« Q » l’a mis dans la dotation des espions de sa Majesté, le Minox LX

Il y a quelques temps, je vous ai présenté le Minox B, un des appareils préférés des gens de l’ombre, produit pendant une période propice, celle de la « guerre froide ».

Mais des guerres, physiques, entre pays ou économiques, dans l’ombre, il y en a toujours et donc le célèbre Minox, s’il a évolué, était toujours en service. Evolué parce que celui que je vous présente aujourd’hui date de 1978 et il fut produit jusqu’en 1996.

Il apparut à la Photokina de Cologne quarante an après la sortie de son célèbre aïeul, le Minox Riga (ou Riga tout cours d’ailleurs).

Pour mémoire, la série des Minox sub miniatures :

  • le Riga (1938 – 1943) – créé et produit en Lettonie, d’où son nom, tout en acier (130gr)
  • le Minox A (1948 -1969), produit à Wetzlar, le premier en aluminium (70gr)
  • le Minox B (1958 – 1972), le premier à intégrer une cellule au sélénium (Goosens), réglage de la vitesse semi automatique (92gr)
  • le Minox C (1969 – 1978), celui-ci possède maintenant une cellule CdS et devient automatique à priorité ouverture, pile obligatoire
  • le Minox BL (1972 – 1973), un modèle B avec une cellule CdS, modèle hybride mécanique semi automatique
  • le Minox LX (1978 – 1996), qui conserve une esthétique classique mais profondément repensé au niveau ergonomie et commandes. Comme ses frères TLX (1998, en titane) et CLX (2000,chromé), il embarque de l’électronique pour alimenter une cellule SBC, pile obligatoire
  • Le Minox EC/ECX (depuis 1981) : rompt complètement avec la tradition car il est en plastique et fix-focus. Le ECX voit juste son électronique améliorée.
  • le Minox AX (depuis 1992) : c’est un encore un modèle hybride, mécanique comme le modèle A mais possédant une ergonomie de type LX. C’est plutôt un modèle créé pour les collectionneurs/investisseurs car il ne fut produit qu’à très peu d’exemplaires en éditions prestigieuses aux prix inversement proportionnels à sa taille.
  • Le Minox MX (depuis 1999) : Ce modèle rompt avec la tradition esthétique qui a prévalu jusque là.. D’abord il est en matériaux synthétiques et ne pèse que 56 grammes mais on ne l’arme plus en faisant coulisser les 2 parties de l’appareil mais bien en tournant une molette sur le dessus de l’appareil.
  • Enfin, tant qu’à se fourvoyer jusqu’au bout, Minox a sorti un Minox DCS, numérique (3,2 Mpx), impropre à la photographie de document avec une distance de mise au point de 1m et hors de notre propos argentique

Le Minox LX est un peu plus grand (110 x 27 x 15) que le Minox B et Bl mais plus court que le Minox C (120x27x15) mais comme le C, il ne peut pas fonctionner sans pile, une PX 27A de 6v. (ou, si vous n’en avez pas sous la main, 3 LR44 et 1 LR43, ça fonctionne parfaitement).

Surtout, il présente un look complètement différent des molettes de réglage et du déclencheur, trois LED font leur apparition sur le dessus et, si ça ne se voit pas, son obturateur est différent et atteint maintenant les 1/2000s, en plus d’un réglage spécial de la vitesse du flash. Le réglage des Iso est maintenant sous l’appareil. Il n’a plus qu’un seul filtre intégré (le gris neutre) mais vous pouvez l’attacher à un trépied standard. Enfin la chaine sert toujours à mesurer les distances pour les copies de document mais elle se fixe dans l’écrou du trépied. Ces changements rendent les habituels accessoires inutilisables sur ce modèle.

Au petit jeu des différences … ici le Minox B

 

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et là, le Minox LX (source : Cryptomuseum)

Les numéros de série commencent à 2500001 et il en fut produit environ 37 000 exemplaires jusqu’en 1995, auquel il faut ajouter les 5000 TLX produit jusqu’en 2003.

C’est l’appareil le plus longtemps fabriqué par Minox si l’on tient compte donc de la production du TLX car il fut produit de 1978 à 2003.

C’est vraiment peu par rapport aux 384.328 Minox B sortis entre 1958 et 1972.

Les ventes étaient faibles (ben oui, y a pas tant d’espions riches en circulation), mais la version LX noire a boosté (un peu) celles-ci. La production a cessé en 1986. Quoiqu’une édition limitée Gold Selection-LX de 1987/88, a relancé l’intérêt aux États-Unis, qui se sont aussi entichés de la version LX anodisé noir, ce qui a conduit à ré-ouvrir la production et à des prix … gonflés. En 1994, les LX noirs n’étaient plus disponibles. D’autres éditions limitées comme le Platine, l’Or et l’Argent Sterling ont aussi vu le jour mais à des prix indécents.

Comme vous le remarquez sur l’illustration ci-dessus, il y a trois diodes, qui sont de couleurs différentes. La jaune indique les vitesses lentes (inférieures au 1/30) et le risque de flou ; la rouge indique la surexposition et incite le photographe à utiliser le filtre gris interne afin de réduire la luminosité. La diode verte ne s’allume que lors du contrôle de la batterie. Ces trois diodes ne s’allument pas d’office, il faut actionner, en avant ou en arrière, le petit curseur qui se trouve près de la molette de sélection des vitesses.

Le Minox LX est un condensé de technologie, voyons plutôt :

  • objectif 15 mm f / 3,5
  • mise au point de 20 cm l’infini
  • le viseur se déplace légèrement pour compenser les erreurs de parallaxe (idéal pour photographier des documents)
  • posemètre électronique à cellule bleue silicium (SBC) intégré et couplé à un obturateur électronique
  • automatique à la priorité ouverture de 1/2000 s à la pause B
  • exposition manuelle de 1/2000 s à 1/30s
  • table de profondeur de champ minimaliste signalée par 2 point noirs de chaque côté du trait indiquant la distance de mise au point
  • appareil automatique lorsque vous réglez le cadran d’exposition sur A
  • 3 LED vert – jaune – rouge : interrupteur vers le haut, voyant vert allumé = batterie ok; interrupteur vers le bas pour le test d’exposition – jaune = vitesse sous 1/30s; rouge = surexposition
  • filtre gris neutre intégré

Mais au delà des performances techniques, le Minox fait partie d’un mythe, ou de fantasmes : les secrets des grands de ce monde, leurs bassesses aussi révélées par des personnes dont l’invisibilité est le gage de leur sécurité. Même s’il y eut des « célébrités » dans le monde de l’espionnage, elles ne furent déclarées qu’après une capture


Un bon exemple de l’utilisation du Minox C dans l’espionnage est le « Walker Spy Ring », dirigé par l’adjudant-chef de l’US Navy John Anthony Walker de 1967 à 1985. Walker avait proposé d’espionner pour l’Union soviétique (URSS) lorsqu’il avait fait l’expérience de problèmes financiers après une série de faillites d’entreprises.

Pendant les 17 années où lui et son réseau d’espionnage (qui comprenait son fils Michael, son frère Arthur et le premier maître Jerry Whitworth) ont travaillé pour les Russes, il leur a fourni les clés de plusieurs systèmes de chiffrement, y compris le KL-7, le KL-47 et le KW-7, en échange desquels il a reçu des milliers de dollars. On pense que cela a permis aux Russes de déchiffrer au moins un million de documents secrets.

Les Russes ont également donné à Walker une caméra Minox C pour copier des documents secrets et chiffrer le matériel. En fait, Walker a tellement utilisé cette caméra qu’elle finit par s’user. Après son arrestation en 1985, il a montré au FBI comment il utilisait le Minox C et sa chaîne de mesure pour photographier des documents.

La Belgique ne fut pas épargnée : Le colonel belge Guy Binet (1934-2000), également connu sous le nom de Colonel rouge, transmettait des documents confidentiels de l’OTAN au GRU russe depuis plus de deux ans avant d’être arrêté. En sa possession, la police a trouvé un récepteur Sony ICF-2001D, une caméra Minox EC et plusieurs tables de chiffrement OTP.

Guy Binet (1934-2000), a été recruté en 1986 par le service de renseignement militaire soviétique, le GRU. Lors de la première rencontre à Vienne avec son maître, le général Glazkov du GRU, il a reçu une caméra espion Minox EC.

Il a utilisé l’appareil photo pour photographier des documents secrets de l’OTAN et a livré les films aux Soviétiques à Vienne en janvier 1987. La même semaine, il a été formé au déchiffrement de messages radio secrets. Il a également reçu une importante somme d’argent et a été chargé d’acheter un Sony ICF-2001D (un récepteur radio très performant) à son retour en Belgique. Tous les deuxièmes et quatrièmes mardis de chaque mois, le colonel Binet devait écouter les messages codés qui étaient transmis par les stations à numéros mystérieux sur les bandes radio SW.

Malheureusement pour lui, l’agence américaine de renseignement (CIA) avait photographié sa première rencontre avec Glaskov à Vienne et prévenu ses collègues belges du SDRA, après quoi il a été arrêté. À ce moment-là cependant, Binet espionnait pour les Soviétiques depuis plus de deux ans. Il est alors devenu connu comme le « Colonel Rouge » et a finalement été condamné à 20 ans de travaux forcés et la dégradation militaire. Après 5 ans de prison, il a été libéré sur parole et est décédé en juillet 2000.

Source : Cryptomuseum

Mais revenons à des usages plus pacifiques. Des Clubs existent un peu partout, un des plus actif étant allemand (minoxclub.de), qui rassemblent des férus de ces minuscules appareils, chercheurs et collectionneurs pointus, qui livrent des conseils pour éviter les faux (éh oui, ici aussi), les arnaques, les guides de prix, etc.

Bref, tout un petit monde gravite encore autour d’un si petit appareil photo.

Car on viendrait vite à l’oublier mais à l’origine, le Minox a été inventé par Walter Zapp pour offrir un appareil photo de haute qualité et éminemment portable. Il était donc prévu pour photographier tout ce que l’on capture habituellement avec un appareil « classique ». Mais, justement, c’est sa petite taille et sa capacité à être dissimulé aisément qui en ont fait un appareil retenu par les agents de l’ombre.

Ironie de l’histoire, cet appareil fut pensé par un allemand habitant la Lettonie et les premiers boitiers furent fabriqués sous contrôle russe, puis allemand pendant l’occupation, à nouveau sous contrôle russe juste après la guerre pour revenir en Allemagne enfin. Et tant les Russes que les Américains, les Allemands, les Français, les Anglais ont utilisé ces appareils tellement commodes à dissimuler.

Et aujourd’hui, qu’en est il ?

Les Minox sont d’abord des objets de collection, surtout les modèles les plus rares, comme pour tout appareil photographique ayant fait sa niche dans l’Histoire.

Les progrès immenses de la miniaturisation électronique le ferait presque passer pour un dinosaure mais il est toujours fonctionnel : cet appareil a été fabriqué pour durer et il est solide.

Mais cet appareil garde un atout : la qualité de son objectif, excellent à courte distance, toujours très bon même réglé sur l’infini.

Pour vous en convaincre, voyez les images prises par le MinoxClub.de. C’est étonnant, non ?

Une remarque toutefois, la qualité des photos est meilleure avec des films en N/B, plus fins dans les détails que les films couleurs.

-« Oui bon, mais, et les films, le développement ?…. »

Figurez-vous que le film dit Minox (8×11 mm) est toujours disponible, notamment chez Fotoimpex, qui offre un service unique : vous achetez un « pack » contenant le film, son développement, une planche contact, le scannage du film et le tirage des photos en 10×13 : facile !

Sinon, vous pouvez toujours investir dans une cuve de développement spécial Minox et vous enfermer dans la salle de bain …

la cuve de développement, le thermomètre dédiéenviron 190€ sur Ebay

J’ai eu la chance de pouvoir acheter à un prix très raisonnable un LX en excellent état. Il ne lui manque que sa chainette. Par un autre hasard, j’ai trouvé dans une caisse d’un lot d’articles photographiques deux films Minox couleurs, dont un toujours dans sa petite boîte.

J’ai donc mis celui qui n’était pas emballé (un couleur 200 Asa 36 pauses) et j’ai glissé le Minox dans la poche, ayant termine le film 110 qui était dans l’Agfamatic 5008 qui m’accompagnait depuis quelques semaines.

Franchement, avoir ce genre d’appareil au creux de la main est une expérience. Bien qu’il soit minuscule, il est parfaitement utilisable car tout tombe bien sous les doigts. Le viseur est clair et bien défini. Contrairement aux Kodak ou Agfamatic, le fait de l’armer en tirant/poussant les deux parties du boitier est quasiment silencieux. Le déclencheur est inaudible (ce serait un comble !) et extrêmement sensible.

En le comparant au Minox B que je vous avais présenté, il a l’immense avantage d’une cellule intégrée et couplée (sur le B, il faut régler en fonction de celle-ci l’ouverture). Mais il a un gros désavantage, il ne peut fonctionner sans piles.

Il me reste à sortir et à l’essayer …

S’il vous prenait l’envie d’en acquérir un, comparez et prenez votre temps. Les noirs, s’ils sont très beaux, sont hors de prix et les faux pullulent, tout comme les séries spéciales en platine, or ou argent … ces « fioritures » ne modifient pas la capacité de prendre des photos du modèle de base, pensez-y

Pour vous donner une idée de prix, un LX classique se négocie autour des 180€, un noir autour des 450€, un gold est aux environs de 900€, un platine atteint les 1200€ (prix moyens rencontrés sur Ebay), sans parler des séries spéciales qui atteignent des sommets himalayens.

Une video d’illustration

Pour le mode d’emploi, c’est par ICI et le manuel d’utilisation plus complet est LA

Et s’il vous prenait l’envie de développer vous-même vos films

Des références : https://cryptomuseum.com/covert/camera/minox/lx/index.htm, http://www.submin.com/8×11/manuals/minox/, http://www.minox.org/, http://www.submin.com/8×11/collection/minox/cameras/lx.htm, http://inventorspot.com/articles/minox_history_spy_camera en anglais, http://www.collection-appareils.fr/x/html/page_standard.php?id_appareil=2344, https://fr.wikipedia.org/wiki/Minox en français, http://minoxclub.de/uebersicht-minox-8×11-kameras/ en allemand

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