Connaissez-vous le 3D Magic d’ImageTech ?

Là, vous êtes en train de vous dire « il peut pas descendre plus bas, sinon il va trouver du pétrole ! »

Eh bien, détrompez-vous, je vous emmène au pays merveilleux de la stéréoscopie.

-« la quoi ? »

La stéréoscopie ou la possibilité de visionner vos images en 3 dimensions ou autrement dit, de donner l’impression de relief à des images planes.

Mais commençons par un peu d’anatomie : nos deux yeux sont séparés d’environ 65mm et chaque œil voit une image légèrement différente. Vous pouvez le vérifier en mettant votre doigt entre vos yeux et le paysage. Regardez ce paysage en fermant un œil après l’autre. Vous aurez l’impression que votre doigt bouge:

Images vues alternativement par l'oeil gauche puis par l'oeil droit

Ces deux images sont transférées au cerveau, qui en « fabrique » une troisième en relief :

Vision de
l’objet par
l’œil gauche
Vision de
l’objet par
l’œil droit
Objet reconstitué
en relief par
le cerveau
Utilisez des lunettes anaglyphiques pour voir cette image en relief

Donc pour faire de la photographie en relief, il suffit de prendre deux photos légèrement différentes. Chaque œil regarde l’image qui lui correspond et le cerveau reconstitue le relief.

La stéréoscopie, c’est une vieille histoire : déjà au 3ème siècle avant JC, le Grec Euclide définissait le principe de la vision en relief  » Το να βλέπεις ανάγλυφα σημαίνει να λαμβάνεις με κάθε μάτι την ταυτόχρονη εντύπωση δύο διαφορετικών εικόνων του ίδιου θέματος. »

… hihihi, c’est pour le fun, j’ai fait latin-sciences, pas latin-grec ! Donc en français ça donne « Voir le relief, c’est recevoir au moyen de chaque œil l’impression simultanée de deux images dissemblables du même sujet ».

Notre bon vieux touche-à-tout de Vinci peaufine la définition de la chose en 1489 mais semble-t’il sans la mettre en application.

Au XVIème siècle, Giovanni Battista Della Porta et Jacopo Chimenti réalisent une série de dessins, légèrement décalés, qui permettent une vision en stéréo, même si on ignore s’ils les ont réalisés dans ce but.

Mais c’est en 1838 que l’Anglais Charles Wheatstone fait breveter le premier stéréoscope, un appareil muni de deux miroirs dans lesquels on observe les images placées aux extrémités du dispositif..

Stéréoscope de Wheatstone

Grâce aux progrès de Daguerre (en France) et Fox Talbot (en Angleterre), qui mettent au point les procédés photographiques, Wheatstone envisage d’utiliser non plus des dessins mais des photos « en relief », qu’il visionnera avec son stéréoscope.

Il faudra encore attendre que David Brewster (Angleterre) invente un nouveau stéréoscope à lentilles (1849), qui sera fabriqué par Jules Duboscq (France) pour que le procédé prenne son envol.

Ce qui sera fait grâce à la présentation de l’invention lors de l’Exposition Universelles à Londres en 1851. La Reine Victoria, en s’y intéressant, lancera la mode qui voudra que dans les salons « chics » des appareils de plus en plus luxueux distraient le bon peuple, … heu, plutôt l’aristocratie et la haute bourgeoisie qui en a les moyens.

Tout et n’importe quoi peut être présenté au procédé de stéréoscopie : paysages, humains, animaux, évènements, …

Pour vous donner une idée de l’ampleur du phénomène, en 1862 le principal distributeur de plaques stéréoscopiques en vend plus d’un million !

Il faudra attendre 1893 pour voir apparaître le premier appareil photo stéréoscopique rechargeable en plein jour, c’est-à-dire qui photographie avec ce léger décalage indispensable pour voir apparaître le phénomène, le bien nommé Vérascope (Jules Richard).

source : https://www.auvieuxformat.com/verascope/

Puis, Oskar Barnak étant passé par là, le film 35mm devint aussi le support privilégié des stéréoscopes. Par exemple, le Stereo Realist fut vendu à plus de 100.000 exemplaires peu avant la première guerre mondiale

source : https://en.wikipedia.org/wiki/Stereo_Realist
https://i0.wp.com/www.coup-de-vieux.fr/wp-content/uploads/2012/08/view-master.jpg?w=640&ssl=1

Disque View-Master

Visionneuse View-Master

Ce fut un succès qui devint anecdotique au fur et à mesure, sauf avec le View-Master que nous avons tous connus et qui nous faisait voyager dans les parcs animaliers, les musées, les grandes villes du monde, …

De nos jours, avec un peu de chance, vous en trouverez dans les brocantes, avec les disques d’illustrations.

Ceci dit, la stéréoscopie est toujours utilisée en milieu professionnel, comme la cartographie (c’est ce système qui permet de définir les courbes de dénivellations), la NASA pour la cartographie de la lune, mars et le soleil.

Expédition Mars Pathfinder, 1997
source : http://www.stereoscopie.eu/ – avec le sigle ci-dessous vous pouvez regarder l’image avec des lunettes anaglyphiques (un verre rouge, un verre vert)Utilisez des lunettes anaglyphiques pour voir ces images en relief

La disparition progressive de l’argentique a fait décliner le procédé, qui n’est pas mort puisque vous le voyez régulièrement revenir sur … le grand écran de votre cinéma. Rappelez-vous le film AVATAR.

De nombreux appareils photos ont précédés celui que je vous propose aujourd’hui. Je vous invite à les découvrir sur le site http://www.stereoscopie.eu/. Résumons en disant qu’il y en eu avec des plaques de toutes les dimensions, puis avec le film 35mm, dans lequel on obtenait 26 couples stéréoscopiques 24x24mm, 20 couples en 24x30mm ou 18 couples en 24x36mm

Notons qu’en 1980, la marque Nimslo sortait un appareil qui prenait 4 photos en même temps, au format 24x24mm. Les images devaient être traitées dans un labo spécialisé qui les découpait en lamelles verticales, qui fixait celles-ci dans un ordre précis et qui les collait ensuite avec un réseau lenticulaire sur la nouvelle photo. Ces lentilles permettaient de restituer le relief sans avoir besoin d’autres accessoires.

Malheureusement, le peu de labo équipés a fait rapidement chuter l’intérêt de cette méthode.

Et lorsque dans les années nonante ImageTech se met en tête de produire un appareil stéréoscopique sur le même principe (avec 3 objectifs au lieu de 4), dont un jetable, il subit le même sort que le précédant.

Cela le rend-t’il inutilisable ?

Franchement, je n’en sais rien mais il semble possible de se procurer les réseaux sur Internet et de faire soi-même les images … à tester donc, pour la beauté du geste car l’appareil n’a rien d’extraordinaire, sauf ses trois objectifs !

Au fait, c’est quoi un réseau lenticulaire ?

C’est un écran de plastique constitué d’une série de lentilles rondes ou longitudinales, fixé sur une série de photos qui ont été spécialement développées. Il permet de voir le relief sans utiliser de lunettes ou autres visionneuses.

Si vous vous en souvenez (enfin, ceux qui ont plus de vingt ans), dans les années septante et quatre-vingt, il était possible de trouver des cartes postales fabriquées avec ce système et qui donnait l’impression de relief de certains endroits touristiques qui s’y prêtaient.

De nos jours, il n’y a plus que lors d’expositions ou sur des supports publicitaires que l’on trouve ces réseaux. Mais il serait possible de faire soi-même ses propres impressions en achetant des plaques lenticulaires et en utilisant les logiciels adéquats..

Je vais aller à la pêche …

Mais comment monte t’on des photographies en relief ?

Toutes les explications suivantes sont issues de http://www.stereoscopie.eu/expo1/Conf1.pdf

Il est impératif de monter les photographies en 3D afin que notre cerveau n’ait pas trop à « travailler » au risque de nous donner des maux de tête !

Alignement vertical : Il faut impérativement qu’il soit au même niveau et droit sur les images gauche et droite :

Différences de dimensions : Ce défaut peut être dû à une focale différente entre deux appareils ou deux prises de vues, ou à une distance différente « appareil/sujet photographié » lors d’une prise de vue en deux temps :

Différences trapézoïdales : Ce défaut peut être dû à un déplacement entre l’appareil et le sujet photographié lors d’une prise de vue en deux temps :

Différences d’expositions : Il ne doit pas y avoir de différences d’expositions entre les images gauche et droite :

Alignement horizontal : Cet alignement permet de choisir quels points seront en avant, en arrière ou au niveau de l’écran et c’est ce que nous appelons « la fenêtre stéréoscopique » :


1) La distance « bord de l’image/maison » est la même sur les images gauche et
droite, donc la maison se trouve au niveau de l’écran et l’arbre en avant :

2) La distance « bord de l’image/arbre » est la même sur les images gauche et
droite, donc l’arbre se trouve au niveau de l’écran et la maison en arrière :

Peut on rattraper ces « problèmes » ?

Oui, grâce à un logiciel de montage, le « StereoPhoto Maker » (téléchargeable gratuitement à l’adresse Internet : http://stereo.jpn.org).

Ce logiciel permet de rattraper tous les défauts énumérés ci-dessus, et bien plus encore.

Alors, vous pensez encore que ce jetable est un « banal » appareil à jeter ?

Hormis qu’il fut fabriqué sans doute en 1996, il est chargé d’un film en 400 Iso, traitement C41 (couleurs) de 16 vues et il convient de se mettre entre 1,2 m et 2,4m pour prendre la photo.

Mais en fouillant bien sur la Grande Toile, j’ai trouvé les « spécifications techniques » de l’engin :

Caméra stéréo lenticulaire avec viseur 35 mm
Fabricant 3D Image Technology, Inc., P.O. Box 4300, Norcross, Géorgie 30091-4300, États-Unis
Année d’introduction 1996
Cartouche de film 135
Dimensions 143 x 70 x 38 mm (L x H x P)
Poids 168 grammes
Séparation de l’objectif 18,50 mm, 37,00 mm
Format d’image 17,30 x 23,80 mm (L x H)
Séparation de la fenêtre d’image 18,60 mm, 37,20 mm
Verres en plastique, 1:9,5/27 mm
Diaphragmes fixés à f/9,5
Mise au point fixe, 1,2 m à l’infini
Obturateur mécanique de type guillotine derrière les lentilles. Armé avec transport de film
Vitesses d’obturation fixes à 1/100 sec.
Viseur Newton (environ 0,6x)
Manuel de transport de film, avec molette par 12 trous d’entraînement (= 57,00 mm), roues d’entraînement en haut et en bas.
Film négatif 400 ASA / 27° DIN

Le plus fort de cette histoire c’est que si la société n’existe plus, il serait toujours possible de faire développer les films aux adresses reprises ici : https://www.stereoscopy.com/faq/lenticularprocessing.html.

Je vais essayer, on ne sait jamais, et ça m’évitera sans doute des maux de tête avec un logiciel, des réseaux lenticulaires, etc.

En, tout cas, si vous voulez en savoir plus, le site https://www.stereoscopy.com/ me semble incontournable en termes de ressources sur la photographie en 3D.

La source des explications sur la stéréoscopie vient du site http://www.stereoscopie.eu/ que je vous invite à visiter si vous voulez en savoir plus sur ce sujet passionnant et étonnant

Quelques références (si, si, j’en ai trouvé ….) : https://www.flickr.com/groups/1264001@N23/discuss/72157623607038206/, https://obscure-cameras.blogspot.com/2010/07/review-imagetech-3d-fx.html, https://www.lomography.it/magazine/27228-imagetech-3d-fx-three-eyed-alien-mutant-camera, https://www.flickr.com/groups/multilens/discuss/72157623607012734/, https://www.stereoscopy.com/cameras/it-fx.html, https://www.stereoscopy.com/faq/lenticularprocessing.html en anglais, http://www.stereoscopie.eu/expo1/Conf1.pdf, https://www.collectiongeven.com/piwigo/picture.php?/1639/category/817, http://www.stereoscopie.eu/ en français.

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