Le Fex Elite

Ah celui-là, c’est mon épouse qui l’a dégoté dans une brocante française.
Ce qui l’a attiré, c’est un magnifique sac-tout-prêt, comme neuf, en cuir brun, qui devait bien contenir un appareil intéressant. En fait un Fex Elite assez propre et complet.


Et c’est un appareil … particulier.
Mais commençons par le commencement.
Je ne vais pas refaire l’historique de la marque, que je vous ai présenté avec l’Ultra-Fex, celui par qui tout est arrivé en somme.
Juste un mot, quand même : le dénominateur commun de ces appareils est d’avoir un corps en bakélite et un tube-objectif qui coulisse si on veut l’utiliser.
Le premier Ultra-Fex est sorti en 1947 et il fut vendu, au fil des “améliorations” du modèle, pendant près de 20 ans. Peu cher, très facile d’utilisation grâce (ou à cause) de ses réglages à minima (2 vitesses plus pause B, 2 ouvertures), il aura son petit succès, surtout en France.
La gamme des Fex va aussi s’étoffer et venir enrichir de nouveaux modèles un catalogue qui sait faire évoluer les vieilles recettes.
C’est ainsi que dans les années cinquante (1953) le Fex-Elite est apparu dans toute sa … singularité.
Il est toujours en bakélite, ultra simple : 2 vitesses de 1/25s – 1/100s et pause B; 2 ouvertures (intense – normal). Son objectif est aussi rétractable, de section carré aux coins arrondis (si, si, ça ne s’invente pas ces trucs-là). Initialement au format 6×9, il utilise du film 620. C’est une version malcommode du 120, avec une bobine qui doit posséder une tige en métal creux et aux joues rétrécies. J’en parle aussi dans l’article sus cité.

Si son aventure commence en 1953, il y aura 10 modèles successifs qui atteindront le seuil des années soixante sans (trop) rougir.
Au début, il n’y a pas de griffe porte-accessoires mais bien une prise flash (2 broches) sur le côté. Le déclencheur est toujours fixé sur l’objectif et il comporte un loquet qui sert de protection contre les expositions involontaires (si on l’a mis en bonne place).
Mais il y a un posemètre à extinction sur le capot, logé dans une minuscule fenêtre près du viseur (qui est un simple tunnel de Galilée).
De subtiles modifications (cosmétiques) en quelques vraies évolutions (techniques), nous arrivons à la version qui nous préoccupe aujourd’hui, la version 6 (1956) qui propose deux formats, le 6×6 et le 6×9.
Techniquement, l’appareil reçoit un objectif à ménisque Fexar-Optic-Spec (Tourret-Narrat) avec mise au point fixe. Il faut tirer le bloc objectif jusqu’à l’apparition d’une flèche rouge pour être prêt à photographier. L’objectif à 2 positions : normal (f8 ?) et intense (f16?).


Il est équipé d’un obturateur Fex Indo Secteur à synchronisation coaxiale à deux vitesses et pause B (le P de pause, nous sommes avec un appareil français voyons), un viseur de Galilée, un posemètre à extinction et un astucieux système pour passer du format 6×9 au 6×6.
Revenons un instant sur cet intriguant “posemètre à extinction”.
Depuis les débuts de la photographie, le temps de pose nécessaire pour une exposition correcte de la pellicule/du support était laissé au jugement du photographe, basé sur l’expérimentation et le “pifomètre” plutôt que sur des calculs complexes.
De fait, il était impossible de définir un indice de sensibilité stable tant les supports, artisanaux, avaient des couches sensibles différentes et non normées.
Ce n’est qu’à partir du moment où la fabrication des supports est devenue industrielle que l’on a déterminé des sensibilités reproductibles et stables.
C’est donc à ce moment que l’on a pu inventer des “calculateurs” pour ces fameux temps de pose. D’abord sous forme de réglettes ou de plaquettes, ils mettaient les méninges du photographe à contribution.
Puis virent les “posemètres à extinction”, qui vont remplacer les réglettes et autre plaquette de calcul. Un des premiers fut le Lucimètre de Limenci (1856) : il disposait de 16 trous carrés numérotés et le sujet qui était visible à travers l’un des trous avait un indice d’éclairement donné qui permettait d’ajuster le temps de pose.
Bon, autant dire que c’était du “pifomètre” amélioré.
Attention, nous sommes bien en 1956 et même 1958 (version 8) pour l’appareil qui nous préoccupe aujourd’hui. Et jusque dans les années soixante, le fabricant proposera ce type de posemètre, qu’il dissimulera sous un nid d’abeille, comme les grandes marques.
Les cellules au sélénium étaient connues et utilisées depuis un moment et celles au CdS allaient arriver d’un moment à l’autre.
Ok, le fabricant voulait faire des économies, mais quand même …
Personnellement, je ne vois rien dans la fente minuscule qui sert de fenêtre à la cellule, à part un bandeau noirci par le temps, une mince feuille de plastique et un bout de verre qui sert de cadre. L’appareil aurait-il perdu des morceaux ?

Normalement, dans la petite fenêtre rectangulaire, on observe le sujet à travers un coin de Goldberg (zone transparente dégradée du transparent au noir) sur lequel on lit des indications. La dernière lisible correspond au réglage correct de l’appareil.

Pourtant, il y a une belle idée dans cet appareil, la possibilité de réduire la taille de la chambre pour passer du 6×9 au 6×6.
D’autres (Voigtländer ou Zeiss Ikon, contemporains) utilisaient des cadres amovibles, que la plupart des gens perdaient ensuite. Ici, ce sont deux volets articulés qui se rabattent pour modifier le cadre.
La seule condition est de les mettre en place au moment de l’introduction du film dans la chambre. Avec le 6X9, on tire 8 vues tandis qu’avec le 6X6 on atteint les 12.
Encore une fois, pour des raisons d’économie, le fabricant mettra en place ensuite des cadres amovibles, que les possesseurs de ces appareils perdront bien un jour ou l’autre !



Seconde astuce qui se perdra encore au fil du temps, les couvres-fenêtres, à l’arrière, sont recouvertes d’un mince feuillet de feutre, pour assurer une meilleure étanchéité à la lumière. Ce sont des petites fenêtres en rouge inactinique qui servent aussi de compteur de vue (le numéro des vues est noté sur le papier jaune qui entoure le film 620 et il est visible à travers ces petites ouvertures).



Pour ouvrir l’engin et y placer une pellicule, il suffit d’abaisser deux rails crantés qui sont installés sur chaque tranche et tout le dos de l’appareil se retire. Des rainures assez profondes devraient assurer un bonne étanchéité à la lumière mais j’ai des doutes car les deux parties ne “collent” pas parfaitement l’une à l’autre.


Usure du temps ou assemblage approximatif ? Je penche pour la seconde raison.
L’intérieur de la chambre est floqué noir et le “tube” de l’objectif doit être tiré à fonds pour assurer une bonne étanchéité, grâce à un bord externe qui vient se coller autour de la chambre.




La chambre est arrondie pour assurer une bonne distance sur toute la surface du film et éviter les zones floues sur les bords.

J’évoquais plus haut qu’il fallait utiliser des bobines avec un axe métallique creux. En effet, la seconde molette, sur le capot, ne sert à rien d’autre que fixer la tige et il faut la dévisser totalement pour placer la nouvelle bobine ou l’enlever.


C’est la grande molette qui sert à faire avancer le film. Elle n’arme pas le déclencheur, qui fonctionne toujours (attention aux doubles expositions involontaires, que l’on évite en bloquant le bouton du déclencheur avec un loquet qui se glisse par dessous).

Et puis il y a la griffe porte-accessoires, moulée dans le plastique pour ce modèle. Elle ne possède aucun contact. Il faut donc un flash électronique avec un câble, qui viendra se brancher sur le côté gauche de l’objectif.


Ai-je oublié quelque chose ? Ah oui, le viseur ! Un simple tube de Galilée guère large et qui fait furieusement penser à un long tunnel sombre. Pas pratique du tout.


Une question se pose maintenant : cet appareil a-t-il encore une utilité ?




Franchement, à moins de servir d’objet décoratif, ce qu’il fait très bien à mon avis tout personnel, non.
Pourquoi ? Tout d’abord le film 620 n’existe plus et il faut bricoler une 120 pour une utilisation photographique. Ensuite, les réglages réduits à leurs plus simples expressions, la qualité de l’assemblage, le peu de fiabilité de la cellule, le viseur riquiqui n’en font pas un appareil que l’on a envie d’utiliser.
C’est bien évidemment un avis tout personnel, mais c’est le mien et je le partage !
Quelques curieux téméraires ont essayé et vous pouvez voir le résultat ICI.
Donc, si vous en trouvez un en très bel état, n’ayez pas peur de l’exhiber sur … une étagère, vous aurez de quoi alimenter quelques conversations à son sujet après avoir lu cet article.
Et ne dépensez pas plus de 5€ pour l’acquérir.
Les références : https://collection.click-clack.fr/fex-indo-appareils-photo-elite-fex/, http://fexmania.fr/index.php?/category/136, https://collection.click-clack.fr/fex-indo-appareils-photo-elite-fex/, http://www.appaphot.be/fr/exposure-meters/, https://www.cameraboussat.fr/dossier_collection/cible.php?id=86&marque=Indo, https://www.colleconline.com/fr/items/262537/appareils-photo-camescopes-photos-argentique-fex-indo-elite-version-08, https://collection-appareils.fr/x/html/appareil-6839-Fex%20Indo_Elite.html
J’adore la feutrine dans la chambre d’exposition. Rien de mieux pour tapisser l’interieur de l’appareil de poussière en tout genre….
Et contrairement au Zorki 3M, celui-là n’a pas une bonne bouille !
Cordialement
Ah on ne peux pas penser à tout … à force de vouloir faire des économies de bout de chandelle ! D’accord avec toi en tout cas. Toutes mes amitiés Nicolas.