Le Zeiss Ikon Contina Ia

Finalement, c’est une marque que j’aime bien, Zeiss Ikon. Ils ont essayé un peu de tout, du box au folding (pliant) en passant par les reflex et les « compacts » de l’époque.

Si vous vous êtes déjà promené sur le site, vous avez pu découvrir quelques unes de leurs réalisations, qui ont souvent un point commun : la qualité des assemblages.

Celui que nous allons découvrir aujourd’hui ne déroge pas à la règle : c’est du compact, c’est du solide, c’est du beau (même si cette dernière notion est toute subjective).

Et comme c’est une marque mythique, un peu d’histoire ne fera pas de tort pour comprendre cet appareil.

Cet boitier est né pendant la Seconde Guerre mondiale du cerveau fécond de Hubert Nerwin, le designer en chef de chez Zeiss Ikon depuis la fin des années trente.

On lui doit, par exemple, les modèles Contax II et III, le TLR Contaflex (bi-objectifs), le Tenax et l’Ikoflex.

Il réfléchissait à un appareil nouveau quoique encore basé sur un principe de « pliant » ou folding. Ses travaux vont permettre à Zeiss Ikon de redémarrer dans de bonnes conditions mais « à l’Ouest » (Stutgart), avec 3 fabuleux modèles : le Ikonta 35, qui sera rebaptisé Contina, ensuite le Contina II, doté d’un télémètre non couplé intégré, et le haut de gamme, le Contessa 35 avec télémètre couplé et posemètre au sélénium, non couplé.

Ironie de l’histoire, il ne verra pas tous ces appareils réalisés car il quittera l’Allemagne pour les USA où l’attendait une nouvelle carrière chez Graflex, puis chez Kodak. Mais il sera l’initiateur du changement.

Le premier modèle est donc l’Ikonta 35 522/24, selon la numérotation chère à Zeiss Ikon. C’est encore un appareil photo pliable mais avec un soufflet très court, comme les Kodak Retina par exemple.

Cet Ikonta 35 avait un objectif de 45mm au bout donc d’un soufflet court qui se déployait à l’ouverture de la porte de protection. Il bénéficiait de la prévention de la double exposition lorsque l’on arme l’appareil, le déclencheur était encore sur l’obturateur (un câble simplifiait le déclenchement) pour les premiers modèles et il n’avait pas de griffe porte-accessoires (ce sera chose faite pour les derniers modèles).

N’oublions pas, nous sommes au sortir de la guerre, les installations de production ont été fortement touchées et une partie de l’usine sera déplacée vers l’Est (partition de l’Allemagne). Dès lors, il y a des problèmes d’approvisionnement et de production, notamment du Tessar, l’objectif phare de la marque.

L’Ikonta 35, devenu Contina premier du nom, héritera alors d’un objectif qui n’est pas signé Zeiss Ikon mais bien Schneider.

Ce sera un Schneider Xenar avec un obturateur Compur Rapid ou Prontor. Plus tard, ce seront des objectifs Novar et un obturateur Pronto. Que voulez-vous, les temps sont durs … Quelques rares modèles plus tardifs seront équipé d’un Zeiss-Opton Tessar T (traité). Nos amis collectionneurs en salivent.

L’Ikonta 35 tire sa révérence en 1953, définitivement. Mais dès 1951 il est petit à petit remplacé par celui qui il s’appelle dorénavant Contina. C’est encore un appareil pliant, avec un soufflet très court et une porte qui bascule vers l’avant.

Enfin, en 1954, le Contina (522/24) devient un appareil « rigide » : il n’y a plus de soufflet mais bien un corps d’objectif fixe accolé à une platine liée au corps de l’appareil.

Quelques modifications mineures plus tard, nous arrivons en 1955 date de parution du Contina Ia (526/24), celui qui nous occupe aujourd’hui.

D’autres corrections esthétiques et techniques suivent pour qu’enfin, en 1955, il change sa face avant et la prise de synchro du flash quitte le fut d’objectif pour passer sur la plaque qui entoure cet objectif, un Novar qui deviendra plus tard un Novicar.

Ce Zeiss Ikon Contina Ia sera produit de 1954 à 1958.

Il est équipé d’un objectif de 45mm ouvrant à f3,5, un Novar-Anastigmat. Son obturateur est un Prontor SVS qui offre des vitesses de 1s à 1/300s plus une pose B. Il est équipé d’un retardateur et possède 3 positions M-X-V sur le côté, nous y reviendrons.

Dans la vaste gamme des appareils Zeiss Ikon de l’époque, ce Contina Ia est un appareil « populaire », destiné aux photographes amateurs et à prix abordable … pour un Zeiss Ikon.

Mais voyons ça de plus près.

L’appareil est dense (un peu plus de 500gr nu), compact et les commandes sont symétriques (ça c’est juste pour le plaisir des yeux). Tout est bien assemblé, les métaux ont résisté au temps, tout comme le simili-cuir, qui n’a pas bougé.

Sur le capot donc, à droite (vu en visant), la molette pour armer l’appareil et faire avancer le film. Cette manœuvre empêche aussi tout risque de double exposition, la hantise de l’époque. Dans le cercle de la molette, le compteur de vue, qui ne se remet pas à zéro lorsqu’on ouvre le dos de l’appareil. Il faut le remettre sur le chiffre quand on y met une nouvelle bobine. Au milieu toujours, le déclencheur fileté, doux et peu bruyant.

De l’autre côté, quasi identique, une autre molette qui servira à rembobiner le film en fin de course. En son centre, un mémo pour se souvenir de la sensibilité du film, s’il est en couleurs ou pas. Il fut déplacer trois minuscules plots sur les chiffres indiqués.

Au beau milieu du capot, le viseur qui, il faut bien l’avouer, est bien petit. Pourtant il est clair et donne tout le cadre de la prise de vue.

Comme cet appareil n’est pas muni d’un télémètre, on peut en fixer un sur la griffe porte-accessoires au dessus, ou plus simplement, travailler avec l’échelle de profondeur de champ gravée sur l’objectif. Nous y reviendrons.

Puisqu’on en est à la griffe porte-accessoires, elle sert aussi à y placer un flash. Elle est dite « froide », c’est-à-dire sans contact central pour une synchronisation. Le contact du flash, sur ce modèle, est encore un tube (3mm) placé sur le bloc objectif/obturateur.

Si vous vous en souvenez, il y a aussi 3 lettres V-X-M à côté de la prise. Le X, sans surprise est la synchronisation, au 1/25s. C’est sur cette lettre qu’il faut mettre le curseur pour les flashs électroniques et aussi les flashs avec lampes.

La position M est utilisée uniquement pour les flashs avec ampoules car elle permet de donner tout le temps nécessaire à l’éclair de l’ampoule (avec la synchro X, le flash ne se déclenche que lorsque l’obturateur est complètement ouvert) de se développer.

Extrait du mode d’emploi pour donner les valeurs selon les flashs utilisés.

Enfin la position V est celle du retardateur. Il faut d’abord armer l’obturateur puis glisser vers cette position pour bénéficier d’un délai de 8s lorsqu’on appuie sur le déclencheur.

Pour introduire un film dans la chambre, il faut faire glisser le verrou, sur la tranche gauche (vu de face) et le dos s’ouvre. L’amorce se glisse dans la bobine réceptrice. On arme une ou deux fois pour vérifier que le film est bien arrimé puis on referme le tout.

Armer et déclencher encore deux fois puis ne pas oublier de mettre le compteur de vue sur zéro. Lorsque le film sera terminé, pour le rembobiner il faudra appuyer sur le bouton sur la semelle et tourner la molette de gauche dans le sens indiqué par la flèche. Du classique finalement.

Vous voilà prêt pour vos premières photos.

Zeiss Ikon, depuis le temps qu’ils fabriquent des appareils photo, a compris que la hantise des amateurs est de rater ses photos par manque de netteté, due à une mauvaise estimation des distances ou une autre du temps d’ouverture.

Et donc, ils ont essayé de trouver des solutions, simples, pour rassurer les photographes et leur assurer les meilleures prises de vues possibles.

Les bagues des ouvertures et des distances sont accompagnées de repères. Bien crantées, elles restent en place une fois le réglage déterminé.

L’avantage de ces vielles optiques est qu’elles sont faites pour que la profondeur de champ soit parfaitement lisible.

Dans son mode d’emploi, Zeiss Ikon ajoute une table qui reprend ces distances. Je ne l’ai pas reprise ici car elle est exprimée en pieds alors que l’appareil de cet article est en mètres (plus facile pour nous).

Mais pour accélérer les réglages, Zeiss Ikon a aussi prévu ce qu’ils appellent « les points rouges ». Une (très) bonne idée reprise sur de nombreux appareils de la gamme et que d’autres constructeurs ont aussi utilisées (je ne sais pas qui a inventé ce système pratique).

La vitesse dépendra de la luminosité et de la sensibilité du film. Dans la plupart des cas, on sera entre 1/25s et 1/100s. La première vitesse nécessite soit un trépied soit un appuis solide pour éviter les flous de bouger.

Le mode d’emploi renvoie encore à une table, annotée à l’époque.

Vous constatez que les vitesses des films de l’époque n’étaient pas « rapides » : pour une prise de vue en extérieur sous le soleil, pour un film de 40 Asa l’ouverture sera de f8 pour une vitesse de 1/100s ; pour une prise de vue en extérieur sous ciel couvert, toujours pour un film de 40Asa , l’ouverture sera de f5,6 et la vitesse 1/50s.

N’oublions pas que l’obturateur ne nous donne que des vitesses entre 1s et 1/300s (plus la pose B). La latitude des films modernes risquent d’arriver vite aux limites de l’appareil. Optez pour des films plus lents car du soleil, il y en avait aussi dans les années cinquante, de la pluie, de la neige et des nuages et les photographes de l’époque s’en sortaient bien !

Vous verrez dans les photos que je n’ai pas ouvert l’appareil pour vous montrer la chambre (qui est sans surprise) mais en voulant le faire, j’ai découvert qu’il y avait un film dans ce Contina et que seules 5 photos avaient été prises. Qui seront gâchées par mon imprudence mais il me restera quelques images à prendre avec ce boitier (je m’aime pas gaspiller la marchandise !).

Ceci étant, j’aime bien cet appareil. Le tenir en mains est « rassurant » au sens où on sait ce que l’on a entre les doigts. Et puis la qualité de fabrication fait regretter tous les appareils qui viendront plus tard, en plastique !

Un mot encore sur le « sac tout prêt » qui accompagne ce Zeiss Contina Ia : tout en cuir, il est malheureusement déchiré à la jointure (le cuir est solide mais pas éternellement). Je vais demander au cordonnier le prix d’une réparation, si elle se justifie.

Car cet appareil n’est pas vraiment rare – rappelez-vous, c’était le modèle le plus abordable et donc le plus produit – et sa valeur ne dépasse pas les 80€ en très bon état (ce qui est le cas de cet exemplaire). Un très bel appareil que j’ai reçu de mon ami Philippe de Pix-Visu et Pix-Academy, et je l’en remercie encore car c’est un très beau cadeau.                                                     

Des références : http://camera-wiki.org/wiki/Contina, https://retinarescue.com/contina1a.html, https://filmandsensor.com/i-bought-a-zeiss-ikon-contina-1a/, http://camera-wiki.org/wiki/Zeiss_Ikon, en anglais ; https://www.collection-appareils.fr/x/html/appareil-6696-Zeiss%20Ikon_Contina%20Ia.html, http://www.appaphot.be/fr/brands/zeiss-ikon/zeiss-ikon-contina-ia-52624/, http://glangl1.free.fr/Liste-Zeiss.html en français

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