Le Zeiss Ikon 521/2 ou Zeiss Ikon Ikonta C 521/2

Préambule :

Sans doute la première brocante extérieure de 2024. Il fait frais, le temps est incertain mais il ne pleut pas, la météo ne prévoit d’ouvrir les vannes qu’en milieu d’après-midi. N’empêche, on se dépêche, les prévisions ne sont pas toujours fiables …

S’il y a pléthore de vêtements d’hiver, de ceux pour enfants, de jouets, pas grand chose à me mettre sous les yeux au point de vue appareils photos. Sauf des Kodak Instamatic, des Agfa du même tonneau, des Click et des Clack, des box moisis comme leurs boîtes en cuir, … bref, rien de réjouissant.

Et puis, au détour d’un amas hétéroclite d’objets, un étui, dont le chapeau manque, retient mon attention. Je l’ouvre et je trouve là un Zeiss Ikon qui m’a l’air propre.

Petite manipulation pour voir s’il s’ouvre, si le soufflet n’est pas moisi, s’il déclenche à quelques vitesses, si l’objectif bouge : ça à l’air bon. Petite négociation sur le prix et hop, dans le sac à dos, où, pour une fois, il est bien seul.

Finalement, à l’issue de quelques kilomètres de pas lents et la visite des presque 500 exposants courageux, un seul autre appareil ira le rejoindre, un VTech Kidizoom, car je compte bien initier mes petites filles à la photo, doucement.

Un peu d’histoire :

Mais revenons à notre ancêtre, ce fameux Zeiss Ikon Ikonta C 521/2 de son petit nom complet.

Je vous ai déjà présenté plusieurs Zeiss Ikon de la gamme Ikonta : le B 521/16, le Super 531/2, le 522/24, le M par exemple.

Sans refaire toute l’histoire (que vous trouverez dans les articles cités plus haut), il faut retenir que la gamme Ikonta est toujours de meilleure qualité que les autres produits Zeiss Ikon, comme le Nettar par exemple. Attention, ça ne veut pas dire que ceux-là sont mauvais, mais ils ont reçu moins d’expertise dans leur fabrication car ils étaient destinés à être des entrées de gamme (et des entrée de gamme de cette qualité, on en redemande !).

Pour résumer, les Zeiss Ikon Ikonta ont commencé leur carrière en 1929. Ils étaient proposés en 4 modèles : A, B, C et D. les trois premiers utilisaient du film 120 pour produire, respectivement des négatifs qu format 6×4,5, 6X6 et 6×9. Le D proposait un format plus grand sur des filsm en 116 ou 616 oubliés depuis belle lurette. Il y eut même un « Baby Ikonta » qui utilisait du film 127, assez proche du 24×36.

La première série de ces appareils était marquée 520 et tant qu’à compliquer les choses les Ikonta A, B et C se notaient 520, 520/16 et 520/2.

Puis, vers 1938, apparaissent les 521 : ils gagnent un déclencheur sur le boitier et non plus sur le combiné objectif/obturateur et un dispositif pour éviter la double exposition. Ces 521 ne concernent que les modèles A, B et C.

1950 voit venir les 523 pour les modèles B et C. Esthétiquement ils gagnent un capot chromé avec un viseur intégré ainsi qu’une griffe porte-accessoires.

Puis viendra la série des 524 qui apporte un télémètre non couplé, les fameux Ikonta M pour « Mess », abréviation de télémètre en allemand.

Ce seront les derniers Ikonta à soufflet.

Comme souvent à l’époque, il existait une large gamme d’objectifs et d’obturateurs qui modifiait le prix de vente en conséquence de l’équipement retenu.

Pour le format 6×6 la distance focale retenue était le 75mm tandis que pour le 6×9, c’était le 105mm.

Les objectifs étaient soit des Novar soit un Tessar. Si les premiers offraient des ouvertures de f6,3 (abandonné après la série des 520), f4,5 ou f3,5, le dernier offrait un f3,5. Les Novar étaient sous-traités chez Rodenstock ou Steinheil alors que le Tessar étaient fabriqués par Zeiss. Les premiers étaient des triplet alors que le Tessar comptait 4 éléments. Il va sans dire que ce dernier était rare sur les Ikonta ou Mess Ikonta, la marque les réservant aux Super Ikonta, le haut de gamme.

Quoique dans l’immédiat après-guerre, vous pourriez trouver des Zeiss Ikon Ikonta équipés de Scheinder Xenar, mais c’est anecdotique.

Ensuite vient la gamme des obturateurs. Le plus simple, qui était sur les premiers modèles, c’est le Klio à trois vitesses. Ensuite il y eut des Vario (3 vitesses et pose B), des Pronto (4 vitesses et poses T et B), les Prontor-S, SV, SVS (8 vitesses), les Compur (8 vitesses plus pose T et B), les Compur Rapid (9 vitesses plus pose T et B) et enfin les Synchro-Compur 1-MX (9 vitesses et pose B) et Synchro Compur (10 vitesses et pose B).

Si vous avez suivi, vous savez maintenant que les Super Ikonta recevront d’office le Tessar et le meilleur obturateur du moment de fabrication. Le client pouvait commander un Novar à la place du Tessar mais il recevait quand même d’office le meilleur obturateur.

Donc, si sur une brocante un vide-grenier « qui a été voir sur Internet » le prix de l’appareil qu’il veut vous vendre cher parce que c’est un Zeiss Ikon, vérifiez le type d’objectif et d’obturateur montés dessus car c’est eux qui feront la valeur réelle de l’appareil. Un Zeiss Ikon Super Ikonta équipé d’un Tessar vaut toujours plus qu’un équipé d’un Novar (ne vous inquiétez pas ici de l’obturateur, ce sera toujours le meilleur de l’époque).

La majorité des objectifs, aussi bons soient-ils, sont sensibles au reflets et au flare car ils ne sont pas traités. Ils ne le seront qu’après la seconde guerre mondiale.

De même, les obturateurs n’étaient pas synchronisés pour les flashs avant guerre. Il faudra attendre les Compur Rapid-X et suivants pour en bénéficier.

Présentation du Zeiss Ikon Ikonta C 521/2 :

L’appareil que j’ai déniché est un Zeiss Ikon Ikonta C 521/2 d’après guerre (1949) car il est équipé d’un objectif Novar de 105mm ouvrant à f4,5 et d’un obturateur Prontor-S équipé d’un retardateur et d’une synchro flash grâce à un soquet placé sur l’obturateur. Pour être complet, la production de ce modèle avait commencé en 1938 et interrompue pour cause de guerre.

Il est équipé d’un système qui évite la double exposition … en principe.

Tout noir avec de beaux chromes, il faut avouer que s’il fait daté, il reste un bel appareil.

Avec ses 680 gr tout nu, il offre une bonne sensation en mains. Ici, pas de plastique, rien que du bon métal et du cuir pour le soufflet, garanti pour durer 100 ans (si conservé dans de bonnes conditions, s’entend).

Lorsque vous le sortez de sa gaine en cuir épais, il apparait comme un gros rectangle assez plat. Une pression sur un bouton rond, sur le dessus, libère le soufflet, qui se déplie, parfois avec un peu d’aide (il a 75 ans quand même).

Il faut veiller à ce que ce dernier soit complètement déplié et que l’objectif soit bien droit (on doit entendre un petit « clic » discret quand c’est fait).

Pour le replier, ne jamais forcer mais appuyer sur les deux barres noires vers le bas pour les déverrouiller.

Première remarque : on peut tenir le boitier verticalement (portrait) ou horizontalement (paysage). Attention, si vous vous en souvenez, c’est un 6x9cm. Un format idéal pour les groupes !

Personnellement, je trouve moins facile de le tenir horizontalement car la porte s’ouvre vers la gauche et même si elle offre une prise, on a tendance, si on n’y fait pas attention, à poser les doigts de la main gauche (qui soutiennent) dans le soufflet. Il faut un peu s’entrainer à les poser sur le combiné objectif/obturateur. En position verticale, la position est plus naturelle car la porte repose alors confortablement sur la main gauche mais alors le déclencheur, situé sur le capot, est moins accessible, sauf si vous l’actionnez avec le pouce gauche.

Bref, il faut s’habituer à la manutention de ce type d’appareil.

Ensuite, comme pour répondre à ces questions existentielles, il est équipé de deux pas de vis pour le monter sur un trépied : un en dessous et l’autre sur la porte.

Reste encore à apprendre à viser son sujet. Vous le ferez avec le cadre qui se déploie sur le capot, en deux parties dont l’une équipée d’un simple verre et l’autre d’un verre concave pour donner la distance du 105mm (marquage repris sur le viseur). C’est rudimentaire mais efficace pour cadrer.

Une seconde option était d’opter pour un viseur dit « clair » que l’on fixait sur le dessus du combiné objectif/obturateur (dans le support avec les deux rivets chromés). Personnellement, je trouve le premier système plus évident pour le cadrage et la visée.

Avant d’entamer la partie prise de vue, un mot sur le chargement de l’appareil.

L’opération est plus aisée si le soufflet est fermé, on tient mieux l’appareil en mains. Sur la tranche, sous la petite lanière de portage, il y a un verrou, en fait un bouton qu’il faut pousser dans le sens indiqué par une flèche. Tout le dos s’ouvre alors et tourne sur une solide charnière, vers la gauche, et découvre la chambre, qui parait immense (9x6cm quand même !).

Pour y glisser une bobine de film 120, il faut abaisser une fine plaque métallique, celle qui porte deux ronds chromés, afin de dégager les tenons qui assureront la tenue de la bobine dans l’axe (ici on est loin, par exemple, des plastiques fragiles d’un Diana). Vous introduisez la languette du film dans la bobine réceptrice, placée à droite, armez et déclenchez jusqu’à ce qu’une marque (généralement un trait épais) apparaisse sur le papier jaune du film. Il est temps de refermer le dos de l’appareil. Encore un ou deux déclenchements pour voir apparaitre dans la petite fenêtre rouge, au dos, le chiffre un. Vous êtes prêt pour votre première photographie.

Il est temps d’aborder la partie réglage.

Détaillons le combiné objectif/obturateur : vu du dessus, vous avez d’abord le premier cercle, qui est celui de l’objectif qui tourne à partir de la distance minimum, soit 1,5m, jusque l’infini. Un petit tenon empêche l’objectif de tourner librement autour de son axe.

Second cercle, une roue dentelée, qui est celle des vitesses. Elles s’échelonnent de 1s à 1/250s, plus une pause B.

Enfin, troisième cercle, l’ouverture qui se règle avec un curseur qui glisse de f4,5 à f 32.

Vous aurez remarqué que les vitesses sont reportées sur le cercle des ouvertures. Elles correspondent, dans le sens de la lecture, du haut, aux vitesses de la roue crénelée, qui se lit de face.

Toujours sur le pourtour du combiné, le socket de la synchro flash et, en dessous, en rouge, la tirette du retardateur (+/- 12 secondes). Ne jamais armer le retardateur si l’obturateur ne l’est pas au risque de tout bloquer.

Et puisque je parle de l’obturateur, il faut l’armer avec la tirette située entre la roue crénelée des vitesses et celle des ouvertures.

Lorsque celui-ci est armé, vous pouvez appuyer sur le déclencheur situé sur le capot et déclencher.

Pour avancer d’une vue, il faut tourner le levier en forme de demi clé située juste à côté, à gauche. Dès que c’est fait, le mécanisme empêchant la double exposition est actif et vous pouvez armer de nouveau l’obturateur pour prendre une nouvelle photo, sans risque.

Toutefois, si vous regardez bien comment s’agence l’armement, vous voyez, sur la droite (vu de face) de l’objectif un long bras chromé, qui repose sur un levier noir.

Armez l’obturateur, sans manœuvrer le bouton d’avance du film, et appuyez sur ce levier noir : l’appareil déclenche. Voilà la manière de contourner le dispositif qui empêche la surexposition volontaire.

Petite astuce qui fait partie des classiques chez Zeiss Ikon : les points rouges.

J’explique : sur la couronne des ouvertures et sur celle des distances, vous verrez deux points rouges. Si vous les faites coïncider pour une vitesse donnée, vous serez net, avec une exposition correcte.

Conclusion :

Que penser de ce bel appareil ?

Il est plus encombrant qu’un Zeiss Ikon Nettar ou M, à cause de son format (6x9cm) mais de peu. Et de toute manière, refermé, il tient vraiment peu de place. Vous ne le glisserez pas dans la poche d’un Jean’s mais un petit sac fera l’affaire, à moins que vous n’utilisiez le « sac tout prêt » en cuir livré avec l’exemplaire que vous aurez trouvé.

Celui que j’ai trouvé est hélas incomplet car il lui manque le chapeau mais les lanières sont intactes, le plus important en somme.

Question prix, comptez environ 50€ pour un exemplaire en très bon état. S’il était équipé d’un Tessar, ajoutez 30€ de plus. Mais, franchement, la qualité du Novar est déjà bluffante pour un appareil de cet âge. Juste faire attention aux reflets car même s’il est traité, nous étions au début des traitements anti-reflets.

Si vous voulez tenter le moyen format sans vous ruiner ni vous encombrer d’un gros appareil, voilà un excellent modèle, qui vous offrira 8 photos sur un film de 120, mais quelles photos : elles sont plus de trois fois plus grandes que celles d’un film 24×36 !

Envie de voir ce que donne en photos ce type d’appareil, c’est par ICI ou par LA.

Pour le mode d’emploi, c’est LA-BAS.

Quelques videos d’illustration (les manipulations y sont bien explicitées) :

Des références : http://www.alexluyckx.com/blog/2020/12/07/camera-review-blog-no-126-zeiss-ikon-ikonta-521/, https://vintagecamealab.com/zeiss-ikon-ikonta-521/,http://camera-wiki.org/wiki/Ikonta_521/2, https://thenoisyshutter.com/2022/06/23/classic-camera-review-zeiss-ikon-ikonta-521/, https://emulsive.org/reviews/camera-reviews/zeiss-ikon-camera-reviews/camera-review-my-zeiss-ikon-folders-zeiss-ikon-ikonta-5202-zeiss-ikon-nettar-5152, https://collectiblend.com/Cameras/Zeiss-Ikon/Ikonta-521-2-(Ikonta-C).html, https://camerapedia.fandom.com/wiki/Zeiss_Ikon_Ikonta, https://www.lomography.com/magazine/67655-zeiss-ikon-ikonta-c-521-2-my-golden-oldie en anglais ; https://www.mes-appareils-photos.fr/Zeiss-Ikon-Ikonta-521-2.htm, https://www.collection-appareils.fr/x/html/appareil-12041-Zeiss%20Ikon_Ikonta.html, en français ; http://www.lippisches-kameramuseum.de/Zeiss_Ikon/Zeiss_Ikon_Ikonta_A_521.htm, en allemand

2 commentaires sur “Le Zeiss Ikon 521/2 ou Zeiss Ikon Ikonta C 521/2

  1. Bonjour JP. K arrête les achats car j ai pléthore de foldings. Le 6×9 c est bien si on scanne ou si on développe par contact. Sinon les agrandisseurs qui passent ce Format ne sont pas légion. Et puis c est les mêmes proportions que le 24×36, on ne gagne que sur le grain plus fin. Je préfère le 6×6 et plus encore le 6×4.5 pas si facile à trouver. A noter dans ce format le demaria Lapierre dehel également.

    • Bonjour Daniel, hihihi … je te comprends, mais aussi j’arrête … demain ;-). J’ai vu un article sur le Demaria-Lapierre car j’ai trouvé en brocante un combo objectif/obturateur de cette marque. Peut-être un jour si je trouve le reste de l’appareil. Bien cordialement.

Vos commentaires sont les bienvenus, ils aident à faire avancer nos réflexions.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

En savoir plus sur L'Atelier de JP

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading

Aller au contenu principal