Le Canon Prima Sol

Celui-ci ça fait un moment que je le cherchais et c’est grâce à une charmante dame qui se défait lentement de la riche collection de son mari que j’ai pu l’acquérir.

Il est tout beau, tout propre, avec sa petite pochette en satin gris.

Mais que je vous explique mon intérêt pour ce petit compact original.

Alors comme d’habitude, faisons le tour des dénominations utilisées : il s’appelle Autoboy SE au Japon, Sure Shot Delsol en Amérique du Nord et Prima Sol en Europe

C’est un compact de la gamme Prima, un des bestseller de Canon dans les années nonante.

Lorsqu’on le voit pour la première fois, fermé, on doute : radio de poche, chargeur de piles ? Et puis il y a le mot Canon sur le devant, qui devrait nous mettre sur la piste …

Car ce qui intrigue, c’est ce panneau solaire sur le devant.

« Non, ils ont osé mettre un panneau solaire sur un appareil photo ? »

Eh oui, il s’agit même du premier appareil photo au monde à utiliser exclusivement l’énergie solaire pour ses besoins de fonctionnement !

Oui, vous avez bien compris : voici le premier appareil photo qui n’utilise que l’énergie solaire pour charger des batteries internes grâce à des cellules photoélectriques haute performance situées sur sa face avant.

Ah, j’entends déjà quelques personnes qui se récrient : le premier appareil a énergie solaire est le Ricoh XR-S de 1981.

Source : The Chens. On voit bien les cellules solaires sur les 2 côtés du prisme

Et bien non car si le XR-S avait un panneau solaire de chaque côté du prisme, ils ne faisaient que compléter l’alimentation du circuit de mesure et ils n’alimentaient pas l’ensemble de la caméra comme sur le Prima Sol. De plus, si le soleil faisait grise mine, le posemètre disposait d’une source d’alimentation de secours de 1,5 volts via une SR44/LR44, contrairement au Prima Sol qui n’est alimenté que par la batterie chargée par le panneau solaire.

La batterie solaire amorphe (source d’alimentation principale) et une batterie lithium-ion (source d’alimentation secondaire) fonctionnent en tandem. Le soleil fournit toute la puissance nécessaire au système AF, à l’obturateur électromagnétique programmé, au flash intégré et au transport du film. Une caméra écologique avec un concept de développement futuriste pour l’époque.

C’est en mars 1995 que Canon a sorti cette petite bombe « verte » avant l’heure, car c’est un appareil autonome et conçu pour être peu gourmand en énergie (une recharge solaire de 6h assure l’utilisation de l’appareil avec 5 films de 36 vues).

Pour le reste, il intègre les composants du Prima Mini (Autoboy F ou Sure Shot M), à savoir :

  • Une mise au point entièrement automatique avec un objectif 32 mm f/3,5.
  • Un autofocus intelligent à 3 points
  • Une ouverture et un obturateur à commande électromagnétique.
  • Plusieurs mode flash (automatique, anti-yeux rouges, débrayé)

Son utilisation est des plus facile : tout d’abord éloignez le panneau des cellules solaires en le poussant doucement vers le bas et l’appareil s’allume, l’objectif se déplie. Vous le portez à l’œil et visez à travers un viseur placé au milieu du boitier (couverture de 84% avec un grossissement de 0,32). Au centre, une croix qui est l’indication de l’AF et des lignes de cadre. Une LED verte s’allume lorsque la mise au point est verrouillée sur le sujet. Cette lampe clignote lentement quand on effectue un gros plan et plus rapidement pour signaler un risque de bougé (faible lumière).

Une pression légère sur le gros bouton orange, clic-clac, c’est dans la boîte et l’appareil entraine le film à l’image suivante, assez silencieusement.

Lorsque vous avez fini votre prise de vue, refermez doucement le panneau, l’objectif se rétracte et l’appareil s’éteint.

Comme il est tout automatique, vous vous doutez bien que le nombre de boutons de commande est limité.

De fait, outre le bouton orange du déclencheur, sur le dessus, il y a sur le côté droit (vu de face) deux boutons pour le contrôle du flash (celui du haut le coupe et force le boitier à choisir une vitesse lente qui peut aller jusqu’à 1s) et l’autre active la synchro lente en cas de fill-in (déboucher des ombres).

En dessous de ces boutons, le verrou pour ouvrir la chambre et y placer un film.

Toujours sur la tranche droite (en le regardant de face), vous verrez un gros bouton rouge. Il permet d’activer l’affichage de la charge sur le petit écran LCD qui est sur le devant de l’appareil. Lorsque vous appuyez dessus, vous verrez la silhouette d’une pile, divisée en 4 parties et celle qui est noircie correspond à la charge restante.

Alors je ne sais pas si vous possédez des panneaux solaire chez vous, ou comme moi montés sur un camping car, mais lorsque le soleil brille et les active, ça chauffe.

Canon en était aussi conscient car si vous laissez votre appareil 6 heures en plein soleil, la température interne va vite grimper et risquer d’abimer le boitier. Le panneau des cellules peut se déplacer vers l’avant s’il détecte cette montée de température et s’il ne le fait pas, actionnez le petit bouton sur la tranche gauche, son petit cœur de silicium vous remercie.

Au point de vue qualité des prises de vue, comme avec tous les Prima, l’appareil prend tout en charge et il le fait bien.

Personnellement, j’apprécie particulièrement son objectif plutôt grand angle (32mm).

Mais que penser de ce drôle d’engin ?

C’est peu dire qu’il s’agit d’un boitier original, qui sort des sentiers battus car dans les années nonante, Pentax, Olympus, Minolta par exemple sortaient aussi d’excellents petits compacts. Munir celui-ci d’une technologie particulière était gage d’interpeller le public blasé.

Toutefois, son prix put être un obstacle. En effet, le coût des cellules photovoltaïques était encore important en 1995, tout comme la pile lithium-ion peut courante à l’époque (le classique des rechargeables était le Nickel Cadnium moins performant).

Ensuite, paradoxe du Canon Prima Sol, sa batterie devrait être remplacée après dix ans d’activité ou … d’inactivité. Et là, les ingénieurs n’ont jamais pensé que les clients les remplaceraient eux-même car la pile est soudée.

Appareil écologique doté de l’obsolescence programmée ? Un comble, non.

Mais les férus de ces vieux machins ont plus d’un tour dans leur sac et si celui que vous avez trouvé, ou que vous possédez, est en panne de batterie, allez voir sur le site de Mike Eckman, il vous explique comment remplacer celle-ci.

Je l’ai emporté avec nous lors de vacances familiales, pour le tester. Je n’ai pas terminé encore le film malheureusement. Mais de cette courte expérience d’utilisation, que retenir ?

L’appareil est très plaisant à utiliser, très facile à manipuler. Pourtant, second paradoxe de celui-ci, le fait de devoir ouvrir le panneau avant de prendre une photo n’est pas un geste très naturel ni discret, et le laisser ouvert augmente le risque de l’heurter et le casser. Mais le plus perturbant est que finalement un compact, on le met dans un petit sac, une grande poche, voire on le porte autour du cou (la dragonne est assez longue). Dans ce dernier cas, il va faire le plein de soleil, sinon il faudra le ressortir pour le placer sous la lumière.

Rappelez-vous, il n’y a pas de piles de secours en cas de décharge.

Personnellement, ça ne m’a pas posé problème, le portant justement autour du cou ou le déposant (sous bonne garde) sur une table voire un accoudoir à une terrasse.

Mais je le remiserai pour les mois d’automne et hiver, le plaçant parfois sous une bonne source lumineuse pour entretenir sa batterie.

Ce n’est pas un appareil courant et il est même assez rare à trouver. Son prix s’en ressent : un bel exemplaire fonctionnel se négocie encore autour des 100€.

Si vous êtes curieux et que vous avez la chance d’en trouver un, n’hésitez pas, au delà du gadget du panneau solaire, c’est un excellent petit appareil photo.

Pour des exemples de photos prises avec cet appareil, c’est par LA.

Video d’illustration :

Un peu de technique :

  • Objectif 32 mm f/3,5 avec 3 éléments répartis en 3 groupes.
  • Autofocus intelligent à 3 points de 45 cm à l’infini.
  • Exposition automatique avec des vitesses d’obturation allant de 2 s à 1/250 s.
  • Plusieurs modes de flash, dont réduction des yeux rouges, suppression et synchronisation lente.
  • Chargement automatique, décodage DX, avance et rembobinage du film 35 mm.
  • Posemètre : cellule en silicium, AE entièrement programmé
  • Alimentation : pile au lithium-ion rechargeable 3 V CR-123A et panneau solaire amorphe en tandem
  • Dimensions et poids : 124x67x46 mm, 260g

Des références : http://camera-wiki.org/wiki/Canon_Sure_Shot_Del_Sol/Prima_Sol/Autoboy_SE, https://global.canon/en/c-museum/product/film178.html, https://mikeeckman.com/2019/06/canon-sure-shot-del-sol-1995/ en anglais; https://www.collection-appareils.fr/x/html/appareil-10087-Canon_Prima%20Sol.html, en français

2 commentaires sur “Le Canon Prima Sol

  1. Belle découverte, je n’ai jamais vu cet appareil et je trouve le concept très intéressant et en avance sur son temps. Du coup je me mets en chasse pour en trouver un 👍

    • Bonsoir Marc,
      Ah, presque deux siècles d’histoire de la photographie nous réservent encore de belles découvertes ! Pas facile à trouver à prix raisonnable, il est pourtant très attachant. Bonne chance dans tes recherches. Bien amicalement.

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