Le mot « photographe » est-il devenu un gros mot ?

Dans cette époque où chacun revendique « sa » différence, dans quelque domaine que ce soit, je constate que le mot « photographe » semble assimilé à un gros mot !

Des personnes, qui utilisent cependant un appareil photo, se réclament « artiste à base de lentilles », « créateur d’images », « conteur multimédia » ou « activiste visuel » ! Tout – et n’importe quoi – plutôt que photographe. D’ où ma question …

Petit rappel étymologique du mot photographe : « auteur qui écrit sur la lumière » (définition du CNRTL – https://www.cnrtl.fr/etymologie/photographe) pour aboutir à la production d’une photographie qui est une « technique de représentation de la réalité et de reproduction d’images à l’aide de procédés fondés sur des réactions chimiques à la lumière et de moyens optiques » (définition du CNRTL – https://www.cnrtl.fr/etymologie/photographie).

Même si les capteurs ont remplacé les films argentiques, celui qui, derrière un appareil photo fait apparaître une image, latente ou immédiate, utilise toujours la lumière pour parvenir à ses fins.

Pourquoi ce refus du mot photographe alors ? Peut-être parce que la photo d’aujourd’hui mélange les genres, avec des appareils qui photographient, mais filment aussi, enregistrent du son, communiquent avec d’autres appareils, analysent eux-mêmes le rendu des images, exploitent l’intelligence artificielle (AI)… bref, nos appareils photo deviendraient ils des « smartphoto » comme nos téléphones, qui sont devenus intelligents parce que – à part le café – ils savent tout faire ?

Non, je crains que le propos soit ailleurs, dans ce que je présentais en début d’article comme la revendication de « sa » différence.

Et pour illustrer mon analyse, j’utilise un autre terme qui perd de son aura, celui de photojournaliste. Terme lui-même contraction des mots photographe et journaliste. Le photojournaliste relevait par le biais de la photographie des faits (guerres, faits sociétaux, discrimination, etc.) avec une approche journaliste, c-à-d au plus près de la vérité, qu’il décortiquait, illustrait, rendait visible et construite dans un lieu et un temps pour que le lecteur puisse se faire sa propre opinion, sur base d’éléments les plus objectifs possibles.

Et puis est venu le temps de « raconter » une histoire, en montant la présentation des photographies dans un rythme précis, destiné à faire prendre connaissance des mêmes faits, la subjectivisé du photographe, du rédacteur en chef, de la ligne éditoriale du magazine, du sens de l’opinion publique en plus !

Lorsque vous allez sur le site de Canon, sur celui de Nikon, de Fuji, et des autres, tous vous invitent à raconter « une histoire », la vôtre, celle de ceux que vous rencontrez, celle que vous avez envie de raconter, vraie ou fausse. De fait, la photographie devient illustration d’une histoire, quelle qu’elle soit, pour autant qu’il y ait une histoire !

Et vous, et moi, lecteurs de ces images montées, avons-nous encore le loisir d’exercer notre libre arbitre, notre appréciation propre, notre interprétation devant ces suites d’images, qui nous racontent des histoires ?

Donc, que vous vous sentiez « artiste » illustrateur, « artiste » conteur, « artiste » créateur, « artiste » quelque chose, vous revendiquerez un nouveau mot tel que « artiste à base de lentilles », « créateur d’images », « conteur multimédia » ou « activiste visuel ».

Soit … mais pour bon nombre d’entre nous, et pour moi, tant que vous utiliserez un appareil photo pour illustrer vos différences, vous serez et resterez des photographes, c.-à-d. des auteurs qui écrivent avec la lumière.

Si un jour vous parvenez à raconter vos histoire par tout autre moyen (animation, montage avec des programmes d’infographie, que sais-je), alors vous pourrez revendiquer d’être des « créateurs d’images », des « conteurs multimédia », des « activistes visuels ».

Personnellement, je suis fier d’utiliser le nom de photographe, car je ne renie pas les 180 ans de recherches, de tâtonnements, de découvertes qui ont fait qu’aujourd’hui vous pouvez jongler avec des appareils toujours plus performants et plus métissés que jamais.

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