Le Fujita 66

Voici un appareil singulier, qui a tout de suite retenu mon attention.

Son apparence particulière m’a attiré et souvent, qui dit « apparence particulière », dit aussi histoire à raconter.

Aussi bizarre que cela paraisse cet appareil a été conçu par un allemand, Heinz Kilfitt. Cet ingénieur fut aussi le père du célèbre Berning Robot (1930) et d’un reflex très compact au début des années cinquante, le Mecaflex (fabriqué par Metz Apparatefabik) et de quelques objectifs, ce qui était finalement sa seconde spécialité car il créa la Kilfitt Optische Fabrik à Munich en 1964.

C’est sur base d’un prototype Kilfitt 6×6 et son univers composé d’objectifs différents et interchangeables, qui sera montré lors du « Popular Photography » de 1952, que sera construit, en 1956, le Fujita 66.

Le Fujita 66 est donc un reflex mono objectif, à objectif interchangeable, au format 6×6. Il aura son petit succès car il était une alternative économique à d’autres marques prestigieuses … et chères.

Pour l’anecdote, le modèle original porte son nom en lettres manuscrites sur la plaque signalétique. Plus tard, les lettres seront en majuscules. Cet exemplaire est donc un des premiers.

Cet appareil à l’aspect si particulier fait partie des hommages car il est issu de la collection pour laquelle j’ai écris quelques articles déjà.

Comme il était abordable et de qualité, quelques versions du Fujita 66 fabriquées par Fujita Optical Company ont également été rebaptisées Kalimar Reflex, Kalimar Six Sixty, Soligor 66, Haco 66 et Fodor 66SL. De quoi ravir les collectionneurs.

En fait, dès la fin 1962, Fujita Kogaku a arrêté la production d’appareils photo sous sa propre marque mais a continué à fabriquer les appareils photo de la série Kalimar, du nom de l’importateur américain, qui, comme d’autres, a re-badgé quelques appareils qu’il importait et vendait.

Il est aussi contemporain de l’Exakta 66 et des premiers Hasselblad 1000F. Sa construction est plus simple et pourtant, il ne démérite pas.

Voyons cela de plus près.

Sa taille d’abord, plus proche d’un TLR de style Rolleiflex ou Yashica D que d’un Hasselblad et du Exakta 66.

Sa technique ensuite, résumée ici :

  • Pas de miroir à retour instantané (sauf à la fin sous la dénomination Kalimar Six Sixty)
  • Obturateur à plan focal en tissu relativement silencieux de 1/25s jusqu’au 1/500s
  • Objectifs interchangeables – monture à vis, pas de diaphragme automatique mais à preset
  • Distances focales de 52 mm (la plus large en 1957) jusqu’à 300 mm
  • Pas de chargeurs interchangeables
  • Viseur vertical et écran de visée non interchangeables
  • Verre de visée à écran de Fresnel (clair)
  • Pas de manivelle mais un gros bouton d’armement et d’avance du film

Une petite remarque au sujet du 52mm : il s’agissait à l’époque de l’objectif le plus « grand angle » disponible pour un reflex 6×6.

Trois ans après le célèbre Angénieux Retrofocus 35 mm, le 52 mm Kaligar ouvrant à f3,5 était le premier objectif rétrofocus pour moyen format. En plus de permettre une couverture d’angle plus large dans un reflex, la conception rétrofocus a fourni un meilleur éclairage des coins et a rendu possible des ouvertures plus élevées – et elle a ouvert la voie vers l’avenir, car ce concept allait devenir la base du formidable développement du grand angle au cours des deux prochaines décennies.

Des adaptateurs ont été prévu pour monter le Kaligar 52mm sur le Hasselblad 1000F et cette combinaison objectif/adaptateur est un des articles les plus recherché des collectionneurs.

A l’origine, la gamme d’objectifs accompagnant le boitier sera limitée. Elle s’agrandira avec la production du Kalimar. La monture est donc à vis au standard M44.

Nous avions au début un 52mm ouvrant à f3,5et un 80mm ouvrant à f3,5. Puis est apparu un 150mm ouvrant à f4. Ensuite de nouveau un 80mm mais ouvrant à f2,8. Enfin avec le Kalimar Six Sixty, les objectifs Kalimar 240mm ouvrant à f4,5 et 300mm ouvrant à f5,6.

Si je résume la gamme, nous trouverons :

  • le Fujita 66 (1956),
  • le Fujita 66 ST (1957) aussi appelé HACO 66, Kalimar Reflex, Soligor 66
  • puis le Fujita SL (1958) encore appelé Fodor 66 SL, Kalimar Reflex SL qui apporte une vitesse lente de 1/5s
  • le Fujita SQ qui sera le Kalimar Reflex SQ, un SL qui gagne un miroir à retour instantané (1960)
  • enfin le Kalimar Six Sixty, le seul modèle avec un viseur à prisme interchangeable et un écran de mise au point avec image à coïncidence

Lorsqu’on le prend en mains, sa taille séduit tout d’abord. Ensuite, on relève le capot du viseur et on plonge dedans. Bon, comme d’habitude, il y a une petite loupe et un viseur dit « sportif » si vous ouvrez la trappe du dessus mais c’est dommage de ne pas utiliser le verre de visée.

Si vous examinez l’appareil de face, tout d’abord on voit l’objectif qui, je le rappelle est à viser (monture M44) et dessous le bouton du déclencheur.

Sur la droite, le gros bouton pour faire avancer le film et qui arme l’obturateur. Sur la plaque métallique, vous voyez encore une prise filetée pour un déclencheur à câble et au dessus, le compteur de vue. Notez que les vitesses sont sur le bouton d’armement.

Petite particularité, pour réinitialiser le compteur de vue, il faut faire glisser une petite tirette sous le mot « set ».

Sur le côté gauche, les deux boutons pour libérer les bobines quand on devra changer de film, une griffe pour flash dite « froide » (pas de contact de synchro dessus) et en dessous une prise PC. La synchro flash se règle avec la tirette sous les lettres FP – X.

Le X synchronise le boitier au 1/25s ou sur la pause B. Sur le FP (focal plan), la synchronisation se fait en rapport avec les ampoules utilisées : au 1/100s – 1/200s et 1/500s l’ampoule brûle en 40 milliseconde (ms) ; au 1/50s, elle brûle en 50ms et au 1/25s, en 70ms. Il faut donc, en cas d’utilisation d’anciens flashs à ampoules bien choisir celles-ci.

Par dessous, quatre petits pieds métalliques, un filetage pour un trépied, le gros loquet pour ouvrir le dos du boitier.

Ici pas de plastique, du métal et pour envelopper le tout, un simili-cuir qui comme quasi tous les simili-cuir de ces époques, se fait la malle par endroit.

Nous avons fait le tour de ce reflex pas commun.

Comment fonctionne-t-il ?

Après avoir ouvert le dos avec le gros verrou par dessous, vous installez une bobine de 120 dans la chambre. Vous tournez le film jusqu’aux marques de départ alignées aux points rouges. Refermez le dos et vous faites glissez le curseur qui est sous le mot SET pour que la lettre S apparaisse dans le compteur de vue. Encore un tour jusqu’à ce que ça se bloque sur le numéro 1 qui apparait dans la fenêtre.

Vous ouvrez le viseur pour composer votre image. Le réglage se fait avec la bague des distances de l’objectif jusqu’à ce que l’image soit nette dans le viseur. A défaut, l’objectif porte des marques pour composer son image en zone focus (mise au point pré-réglée selon la profondeur de champ). Vous réglez la vitesse et l’ouverture, puis « clic-clac », l’image est dans la boite !

Comme le miroir n’est pas à retour automatique, il faut attendre un moment avant de pouvoir viser à nouveau à travers le dépoli. En fait, un piston actionné par le déclencheur ramène le miroir à sa place. Ingénieux à défaut d’être rapide.

Que penser de cet appareil ? Si vous désirez sortir des sentiers battus, vous avez trouvé l’appareil qui convient. De plus, il est loin d’être ridicule en termes de qualité. Des auteurs que j’ai pu consulter, ils s’accordent tous à dire que les images produites sont d’excellente qualité.

Revers de la médaille : il n’est pas forcément aisé de trouvé les objectifs si vous voulez agrandir votre parc.

Au niveau prix, comptez entre 250 et 350€ pour un très bel exemplaire avec sa gaine (que je ne vous ai pas montrée ici ayant dû recoller un morceau)

Un peu de technique :

  • Fujita Fujita 66 SL, 1958 par Fujita Optic Co
  • Objectifs interchangeables en monture M44 (filetage) F.C. Fujita f3,5 de 80 mm, Fujita H.C. f3,5 de 52mm (grand angle)
  • Obturateur à plan focal 1/25s à 1/500 s
  • Film rouleau 120 6x6cm
  • Accessoires : un sac toujours prêt

Pour le mode d’emploi, c’est par LA.

Des références : http://camera-wiki.org/wiki/Fujita_66, https://lens-db.com/system/fujita-66-kalimar-reflex/, http://camera-wiki.org/wiki/Kalimar_Six_Sixty, https://vintagecameralab.com/kalimar-reflex/, http://rick_oleson.tripod.com/index-36.html, http://www.novacon.com.br/odditycameras/kilfitt.htm, https://en.wikipedia.org/wiki/Heinz_Kilfitt, https://lens-db.com/camera/fujita-66-st-1956/ en anglais ; http://www.appaphot.be/fr/brands/fujita/fujita-66-st/, en français ; https://www.gigers.com/ernst/ALTEKAMERAS/Fujita66/Fujita.htm, en allemand

Vos commentaires sont les bienvenus, ils aident à faire avancer nos réflexions.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

En savoir plus sur L'Atelier de JP

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading

Aller au contenu principal