Le Bilora Bella

Sur un stand de brocante, bien seul, un sac « tout prêt »en plastique gris perle attire mon attention.

Je l’ouvre et découvre un petit appareil simple mais bien construit, un Bilora Bella.

Outre le fait que je vais vous le présenter, je vais aussi tenter de vous prouver que ces appareils sont bien plus intéressants que le Holga, le Diana F et consorts.

Ceux de chez Lomography ne m’en voudront pas car c’est avec ce type de boitier que vous aurez envie d’acheter leurs films thématiques, j’y reviendrai.

Mais commençons par le commencement, la présentation de ce joli petit appareil, que je pensais classer dans les appareils-bijoux mais qui sera mieux dans celle des lomographes.

Il ressemble comme deux gouttes d’eau au Bilora Bella 3c dit « Die blaue Bella », fabriqué de 1955 à 1958 mais y a quelques subtiles différences qui améliorent son confort d’utilisation.

Un peu d’histoire pour situer la marque Bilora.

C’est un fabricant allemand d’accessoires photographiques (des trépied notamment) et d’appareils photo.

Le nom est la contraction de Kürbi & Niggeloh, Radevormwald, société fondée en 1909 qui fabriquait donc des trépieds et qui vient aux appareils photo en 1935.

Leur premier appareil était un « box », le Bilomatic. Mais déjà à l’époque, ils construisent pour d’autres fabricants, comme Voigtländer, avec un Voigtländer Box qui est la copie conforme – à quelques détails esthétiques près – du Box de Bilora.

Après les Box, ce seront quelques boîtes en bakélite (les Boy – 1950), un presque télémétrique (le Radix – 1949), de faux double objectifs (les Bonita 66, qui ressemblent au Kodak Dualflex – 1951), une association avec Agfa-Gevaert pour fabriquer les Gevabox), les premiers Bella qui verront une multitude de versions – 1953 à 1963, puis les Belleluxa – 1961, les Bellina – 1963, pour terminer par les Bilomatic avec des cartouches en 126 (Kodapak) – 1968 – 1975.

La firme a, entre-temps, continué à fabriquer des trépieds et des flashs.

Quant aux appareils photos, soit sous son propre nom, soit pour compte d’autrui, comme – déjà cité – Voigtländer, Geva, ou Ansco, elle a sorti, de 1935 à 1975, date de la fin, quelque chose comme 1 million d’appareils photo.

De nos jours, la marque Bilora existe toujours, notamment, pour ses trépieds, qui ont survécu à tout.

Pour en revenir à notre Bella, plus de vingt versions ont été produites. Je vous recommande l’excellent site www.kameraschaetze.de pour en découvrir toutes les subtilités.

Celui qui nous préoccupe aujourd’hui est un Bilora Bella 46-1 qui date de 1956.

Fabriqué par moulage, l’appareil est destiné à être bon marché mais de qualité. Ici pas de plastique, mais un alliage sans doute d’aluminium. D’aucun dise que la fonderie est grossière; franchement, je ne trouve pas : c’est carré, c’est net, c’est costaud, fait pour durer.

Première particularité, il utilise du film 127 – rassurez-vous, on en trouve encore par exemple chez Retrocamera ou Fotoimpex. Plus petit que le film 120 mais plus grand que le 135, il autorise des formats 4×4 ou 4×6,5, celui du Bella 46-1.

Pour info – ça peut-être utile en cas d’achat – les modèles 44 utilisent aussi du 127 (douze images 4x4cm); les modèles 46 font donc des cadres de 6,5x4cm sur 127, et les modèles 66 prennent des photos 6×6 sur pellicule 120.

Ce n’est pas un télémétrique mais un « point and shot » avec mise au point réglable de 1m à l’infini. Il suffit de tourner la bague au bout de l’objectif pour régler la distance estimée.

Deux ouvertures, f8 et f11, trois vitesses, 1/50 – 1/100 – pause B. Le flash est synchronisé au 1/50s. S’il y a bien une griffe, il faut utiliser un flash avec un câble, que l’on branche sur le côté de l’objectif. Une plaque avec des trous circulaires appropriés vient se placer devant l’axe de l’objectif selon l’ouverture choisie.

L’objectif est un achromat f8 sans traitement de surface.

Sur le dessus , qui traverse le capot, à gauche, une grosse molette en métal strié sert à bobiner le film. Comme souvent, le fait de faire avancer le film à une autre vue n’arme pas le déclencheur. Ici aussi, les doubles impressions seront voulues ou accidentelles mais tout à fait réalisables sans se compliquer la vie.

Pas de compteur de vues, mais une fenêtre rouge au dos (rouge inactinique) pour voir défiler les chiffres des prises de vue. La fenêtre est placée au centre d’un gros verrou, avec une sécurité, qui permet d’ouvrir le dos, tout le dos, qui s’escamote en tirant dessus.

Apparait alors la chambre noire. De profondes rainures laissent penser que l’appareil est bien étanche à la lumière, et la rigueur de l’assemblage me conforte dans cette idée.

Vous pouvez voir à l’intérieur de celle-ci le mécanisme à retour automatique du déclencheur. Puis, de part et d’autre de la chambre, les bobines : à gauche (l’appareil ouvert devant vous) la bobine réceptrice, à droite, le rouleau sur sa bobine. Il n’y a pas de roulettes d’entrainement mais deux espèces de rails, qui servent aussi au verrouillage du loquet de fermeture, qui assurent le trajet de la pellicule. A remarquer que le presse film est incurvé car le plan du film est courbe. En effet, il est plus facile de concevoir un objectif avec un ou deux éléments qui projette l’image sur un plan semi circulaire qu’un qui projette sur un plan droit.

Pourquoi ? Parce que le Bella utilise un objectif avec une lentille à ménisque à un seul élément. Or il est difficile de maintenir la netteté sur un plan film avec un seul élément. En incurvant le plan du film, les bords de l’image resteront à une distance plus proche du centre focal de l’image, améliorant ainsi la netteté.

La chambre et le dos amovible sont peint en noir mat et soit rainuré (près de l’objectif), soit guilloché (le dos) pour éviter tout rebond de lumière à l’intérieur. Bien pensé.

Amusant, une étiquette à l’intérieur nous dit que l’appareil vient du Studio Albert, à Flénu (près de Mons).

Pour caler les bobines, ici pas de plastique comme sur les Diana, Holga et consorts, mais des ressorts en métal, qui tiennent et empêchent le film de bouger dans la chambre.

Un filetage au 1/4 (standard) autorise à monter l’appareil sur un … trépied, Bilora bien sûr !

Le viseur est un simple tunnel, sans aucune indications (cadre, parallaxe, échelle des distances) mais étrangement clair et large.

Enfin, le déclencheur, monté verticalement prés de l’objectif. Il est fileté pour y fixer un éventuel déclencheur souple. Il n’est pas spécialement souple mais il est franc et tombe, finalement, assez bien sous l’index de la main droite.

Un mot d’ailleurs sur la tenue de l’appareil : de part la forme de la chambre, un peu arrondie, il est plus large au milieu que sur les côtés. Ce n’est pas désagréable en soi, juste particulier pour la tenue en mains et il faut un petit temps pour s’y habituer.

Je pense que c’est un appareil avec lequel il faut travailler sans courir, en utilisant le plus possible le préréglage de la distance (d’autant qu’avec les ouvertures de l’objectif, vous avez toutes les chances d’être net au delà du mètre).

Normalement, il devrait y avoir des œillets sur les côtés pour fixer une courroie. Bizarrement, sur mon exemplaire il n’y en a pas et semble ne jamais en avoir eu d’ailleurs. Aurais-je déniché un exemplaire unique ?

Plus réaliste, comme souvent avec ces anciens appareils, de petites modifications en cours de route ajoutent un petit plus au fur et à mesure. Et comme à l’époque il était impensable de se séparer de son « sac tout prêt », c’est lui qui est muni des attaches et de la sangle en plastique, réglable s’il -vous -plait.

Alors, en résumé ? Pour 5€ (je n’ai pas négocié le prix) voilà un appareil tout métallique, dense mais pas lourd, avec autant de réglages qu’un Diana (né presque 10 ans plus tard) mais vachement bien construit, avec lequel vous pourrez aussi faire des surimpressions à gogo mais avec une bien meilleure définition (la lentille est en verre), dont les réglages sont constants et tiennent (vitesses, ouvertures bien crantées).

Et en plus, il est beau (oui, je sais, les goûts et les couleurs …). Plus de soixante ans après sa sortie d’usine, il est toujours parfaitement fonctionnel.

Seul bémol, peut-être, son format de film un peu inhabituel, mais c’est la rançon de sa compacité et – je le redis – on en trouve toujours à la vente.

Source : Retrocamera.be
Source : Fotoimpex.de : la preuve que ça se vend toujours, ils sont en rupture de stock !

Avec son format carré, il va faire des ravages !

Petites videos d’illustration

Un peu de technique :

Fabricant : Bilora
Type : rouleau de film 127
Format négatif : 4 x 6,5
Année de fabrication : 1955 – 1958
Lentille : Achromatique 8/70
Fermeture : par verrou avec sécurité
Appareil photo à viseur sans télémètre, pas de cadre collimaté
Griffe du flash sous la mention « BILORA » avec connecteur PC sur le fut d’objectif pour la synchro (1/50s)
Boîtier : bleu / gris, alliage métallique, bande de cuir synthétique

Quelques exemples de photos prises avec l’appareil ICI

Pour le mode d’emploi, c’est par LA.

Des références : http://camera-wiki.org/wiki/Bilora_Bella, https://www.flickr.com/photos/steevithak/sets/72157615666629829/, https://archive.ph/407Xh, http://cameras.alfredklomp.com/bella/, https://camerapedia.fandom.com/wiki/Bilora_Bella, https://mikeeckman.com/2017/09/bilora-bella-3c-1955/, https://retinarescue.com/bilora_bella.html, en anglais, https://www.collectiongeven.com/piwigo/index.php?/category/740, https://www.collectiongeven.com/piwigo/picture.php?/507/category/740, https://www.collection-appareils.fr/x/html/page_standard.php?id_appareil=502, https://www.collection-appareils.fr/general/html/type_film.php#127 en français, https://www.kameraschaetze.de/bilora/, https://www.kameraschaetze.de/bilora-bella/ en allemand

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