Le Kodak Instamatic 233

Alors cet appareil, je voulais vous le présenter comme un grand clin d’œil à quelqu’un que j’apprécie – et qui se reconnaîtra.

Quand j’ai eu l’occasion non seulement d’acquérir le boitier mais aussi son emballage d’origine et ses accessoires d’époque, je n’ai pas résisté.

J’ai donc la chance de vous présenter l’appareil de quelqu’un qui a débuté la photographie avec cet Instamatic 233 et qui est devenu … photographe pour son – et notre – plus grand plaisir.

Si vous vous en souvenez, j’ai déjà tracé, rapidement tant l’histoire est riche, la genèse des Instamatic lorsque je vous présentais le Kodak Instamatic 28, l’Instamatic 154 et le 324.

Le Kodak Instamatic 233 fut fabriqué par Kodak Allemagne de 1968 à 1970, parallèlement au 133, qui était le prolongement du 33, un Instamatic tout simple (sorti en 1964) qui évolua peu, sauf en 33 X pour pouvoir utiliser le « Flashcube ».

Source : Photography Flashback Ici un Instamatic 104 avec un Flashcube.

Le 133 évolua aussi en 133 X pour pouvoir utiliser les « Magicubes », c’est à dire un Flashcube qui n’a plus besoin de pile pour fonctionner.

J’en profite pour une petite digression (vous me connaissez) à propos de ces flashs.

En effet, j’avais deux boites de flashs carrés, des Sylvana et des Osram. La première contenait 4 Flashcubes et la seconde, 4 Magicubes. Lorsque j’ai voulu installer les seconds sur le 233, ça ne collait pas tandis que les Sylvana entraient sans soucis.

J’ai donc voulu comprendre.

Auparavant, les flashs étaient constitués d’ampoules (ou lampes) flashs, que l’on insérait dans un support, parfois attaché à l’appareil.

Les premiers Instamatic utilisaient cette technique, comme l’explique cette vidéo :

Assez efficace mais pas pratique.

Toujours dans l’optique de rendre la photographie « facile » pour le plus grand nombre, la firme Eastman Kodak remplace, en 1965, ces anciens flashs par une invention de la société Sylvania Electric, le Flashcube.

Idée de génie que de réunir 4 ampoules flash dans un petit cube, divisé en quatre partie égales et munies chacune d’un réflecteur. Elles sont toutes montées à 90°. En actionnant le levier d’armement, on fait avancer le cube d’un quart de tour, exposant à chaque fois une ampoule neuve.

Cette technique supposait un contact électrique et une alimentation par une pile, insérée dans l’appareil.

Grâce à ce Flashcube, vous pouviez prendre 4 photos à la suite, avant de monter un nouveau cube et de repartir pour quatre autres photos. Vous pouviez aussi interrompre une série et reprendre ensuite le Flashcube pour terminer ensuite les ampoules non utilisées.

Très facile d’utilisation, propre et relativement économique, ce procédé ne souffrait que d’une contrainte : la pile dans l’appareil.

Pouvait-on aller plus loin et se libérer de cette pile ?

La réponse sera donnée en 1970 par l’invention du X-Cube ou Magicube. Si ce flash garde le même principe des 4 lampes dans un cube, qui tourne successivement à chaque armement, la mise en fonction de chaque ampoule est faite en libérant un ressort en fil de fer armé dans le cube. Le ressort percute une amorce à la base de l’ampoule flash (amorce en fulminate, qui détone sous l’effet d’un choc violent). Celle-ci enflamme une feuille en zirconium déchiqueté qui est en fait la source de lumière.

Si extérieurement les deux systèmes sont assez proches, ils différent notamment par leur base, les rendant impossible à interchanger dans les appareils.

Source : Photography Flashback : à gauche flashcube, à droite magicube.
Source : Lightstalking. Notez que l’auteur de l’illustration explique le mécanisme du Magicube mais l’intitule Flashcube. 1. le mécanisme qui asservi l’avancement du film à l’avancement des ampoules; 2. la collerette du flash; 3. le cran d’arrêt; 4. le cube qui contient les ampoules et les amorces de fulminate; 5. l’amorce de fulminate; 6. le percuteur qui viendra frapper les ressorts qui percuteront les amorces.

Voilà, j’espère comme moi que vous comprenez un peu mieux comment cela fonctionne et que vous aurez moins de difficultés pour trouver celui qui convient à votre appareil.

Pour en revenir à notre 233, il utilise les Flashcubes et passera aux Magicubes en devenant 233 X (1970 – 1971).

Deux modèles ont été proposé : le premier avait une molette pour ré-armer l’appareil tandis que le second héritera d’un levier, compact mais plus agréable à utiliser.

source : Philcameras

C’est un appareil en apparence simple mais qui révèle quelques belle surprises.

A commencer par son objectif, un Reomar de 41mm ouvrant à f6,6 (et non plus une lentille ménisque en plastique).

Ensuite, le 233 possède deux vitesses : le 1/40s pour la synchro flash et 1/80s pour le reste.

Puis, l’échelle des distances est couplée au diaphragme pour contrôle automatiquement l’exposition au flash. Sur le fut de l’objectif, 5 pictogrammes : soleil brillant sur sable clair ou neige, soleil brillant (ombres nettes), soleil faiblement voilé (ombres douces), nuageux clair (pas d’ombres), nuageux sombre ou ombre découverte (?!) et flash

Selon les conditions de lumière, il est recommandé de se tenir à 1m au moins de son sujet (soleil) ou 1,5m si la lumière est moindre

Une pile doit être insérée sous une trappe, à gauche du boitier, sous le viseur. Ces piles « Microdyn-Anode » 6V n’existe plus. On peut essayer de la remplacer par une 4LR44. N’oubliez pas que cette source d’énergie ne sert qu’à alimenter le flash et en son absence, vous pouvez parfaitement utiliser l’appareil.

Juste un mot encore sur l’objectif, qui est un »fix focus », c-à-d un objectif à focale fixe qui est un système sans dispositif de mise au point réglable. Ce type d’objectif est généralement utilisé dans les appareils photo compacts économiques tel celui-ci. Il a une très petite ouverture (f6,6 pour rappel) pour maintenir une mise au point confortable, ce qui donne des photos nettes dans une large plage. Cependant, une petite ouverture signifie également moins de lumière entrant dans la chambre, c’est pourquoi elle dispose de cinq réglages d’éclairage (les pictogrammes) et d’un flash pour les cas extrêmes.

Quant aux films, il s’agit des cassettes en 126 chères à Kodak et aux Instamatic.

Même s’il existe un mode d’emploi (dont vous trouverez le lien, ici plus bas), l’utilisation de l’appareil est simple : vous insérez la cassette dans la chambre, refermez le dos et armez plusieurs fois jusqu’à sentir un blocage, vous êtes à la première vue du film, vous réglez le diaphragme en fonction de la luminosité et vous visez pour placer votre sujet au milieu du cadre brillant qui est dans le viseur et vous appuyez doucement sur le déclencheur.

Et vous recommencez jusqu’au terme du film (maximum 24 vues), que vous devrez enrouler jusqu’à ce que le papier qui protège la pellicule soit « absorbé » dans la cartouche. Alors seulement vous pourrez ouvrir le dos de l’appareil, ôter la cassette pour la remettre à votre labo. Il est conseillé de ne pas exposer la dite cassette à trop de lumière lorsque le film est terminé (l’idéal étant de garder la pochette en papier pour l’y remettre quand vous le porterez au labo).

Si vous avez placé un Flashcube sur le boitier, vous devrez régler, sur l’objectif, le symbole du flash et placer votre sujet entre 1,2m et 4m. Notez que fonction de la distance, que vous réglez sur l’objectif, l’ouverture sera modulée par l’appareil.

Le viseur ne comporte aucune indication sauf un cadre brillant pour pouvoir composer votre image, en plaçant le sujet à l’intérieur de celui-ci.

Dans les années septante – et même encore à l’aube des années quatre-vingt – c’était typiquement un appareil que l’on offrait en cadeau aux plus jeunes, pour les anniversaires, les communions, par exemple.

Et les modèles plus « sophistiqués » étaient réservés aux dames !

J’ouvre ici une parenthèse car je ne voudrais pas me faire vilipender par la moitié de l’humanité : dans les publicités (surtout) des années cinquante et soixante, les as du marketing considéraient que les dames n’avaient pas besoin d’appareils photo compliqués, que les reflex 24×36 étaient réservés aux messieurs, « plus au fait de la technique ».

Oui, je sais, c’est très machiste comme réflexion mais replaçons la chose dans son temps (il y a soixante ans) et réjouissons-nous que cet état d’esprit ne soit plus de mise, …. enfin, j’ose l’espérer …

L’accroche de la pub dit  » si vous pouvez regarder, vous pouvez photographier »

Leur (apparente) simplicité permettait, selon les publicités, de se concentrer sur le cadrage et la prise de la photo, s’en s’embarrasser de « technique » puisque l’appareil s’occupait de tout !

En fait, avec un objectif de 41mm, finalement très proche de la vue humaine, et une ouverture de f6,6, couplée à une vitesse (hors flash) de 1/80s, votre mise au point est bonne de 1m à l’infini par temps clair.

Pour les autres situations, le recours au flash est utile.

Rappelons-nous que c’est un appareil principalement utilisé pour les vacances (dans l’esprit du constructeur) par temps ensoleillé !

La sensibilité des Kodapak était limitée à deux possibilités : du 64 Asa ou du 400. En gros, par temps ensoleillé, le 64 Asa et pour tout le reste du 400.

Ceci étant – et notre ami confirmera ou pas – l’Instamatic Kodak 233 ne s’en sortait pas si mal que ça, la plupart des photos étant tirées en 10x15cm maximum ou dans un charmant format carré de 9×9 si mes souvenirs sont exacts.

Je suis persuadé que dans vos albums de famille il se trouvent des photos faites avec cet appareil, ou ceux de sa génération (il y eut jusqu’à 80 modèles différents entre 1963 et 1970).

Ces appareils ont accompagné tant de personnes qu’il serait dommage de ne pas les ressortir, tout en étant conscient de leurs limites (nous sommes à des années lumières de la précision chirurgicale de nos appareils modernes) mais c’est ce qui fait leur charme, après tout !

De fait, j’ai trouvé chez un vide grenier des cartouches en 126. J’espère qu’elles n’ont pas été trop mal conservées car j’ai bien envie de tester ce Kodak Instamatic 233. Sinon, il restera la solution des cassettes rechargeables que j’ai expliquée dans l’article sur l’Instamatic 28

Et je me rappelle une anecdote, laissée par Salvatore, un ami, ancien photographe professionnel, qui possédait un labo : une de ses clientes faisait de magnifiques photos (composition, cadrage) avec un petit appareil identique. Un jour, on lui offrit un appareil sophistiqué, pour quelle puisse « aller plus loin » dans sa pratique. Et là, patatras, ses photos n’avaient plus aucun « sens » ! Tout simplement parce que son petit Kodak, elle le connaissait par cœur et il correspondait à sa manière de voir, le plus important en somme.

Alors, si comme notre ami, un jour, ce petit Kodak Instamatic 233 vous a amené vers la pratique de la photographie, il aura pleinement rempli son rôle.

De nos jours, vous trouverez des Instamatic dans tous les greniers, les armoires, les brocantes, les vide-greniers, … pour quelques euros. Et pourquoi pas tenter l’aventure ? Vous replongerez dans les années de votre enfance ou celle de vos parents, sans nostalgie, juste pour le plaisir !

J’espère que ce petit clin d’œil donnera envie à notre ami de trouver le moyen d’y glisser un film (ou une cassette, soyons fou) pour remonter le temps, celui de l’enfance et des plaisirs simples de la photographie d’alors.

D’autres publicités d’époque :

source : Philcameras
source : Collection-appareils, Odéon-Photos 1968-1969
Source : Collection-appareils, Manufrance 1969.
Source : Collection-appareils, Grenier-Natkin 1970

Petite video d’illustration

Production1968 – 1970      –     Kodak Germany / UK
Type de film126
Format image28x28mm
BoîtierPlastique, façade en métal
ObjectifREOMAR f:6,6 41mm, réglable à partir de 1,2m
ViseurOptique avec cadre lumineux
Obturateur1/40 (flash) – 1/80s
FlashFlashcube
DiversAlimentation par 1 pile « Microdyn-Anode » 6V ou une 4LR44 en 6v alkaline

Pour le mode d’emploi, c’est par ICI

Des références : https://mattlovescameras.com/kodak-instamatic-233-with-126-cartridge-film/, https://filmphotography.eu/en/kodak-instamatic-233/ https://kodak.3106.net/index.php?p=207&cam=1177, https://www.lightstalking.com/flashcubes/ https://medium.com/the-grain/photography-with-tiny-explosives-dd7e6e4ffef6, https://eu.usatoday.com/story/tech/2013/03/29/instamatic-camera-50-years/2034585/ en anglais, https://www.philcameras.be/collection/collectionm/ijk/kodakm/instamatic126m.html, https://collection-appareils.fr/x/html/appareil-123-Kodak_Instamatic%20233.html, http://glangl1.free.fr/Liste-KodakInst.html, http://kaftafex.free.fr/ampoulesflash.html, http://glangl1.free.fr/Pel-Form.html#126 en français

2 commentaires sur “Le Kodak Instamatic 233

  1. Ah ! Si tu savais comme j’ai été surpris par ton article ! 🙂
    Tu m’as même appris qu’il y avait une pile à l’intérieur. Je ne le savais pas ! J’ai donc sorti l’appareil de sa coque et ouvert la trappe à pile avec une certaine inquiétude, vue le nombre d’années sans l’avoir utilisé. La trappe est très discrète. La pile a-t-elle coulé et corrodé l’intérieur ? Hé bien pas du tout ! Les contacts et la pile sont comme neufs. Aucune trace de corrosion. Ouf !
    C’est une pile PX-23 de 5,6 V, marque Matsushita, sur laquelle il est écrit « National MERCURY battery » et du texte en japonais. Quand je pense que c’est mon père qui l’a inséré dans l’appareil dans les années 70…
    Je me souviens bien de ces cubes de flash. Il fallait vérifier à chaque fois combien il restait d’ampoules non-grillées pour savoir s’il fallait remplacer le cube.
    Quand à mon appareil, il est en très bon état et le déclenchement claque sec. Je vais le remettre dans son étui en plastique pour qu’il reste bien conservé.

    Merci beaucoup pour cet article qui m’a fait vraiment plaisir, Jean-Pascal.
    Il faudra que je retrouve mes premières photos faites avec cet Instamatic, en espérant les avoir encore. Peut-être un article nostalgique en vue… 😉
    Bon weekend !

    • Super Phil, je suis très heureux que cet article t’ai plu. Et si tu retrouves des photos, mets les sur ton site, je mettrai un lien. Pour la pile, tu peux mettre une 4LR44 dedans, ça fonctionne. Je viens de commander des Kodapak 126 (en Fuji), du Portugal. Si ça te dis de lui redonner vie, sur Ebay on en trouve à tous les prix. Mes amitiés.

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