Le Canonet 28

Vous vous rendez compte, je n’ai pas encore parlé de ce petit Canonet, qui a pourtant fait les beaux jours de plein de photographe !

Le Canonet QL 19 GIII et le Canonet QL17 GIII avaient déjà été présentés, et un rapide survol du Canonet 28 aurait dû me faire revenir sur son cas.

Eh bien, je répare cette erreur aujourd’hui avec ce petit 28 trouvé dans une brocante (comme son prédécesseur, revendu entre-temps). Il est propre et il fonctionne, au premier abord (arme et déclenche); la pile est absente (une PX625) mais pas de traces d’oxydation dans le compartiment, c’est déjà bon signe. Les mousses sont à refaire, comme d’habitude. Et j’ai la chance de recevoir un petit flash Kako 220S qui accompagne cet appareil depuis toujours.

C’est sa propriétaire qui me le vend, avec un petit pincement, vite évanoui quand je lui explique ma démarche.

Alors, ce Canonet 28 ?

C’est le petit dernier de la série des Canonet et je devrais même préciser des « New Canonet » comme le QL 17 et le QL 19.

Pourquoi New ? Parce que ces boitiers ont existé avant, sous les mêmes dénominations mais avec les technologies de l’époque, qui devaient, logiquement, évoluer, notamment les cellules et l’électronique embarquée.

Prenons le temps d’une petite revue « historique » de l’ensemble pour mieux comprendre :

En 1961, Canon lance le Canonet 19 – rappelez-vous, le chiffre indique l’ouverture de l’objectif, un f1,9 ici.

Outre cette ouverture très favorable, il embarquait une technologie innovante pour la mesure de la lumière, appelée Electric Eye (EE). Des cellules photoélectriques positionnées autour de l’objectif (le fameux « nid d’abeille ») mesurait l’intensité de la lumière et ajustait alors la vitesse d’ouverture. Ce qui amène Canon à le déclarer comme un appareil « automatique » : « « Inutile de déterminer les expositions correctes, le Canonet le fait pour vous… automatiquement. Vous êtes assuré d’obtenir des images parfaites… toujours » dixit le mode d’emploi.

Si l’on en croit la légende, il s’est vendu en deux heures l’équivalent d’un stock d’une semaine à la sortie de cet appareil !

Puis, en 1964, apparait le Canonet S, équipé d’un objectif ouvrant à f1,7. Une très belle optique à six éléments en quatre groupes.

Un million de Canonet avait déjà été vendu à la sortie de ce nouveau modèle !

Ensuite, en 1965, Canon introduit une nouvelle fonction appelée QL pour « quick load » ou chargement rapide. Il en profite pour structurer sa gamme de Canonet, basée sur l’ouverture des objectifs. Nous aurons donc un QL 17 en haut de gamme, un QL 19 et un QL 25, l’entrée de gamme.

Dans cette nouvelle mouture, exit la cellule en nid d’abeille autour de l’objectif mais apparition d’une toute petite cellule de mesure sur le haut de l’objectif, qui restera le signe distinctif tout au long de la vie de cette gamme.

Outre ces changements, les QL ont aussi introduit la pleine ouverture et le contrôle de la vitesse d’obturation, ainsi qu’un mode d’exposition automatique à priorité vitesse.

Le premier Canonet 28 est apparu lui en 1968. C’était le modèle économique de la gamme : un objectif ouvrant à f2,8 composé de quatre éléments en trois groupes. Il était équipé d’un obturateur Seiko LA (les autres avaient des obturateurs Copla SV – sauf le QL 19E équipé lui d’un Seiko SE électronique).

Le boitier était en plastique renforcé et ne possédait pas de télémètre à coïncidence mais travaillait avec la mise au point par zones, celles-ci étant gravées sur le fut de l’objectif et visibles dans le viseur.

Moins pratique et précis que ses grands frères, il a néanmoins trouvé son public, grâce à un prix réduit et une bonne qualité de fabrication.

Pour suivre, en 1969, sortent les New Canonet QL 17 (et QL 17 L pour luxe). Suivent en 1971 les versions « New » des QL 19 et 28. La forme reste carrée mais diminue, elle se modernise aussi, rendant assez intemporels ces boitiers

Enfin, en 1972, apparaissent les derniers et – à mon avis (que je partage avec beaucoup d’autres) meilleurs Canonet jamais sortis : les QL GIII. G pour « grade » et trois car la troisième génération.

Si la ligne reste proche des appareils plus anciens, elle se re-stylise, modernise et devient commune à toute la gamme.

Quoiqu’il n’y aura jamais de New Canonet 28 ni QL ni GIII. Même s’il s’est perfectionné au fil du temps, gagnant une visée télémétrique, une position automatique simplifiée qui sera elle à priorité ouverture (vitesse pour les autres), un corps métallique. Ce petit appareil sympathique et toujours très apprécié en Street photography (il est très silencieux) s’est vendu comme des petits pains de 1971 à 1976, date de fin de sa fabrication.

Techniquement, le boitier utilise donc le principe du couplage de la cellule, la Electronic Eye, au contrôle de l’exposition, du moins dans le mode automatique.

L’obturateur Copal est couplé au système d’exposition électronique qui détermine le couple diaphragme/vitesse. La plage d’exposition va de 1/30s à f2,8 à 1/680s à f14,5.

Si vous voulez passer au mode manuel, la vitesse passe alors au 1/30s et vous pouvez choisir votre ouverture (de f2,8 à f16)

Vous pouvez dans ce cas utiliser un flash électronique et si, cerise sur le gâteau, vous trouvez un Canolite D – le flash dédié au Canonet 28 – vous pouvez rester en mode automatique et vous serez alors synchro aux vitesses. Notez que je pense que le petit flash, le Kako 220S donné avec mon exemplaire est synchronisé.

La sensibilité des films utilisables va de 25 Asa à 400. Ce qui peut paraître peu, d’autant que, en position automatique, si l’appareil considère que vous êtes hors de sa plage de fonctionnement, il va se bloquer, vous empêchant de prendre la photo et – selon les vœux des ingénieurs nippons – vous empêcher de gâcher de la pellicule sur ou sous exposée. La cellule EE (Electronic Eye) est une CdS.

La seule solution alors est de passer en manuel, avec – pourquoi pas – une cellule à main et à recomposer votre cliché.

Un mot aussi du viseur, clair, bien dégagé et complet. Vous avez des lignes jaunes bien lisibles pour délimiter les lignes de cadre, dont celles corrigées pour la parallaxe et, sur la droite, l’échelle des vitesses. Le patch, jaune, est bien visible. Facile à mettre au point et rapide (avec un minimum d’entrainement).

Sa forme carrée, typique de ces années-là, le rend agréable à prendre en mains. Pas trop lourd (+/- 500gr), pas trop grand, il est facilement transportable et ne ruinera pas vos cervicales en cas de longue balade dans les rues.

Le mettre dans une poche me semble difficile, mais un petit sac suffit.

Même si son objectif est considéré comme « lent » – un 40mm ouvrant à f2,8, sa construction de cinq éléments en quatre groupes lui donne une belle cohérence et il s’en tire plutôt bien, même en cas de faible lumière.

La mise au point commence à 0,80cm, ce qui le rend confortable à l’utilisation « passe partout » à laquelle il est destiné.

En pratique :

  • vous ouvrez le dos de l’appareil en tirant sur la bobine de rembobinage, à gauche. S’il n’est pas équipé du système QL, il n’en demeure pas moins facile à charger d’une nouvelle pellicule
  • le déclencheur est lui aussi assez court et précis, assez silencieux. L’obturateur étant dans l’objectif, il n’y a quasi pas de vibrations au déclenchement (pratique si vous êtes à la limite du « bougé » en faible lumière
  • l’armement est relativement court et précis. Comme souvent, le levier peut être éloigné du corps pour un réarmement plus rapide, si besoin.
  • sous l’appareil, vous ouvrez la petite porte coulissante en plastique noir et glissez dedans soit un PX625 soit un adaptateur dans lequel vous glissez une LR44 ou, mieux, une pile bouton comme on les met dans les appareils auditifs, une 675(pensez cependant que ces piles zinc-air se déchargent plus vite)
  • lorsque le film est engagé, un petit témoin (petite fenêtre au dos du boitier) vous indique si celui-ci est bien attaché et avance correctement
  • vous réglez la sensibilité au moyen d’une petite tirette sur le côté gauche de l’objectif (de 25 à 400 Asa)
  • vous visez à travers l’objectif et vous réglez la distance avec la bague en alu striée sur les côtés pour amener le patch jaune en coïncidence avec le sujet
  • soit vous avez réglé l’appareil sur A et il se charge de tout, en ayant en mémoire que si la scène est sous ou sur exposée, il refusera de déclencher, à moins d’avoir monté un flash sur la griffe
  • soit vous êtes en manuel et vous réglez l’ouverture à votre mode, de f2,8 à f16
  • en fin de film, vous appuyez sur le petit bouton sous la semelle, qui va déverrouiller le mécanisme et vous rembobinez avec la molette de gauche

Difficile de faire plus simple, non ?

Ne nous trompons pas, si les GL 17 GIII, voire GL 19 GIII tirent la couverture à eux sur le marché de la seconde main, avec des prix souvent indécents, le Canonet 28 reste un investissement (le vilain mot !) intéressant.

Moins sophistiqué que ses grands frères, il rend néanmoins d’excellents services et de nombreux photographes l’ont bien compris, qui s’en servent sans jugement mais pour leur plus grand plaisir.

La qualité de ses photos, sa simplicité de mise en œuvre et de manipulation en font un « must have » presque incontournable quand votre portefeuille est moins bien garnis et que, cependant, vous voulez vous lancer dans l’argentique sans trop de risques.

Autrement dit, si vous en trouvez un à prix intéressant (max. 40€), en parfait état, ne le boudez pas, il sera un fidèle compagnon de voyage.

Tout au plus, vous devrez changer les mousses de la chambre, une opération bénigne qui vous occupera une demi-heure tout au plus. Si vous ne sentez pas l’âme de découper les mousses, vous en trouverez ICI toutes prêtes et d’excellente qualité sinon LA.

Quelques pubs d’époque :

Source : Collection-appareils, Photokina 1969
Source : Collection-appareils, même si l’appareil ne fut plus fabriqué dès 1976, il se vendait encore en 1981 ! Grenier-Natkin 1981.

Comme d’habitude, une petite video d’illustration :

Et si vous deviez y faire quelques interventions :

Quelques exemples de photos prises avec cet appareil ICI, LA, LA aussi, LA encore et encore LA.

Pour le mode d’emploi, c’est par ICI.

Des sites de références : https://benber.fr/presentation-du-canonet-28/, http://35mm-compact.com/compact/canonet28.htm, https://www.ecribouille.net/argentique-canonet-ql-28-sans-pile/, https://melisange.wixsite.com/paris-photo/product-page/canonet-28, https://lafillerenne.fr/blog/738/ en français, https://casualphotophile.com/2018/11/19/canon-canonet-28-camera-review/, https://casualphotophile.com/2018/11/19/canon-canonet-28-camera-review/, https://www.lomography.com/magazine/53429-reviewing-the-canon-canonet-28 en anglais

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