Le Fujica ST 605

Celui-ci ça faisait un moment que je le cherchais et c’est grâce à la collection, qui a fait l’objet d’un article, que j’ai pu l’acquérir.

En fait, si vous vous en souvenez, c’est avec le Canon FTb des parents que j’ai appris à photographier (bon, je sais, ça ne nous rajeunit pas !). Par la suite, et je ne désespère pas de les retrouver dans le capharnaüm du grenier des parents, mon frère et moi avons eu quelques appareils « à nous ». De vénérables petits « pockets » avec cassettes 110 ou 126 et de petits appareils en 24×36.

Mais mon premier « vrai » reflex, ce fut ce Fujica ST 605. Acheté en Andorre à l’époque (1977) parce que les taxes y étant moins élevées, il était abordable pour mes économies que je partageais avec ma Honda SS50 et mon envie de cet appareil photo (et un petit coup de pouce de papa-maman en cadeau).

En plus, comme il possédait une monture à vis (M42, j’y reviendrai), je pouvais, au fil du temps, acheter quelques bons objectifs pour l’accompagner.

C’est aussi avec lui que j’ai fait mes premiers pas dans un labo photo, avec quelques camarades apprentis photographes et scouts pour la plupart. C’est à Monsieur Roland Thys que je dois cet engouement pour la photo, je ne l’en remercierai jamais assez.

Du haut de mes 15 ans, armé de ce Fujica ST 605, avec les autres apprentis, j’ai écumé la région du Centre (La Louvière, Manage et communes avoisinantes) pour de passionnants mini-reportages et quelques concours que nous avons remportés et que seules nos mémoires gardent précieusement en trophées.

Vous l’aurez compris, j’ai retrouvé un bout de mémoire et quelques nostalgies …

Alors, ce Fujica ST 605, que nous propose t’il ?

Il fait suite au ST 601 et il sera suivi d’un ST 605n qui a fait l’objet d’un précédant article. Sorti en 1976, il sera remplacé en 1978. Notez qu’il y aura un Fujica ST 605 II aussi mais réservé au seul marché nippon.

Oh, il n’a rien révolutionné mais il a fait avancer le ST 601 dans la modernité, notamment en passant résolument aux piles alcalines et non plus au mercure, en adaptant, bien évidemment, au passage sa cellule à la nouvelle énergie. Ici il n’est pas besoin de modifier quoique ce soit au niveau tension ou autre. Un bon point.

Par contre il garde la « mesure d’arrêt ». J’explique.

La cellule n’est activée que si vous appuyez sur un bouton en façade, au dessus du levier du retardateur. Il faut donc régler l’ouverture et la vitesse à un moment T, celui de l’appui sur le bouton. Ce n’est pas, comme sur le ST 801 (le haut de gamme), une cellule qui travaille en continu.

De fait, l’appareil fait une mesure pondérée centrale à travers l’objectif (TTL). Deux récepteurs de photocellules en silicium sont couplés à un circuit FET (Fiel Effect Transistor) et transmettent l’information à une aiguille, sur la droite dans le viseur, qu’il faut faire tenir dans le centre de l’échelle pour avoir une exposition correcte.

Voici ce que le constructeur disait de cette cellule :

La sensibilité était courante pour les films de l’époque : de 25 à 3200Iso/Asa. Pour régler celle-ci, il suffit de soulever le barillet des vitesses et de tourner ce dernier jusqu’à la valeur voulue.

Petit aparté utile : Fujica a été un constructeur fécond et il a proposé quelques belles trouvailles dont l’adoption de photodiodes au silicium (SPD) pour le système de mesure TTL du ST701(1971), qui étaient plus sensibles que les cellules CdS (sulfure de cadmium) largement utilisées auparavant, et que d’autres utiliseront ensuite.

Autre chose qu’il a gardé du ST 601, la monture M42, dite « monture universelle » par Pentax, qui l’ a lancée. Ce qui ouvre, comme je le signalais plus haut, une large gamme d’objectifs intéressants et aujourd’hui abordables. Et ne faisons pas l’impasse sur les objectifs Fujinon contemporains, qui couvraient toute la gamme des cailloux disponibles à l’époque, du fish-eye 16mm au téléobjectif 1.000mm. Les optiques Fujinon comptaient parmi celles qui bénéficiaient des meilleures avancées en matière d’optique car la marque Fuji était présente dans l’industrie, le cinéma, la télévision.

Il suffit de tourner l’objectif dans le sens anti horaire pour enlever l’objectif et dans l’autre sens pour le remettre (2 tours et demi sont nécessaires. Ne forcez pas quand il est en bout de course, ça ne sert à rien)

Petit aperçu des objectifs Fujinon :

Et second petit aparté : lorsque Fujica a remplacé son ST 701 par le ST 705 (1977), il a également trouvé un moyen de permettre une mesure à pleine ouverture, une commodité inhabituelle sur un appareil photo reflex à vis. Malheureusement, le ST 605, considéré comme entrée de gamme n’en a pas bénéficié.

D’autres innovations sont à mettre à leur actif, comme le premier constructeur à avoir utilisé un affichage LED dans un viseur (1972, Fujica ST801) et qui sera encore améliorée par un affichage LED de la vitesse dans le viseur (1974, Fujica ST901).

Puisque nous en sommes à la monture M42, revenons un instant sur « la mesure d’arrêt ». Elle était une nécessité de la monture des objectifs à vis (ce fut d’ailleurs la principale raison pour laquelle elle a finalement été universellement abandonnée pour les raccords à baïonnette) et cela signifiait que l’objectif se fermait toujours jusqu’à l’ouverture réglée lors de la lecture de l’exposition. Par conséquent, le viseur s’assombrit progressivement avec les ouvertures plus petites et devient plus difficile à voir, notamment à f/16 et f/22. Heureusement, le viseur du ST605 est assez lumineux au départ et le 55 mm f/2,2 d’origine ne s’arrête qu’à f/16, auquel cas vous pouvez toujours voir clairement ce qui se passe. Bien sûr, en arrêtant l’objectif, vous obtenez un aperçu de la profondeur de champ pour faire bonne mesure. On n’a pas tout perdu …

Pour le reste, le Fujica ST 605 est un appareil tout mécanique, sans fioritures inutiles : du simple, du compact (pour l’époque), du solide.

A titre de comparaison, les concurrents du moment se nommaient Canon AT-1, Nikkormat FT-2, Cosina CS-1 ou Pentax K1000 et MX. Du beau monde, vous en conviendrez.

Fujica que l’on connait encore aujourd’hui, après un passage à vide, s’est largement inspiré du ST 605 pour sa gamme néo-retro.

Décrit comme « remarquable par sa compacité et sa légèreté », le ST 605 fait quand même ses 570 gr nu ou 705 gr avec l’objectif standard Fujinon 55 mm f/2,2. Il serait aujourd’hui considéré comme un poids lourd par rapport à des modèles comme le Fujifilm X-T30 II qui pèse 329 gr nu et le X-T200 faisant pencher la balance à 321 gr tout nu aussi.

Mais revenons à notre Fujica ST 605 car il a une autre particularité : des vitesses qui s’échelonnent de 1/2s à 1/700s. Pourquoi cette vitesse du 1/700s alors que tous les autres étaient au 1/1000s voire plus ? Mystère, je n’ai pas trouvé de réponse à cette question lancinante !

Techniquement, le mécanisme de l’obturateur ne comporte pas d’huile (ils ont utilisé du silicium pour lubrifier), ce qui lui permettait de rester fiable dans les températures extrêmes.

Pourtant, c’est un obturateur à rideau en tissu de soie recouverte de caoutchouc qui se déplace horizontalement qui équipe le ST 605. Alors que la norme sera celle des obturateurs à déplacement vertical et à lames métalliques (plus rapide car le chemin à parcourir est plus court). Un pied dans le passé et l’autre dans l’avenir …

Avec ce type de boitier, on se simplifie la vie. Ce n’est pas moi qui le dit mais le mode d’emploi :

Facile et on peut travailler sans pile à tous les coups !

L’appareil bénéficie d’une griffe flash avec synchro au centre et une prise PC, pour les flashs plus anciens. La synchronisation est au 1/60s.

C’est vraiment ce que j’appelle communément un appareil école : vous faites la mise au point, vous réglez la vitesse et/ou l’ouverture fonction des indications de la cellule et vous appuyez sur le déclencheur. C’est dans la boite.

Pour charger une bobine, rien de sorcier : il faut tirer sur la manivelle de rembobinage, ce qui libère le dos sur charnière. Vous glissez le film dans la chambre et tirez sur l’amorce jusqu’à la bobine réceptrice. Vous la glissez dans la fente, armez une ou deux fois en vérifiant que le film est bien engagé dans les dents du cabestan. Refermez le dos et armez encore une ou deux fois. Un point blanc (les chiffres impairs) va apparaître dans la fenêtre du compteur de vue. C’est bon, vous pouvez prendre vos premières photos. Un dernier petit conseil : quand vous avez chargé votre film, faites faire un petit tour à la manivelle de rembobinage dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, ça tend bien le film (sans forcer, hein !).

Et lorsque vous serez arrivé à la dernière vue, pour sortir le film, il faut appuyer sur le petit bouton en dessous (sur la semelle), dégager la manivelle (sans tirer sur le barillet vers le haut surtout pour ne pas ouvrir le dos intempestivement) et tourner celle-ci dans le sens de la flèche. Lorsqu’elle tourne sans résistance, c’est que toute la pellicule est revenue dans la bobine, vous pouvez ouvrir. Le compteur de vue se remet à zéro automatiquement.

Soyons de bons comptes, vous ferez pas mal d’essais/erreurs mais vous apprendrez à maitriser tous les paramètres du triangle d’exposition avec lui et ça vous servira aussi avec votre numérique, ou d’autres vieux argentiques.

Ce petit éclaté, issu du mode d’emploi, vous montre bien la simplicité de l’engin :

Le viseur ne vous donnera pas pléthore d’informations, juste une échelle pour la cellule, sur la droite et c’est tout. Mais en son centre, un stignomètre à coïncidence et un dépoli très fin vous aide efficacement lors des prises de vue. Le cadre est d’ailleurs assez lumineux pour ce type d’appareil (il couvre 92% de la surface).

J’ai signalé au début de cet article que l’appareil avait le bon goût de fonctionner avec des piles « modernes », c’est-à-dire des alcalines et non plus de celles au mercure. Comme je le précisais, c’est un grand avantage car il ne faut pas modifier quoique ce soit, la cellule donnera des indications justes avec deux LR44 classiques.

Tiens, et si vous voulez vérifier que celles-ci sont toujours bonnes, petite gymnastique pour le contrôle :

Remarquez qu’il est fait mention de « pile rechargeable » ! Ne vous y trompez pas, la traduction nous égare car ils veulent dire si les piles sont mal introduites dans l’appareil (chargée dans …) il faut les recharger (dans le bon sens) dedans !

Tant qu’à explorer ce vieux mode d’emploi et comme je le signale souvent, à l’époque il faisait dans le sobre et l’efficace. Petit exemple pour l’explication de la profondeur de champ (parfois un cauchemar pour les néophytes) :

Ai-je oublié quelque chose ? Ah oui, le boitier est équipé d’un retardateur de +/- 10 secondes. Pour l’enclencher, il faut abaisser le levier complètement vers le bas puis appuyez sur le minuscule bouton argenté en dessous pour le libérer. Notez qu’on peut l’armer avant ou après avoir armé l’appareil mais si vous appuyez sur le déclencheur, la photo sera prise.

Voilà donc un petit appareil sympathique et plein de nostalgie pour moi. Pour l’époque, il pouvait étonnamment être accessoirisé de multiples façons, en voici un aperçu.

Les Fujica ont souvent été les parents pauvres de l’époque, parce qu’ils n’ont pas développé de gamme professionnelle en 24×36, contrairement à leurs concurrents de l’époque (Canon, Nikon, Pentax, Minolta par exemple). De nos jours, en tout cas pour les plus jeunes qui ne connaissent que les productions modernes, c’est un peu comme si la marque était « nouvelle ». Or Fuji a un beau passé dans l’histoire de la photographie, par ses appareils et sa production de film, qui ont souvent été des précurseurs innovants.

Reste que ce déficit de connaissances font que les Fujica, sauf peut-être les AX, sont moins côtés que d’autres boitiers de la même époque. Et c’est tout bénéfice pour vous qui en chercheriez un. Pour 50€ vous devriez pouvoir vous offrir celui-ci avec un Fujinon 50mm f1,4.

Et il vous restera assez de sous pour une lanière dans le ton de l’époque (je n’ai pas résisté pour le mien) et quelques boites de film.

Soyez raisonnable, faites-vous plaisir, le Fujica ST 605 ne demande qu’à sortir en balade.

Si vous voulez voir ce que peut délivrer cet appareils, quelques exemples ICI, LA et LA car je n’ai pas encore retrouvé nos diapositives familiales et je ne suis pas certain de leur état.

Des videos d’illustration :

Pour le mode d’emploi, c’est par ICI.

Un peu de technique :

Monture d’objectif M42
Mise au point manuelle via un télémètre à image divisée et un dépoli à microprisme fin.
Contrôle de l’exposition par mesure TTL avec moyenne complète à l’aide d’une photodiode au silicium « bleue » (SPD) couplée à un FET (Field Effect Transistor). Comptage d’arrêt. Plage de mesure = EV 3,3-17,6 (ISO 100, f/1,4).
Obturateur à plan focal à commande mécanique, déplacement horizontal, rideaux en tissu, de 1/2s à 1/700s seconde plus « B ». Synchronisation du flash jusqu’à 1/60s.
Deux piles bouton de 1,5 volts (type SR/LR44).
Dimensions : 133x86x50mm (boitier).
Poids : 570g (boitier nu sans piles)

Des références : http://www.alexluyckx.com/blog/2019/01/28/camera-review-blog-no-101-fujica-st605/, https://web.archive.org/web/20211113223657/https://www.beautycameras.com/fujica-st605, https://www.digitalcameraworld.com/reviews/fujica-st605-review, http://camera-wiki.org/wiki/Fujica_ST605, en anglais ; https://www.guidafotousato.com/4-STORIA_MARCHE/imm-fujica/00_FUJICA-new.htm, en italien ; https://alibi5753.blogspot.com/2018/09/fujica-st605.html, en japonais

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