, la molette des vitesses, qu’il faut tourner après avoir armé l’appareil. Les vitesses vont de 1/25s au 1/1000s. Les nombres gravés sont des fractions de seconde : 25 = 1/25, 50 = 1/50 etc. Il a deux pauses longues : B et T

Dans le prolongement du ré armeur, une petite molette permet de remettre, manuellement, le compteur de vues à zéro. Un petit ergot, qui s’enfonce, placé derrière le ré armeur, permet de rembobiner le film, après avoir enfoncé, du doigt, la pastille centrale de la molette en dessous, à droite. Cette astuce permet aussi de faire des doubles expositions.

De l’autre côté, une grosse molette à « deux étages » : le cercle du bas est un aide mémoire pour la vitesse des films (ASA) de 0 à 400; la molette du haut sert à régler les vitesses lentes (de 1/5s à 12s) et le retardateur (de 1/5 à 6 s !).

Honnêtement, ce n’est pas aisé de modifier les vitesses rapides car le bouton est fort près du viseur.

En dessous, deux grosses molettes : celle de gauche permet d’ouvrir le dos de l’appareil, qu’il est possible de déposer complètement. A droite, accolée à la grosse molette, une plus petite permet de viser/déviser une tige qui comporte, à l’intérieur de l’appareil, un couteau extrêmement coupant : celui-ci permet de couper le film, quasi au ras de la bobine pour enlever le film plus vite. Attention, à n’utiliser que si vous utilisez une cartouche de réception car si vous coupez le film, c’est la partie enroulée sur la bobine réceptrice qui serait exposée.

Le film se charge de la droite vers la gauche. La Languette du film doit être introduite dans une bobine réceptrice, qui doit être présente dans l’appareil si vous en achetez un.

Venons-en au viseur. Celui qui est monté sur mon appareil est donc de type « cheminée » : en appuyant sur un petit bouton, il se déploie. A l’intérieur, une loupe permet de faire une mise au point précise. Et si vous voulez aller vite en prise de vue, vous relevez la loupe, la partie frontale du viseur et vous obtenez ce que l’on appelait un « viseur sportif ». En gros, vous visiez au pif.

Heureusement, ce genre d’appareil possède des objectifs avec échelle de profondeur, ce qui permet de prévoir la distance de mise au point à l’avance (voir « l’autofocus le plus rapide du monde« ).

Il était possible de monter un pentaprisme classique, qui redresse la photo et la met dans le bon sens.

Hé oui, avec le viseur du mien, la photo est inversée, comme sur les Rolleiflex, Yashica D, etc.

Personnellement, ça ne va pas m’aider, moi qui ai toujours aussi difficile à remettre l’image « à l’endroit ». Mais j’ai bien envie d’essayer cet appareil en rue car la visée particulière permet de ne pas (trop) se faire remarquer car on ne vise pas directement le sujet

En résumé, c’est un bel appareil mais pas des plus simples à utiliser. Sans doute une question d’habitude, que je n’ai pas. Toutefois, comme je l’avais écris plus haut, des milliers d’utilisateurs s’en sont servi, avec plaisir. Car cet appareil jouit d’une excellente réputation, notamment grâce à la qualité de ses optiques.

Quelques pépites d’époque qui m’ont été livrées avec l’appareil

Une petite video d’illustration

Pour le mode d’emploi, c’est par ICI

Quelques références pour les curieux : https://camerapedia.fandom.com/wiki/Exakta_Varex_IIa, https://emulsive.org/reviews/camera-reviews/exakta-camera-reviews/exakta-varex-iib-by-louis-sousa, https://www.photo.net/discuss/threads/exakta-varex-ii-a-best-classic-camera.168927/page-2, http://www.wrotniak.net/photo/exakta/exakta-gallery.html en anglais, https://www.selency.fr/produit/zu0gr46/appareil-photo-exakta-varex.html, http://www.philcameras.be/collection/collectionm/cde/exaktam.html en français, https://www.exakta-kamera.de/exakta-varex-iia en allemand

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