Le Mamiya M 645 Super

C’est en discutant avec Fred, d’Histoire de Photos, que je me suis aperçu que si j’avais déjà évoqué cet appareil, je n’avais pas été très prolixe à son sujet.

Je vais donc remédier à cette lacune car l’engin vaut le déplacement.

Celui-ci vient d’un photographe de portrait, qui me l’a cédé parce que j’allais le respecter et ne pas le laisser trainer au fonds d’une armoire.

Et je vous avoue que ce serait dommage, l’engin est certes costaud mais en plus sa cote monte, monte … (là, on flirte avec les 1000€ tout de même).

Mais commençons par la présentation dudit Mamiya M 645 Super.

Vous vous en doutez, le chiffre « 645 » désigne le format, le 6×4,5. C’est donc un appareil dit « moyen format », qui utilise le film 120.

Cet appareil fait partie d’un « système », en l’occurrence, un corps sur lequel on vient greffer les outils dont on a besoin : des objectifs différents selon les usages, des viseurs, des dépolis, des cellules, … bref tout ce dont le photographe pro (ou l’amateur éclairé et un peu fortuné) va tirer le meilleur.

Ça, c’est juste pour vous donner une idée de ce qu’est un « system » vu par Mamiya

Une petite remarque en passant :

1.Corps de l’appareil, 2. Objectifs, 3.Verres de visée, 4. Poignée moteur, 5. Levier d’armement, 6. Viseur à prisme avec photomètre, 7. Viseur à prisme, 8. Viseur de poitrine, 9. Dos pour bobine 120 chargé avec un film X, 10. Dos pour bobine 120 chargé avec un film Y, 11. Dos pour bobine 220, dos pour film 35mm, dos pour film Polaroid, dos digital (seulement pour des modèles plus récents), etc., 12. Adaptateur pour déclencheur souple

Mais reprenons le fil. Trois générations de Mamiya 645 se sont succédées : les argentiques à mise au point manuelle de la première génération, ceux de la seconde et puis les appareils argentiques à mise au point automatique (autofocus).

Les premiers, appelés Mamiya 645, sont au nombre de 7 et ils peuvent interchanger leurs objectifs, les inserts de film, les viseurs. Cette génération sera fabriquée de 1975 à 1987.

Elle permet de faire 15 photos au format 6×4,5 sur un film standard de 120.

Techniquement, le boitier utilise un obturateur à plan focal en tissu, à commande électronique, qui offre des vitesses de 8 s à 1/500s. On peut verrouiller le miroir et on peut sélectionner la multi-exposition.

Petite particularité de ces modèles, on peut précharger les films dans des cartouches mais on ne peut pas les interchanger en cours de prise de vues.

Au niveau des viseurs, il existe un viseur dit « de taille » (celui où on regarde de haut comme avec les Mamiya C330 pour rester dans la marque) et un pentaprisme plus trois viseurs à prisme comportant une cellule avec visée TTL.

L’objectif standard est le 80mm f2,8C ou le 70mm f2,8C ou encore, plus rare, le 80mm f1,9C.

Ensuite, le Mamiya M 645 1000s sera fabriqué lui de 1976 à 1990. Le « 1000s » signale que ce boitier peut atteindre le 1/1000s. Il bénéficie aussi d’un retardateur et d’un levier pour la prévisualisation de la profondeur de champ.

Puis, le Mamiya M 645 J sera fabriqué de 1979 à 1982. C’est une version simplifiée du M 645 : on a retiré le verrouillage du miroir et le second bouton d’obturation

Ensuite vient la seconde génération, fabriquée de 1985 à 1993. C’est le Mamiya M 645 Super, qui est un nouvel appareil, avec une coque en plastique sur cadre en métal moulé.

Au niveau des caractéristiques, elles sont semblables à celles du M 645 1000s mais cette fois, il bénéficie d’un dos de film amovible, qui permet, si besoin, d’interrompre un film en cours de route.

Vous vous en doutez, qui dit nouvel appareil dit malheureusement incompatibilité avec la génération précédente pour leurs accessoires respectifs (une « erreur » souvent commise par Mamiya, qui avait déjà fait le coup avec ses 24×36).

L’objectif standard est ici le 80mm f2,8N, le 80mm f1,9C (en début de production) puis f1,9N (en fin).

Viendront ensuite, en troisième génération, le Mamiya 645 Pro (1993 – 1998) qui gagne un retardateur et dont le style est moins anguleux. Il pouvait utiliser les objectifs du précédent (ah, là ils ont compris).

Le Mamiya 645 Pro TL (1997 – 2006) est identique au précédent bien qu’il gagne une mesure flash à travers les objectifs, qui restent ceux des précédents boitiers.

Le petit dernier sera le Mamiya 645E (2000), un « entrée de gamme » basé sur le 645 Pro mais sans dos interchangeables, ni viseurs mais il gagne un posemètre intégré dans le viseur. Il utilise toujours les objectifs en N.

Pour en terminer avec la liste des appareils, la dernière génération sera munie d’un autofocus. Elle se nomme Mamiya 645 AF, 645 DF et finalement, Phase One 645 DF.

Si vous voulez en savoir plus je vous renvoie sur le site de Wikipedia, qui en fait une liste exhaustive (voir dans les références ci-dessous).

Mais revenons à notre Mamiya M 645 Super du jour.

Sauf à être costaud, ne comptez pas trop vous balader en rue avec lui, il fait son poids et plus encore selon les accessoires que vous allez lui adjoindre (1.858gr pour cet exemplaire avec un objectif, le viseur prisme et la poignée électrique).

Il est plutôt à l’aise sur un trépied (votre dos vous dit merci), en studio ou en photo de paysage, où il excelle.

Si vous avez encore en tête l’image du « system » (voir plus haut), vous aurez découvert une multitude d’accessoires, dont des viseurs de forme et taille différentes.

Sans entrer dans toutes les subtilités de la chose, résumons en disant qu’il existe un viseur appelé WLF N (viseur à la taille, c.-à-d. qu’on regarde par au-dessus, comme les TLR de type Rolleiflex – notez le « N » qui le destine bien à cette gamme, comme les objectifs) et les prismes, qui ont le grand avantage (pour moi) de remettre l’image dans le bon sens et de permettre une visée directe (comme avec un reflex classique).

En portrait, la visée à hauteur de taille est moins confortable car l’appareil est « horizontal » (6×4,5 et non 4,5×6) par contre, il allège singulièrement le poids de l’ensemble (pas de lourd prisme en verre).

Le « PF N » pour « prism finder N » est le prisme sans cellule, le plus simple. Il vous faudra alors penser à prendre une cellule à main.

Puis il y a celui avec une cellule intégrée, comme sur mon exemplaire, le « Prism Finder AE N ». Son intérêt est d’embarquer la cellule avec l’appareil.

Comme je le faisais remarquer ici plus haut, il y a quelques objectifs intéressants, que vous pouvez compléter, par exemple, par des tubes qui vous permettrons de vous rapprocher de vos sujets si vous estimez la distance trop lointaine, les tubes dits d’extensions.

Selon plusieurs auteurs, qui ont utilisé ou utilisent encore cet appareil, voici la liste des meilleurs objectifs :

  • Mamiya 55 mm f2.8 N – objectif standard pour une vue plus large
  • Mamiya 70mm f2.8 N – objectif avec obturateur à feuilles (objectif spécialisé pour les photos au flash)
  • Mamiya 80mm f1.9 C – l’objectif le plus rapide de la gamme et le meilleur bokeh !
  • Mamiya 80mm f2.8 N – objectif de kit standard (net et compact)
  • Mamiya 110 mm f2.8 N – objectif net, idéal pour les portraits serrés

Mais ce qui fait la particularité et l’avantage de ce modèle, c’est la possibilité – enfin diront certains – de pouvoir changer de film en cours de route, si besoin.

Utile notamment en reportage de mariage car cela permet de disposer, p. ex. de dos chargés avec des films de sensibilités différentes selon les endroits de prises de vue, ou de film N/B et couleur selon l’envie et/ou les besoins.

Venons-en aux questions pratiques pour se lancer dans l’utilisation de ce bel appareil.

Tout d’abord, ne pas oublier d’y placer une pile, une 4LR44 de 6v. Petit détail en passant : prenez le temps de replacer le commutateur sur le trait rouge (hors tension) sous peine de vider la pile rapidement lorsque vous n’utilisez pas le boitier.

Ce bouton, électro-magnétique, ne fonctionne que si donc il y a une pile dans l’appareil. Il est à « deux étages » : positionné sur le carré blanc, la première pression allume l’affichage relatif à la mesure si vous avez un prisme muni d’une cellule, la seconde déclenche l’obturateur.

Si vous ne possédez pas ce prisme, placez le sélecteur toujours sur le point blanc , pour pouvoir utiliser toutes les vitesses.

Et si les piles sont plates, même en plein travail, ce qui bloque l’appareil, mettez le sélecteur sur le point jaune, vous pourrez alors déclenchez au 1/60s, la vitesse mécanique.

Ensuite, il faut bien penser que si vous pouvez changer de film en cours de route il y aura des sécurités pour éviter tout accident. La première et la plus évidente est cette plaque métallique que vous devrez glisser impérativement entre le boitier et le magasin avant d’ôter celui-ci. N’allez pas la perdre, ce serait une catastrophe. Pour éviter cet ennui, Mamiya a prévu une encoche au dos du magasin pour l’y glisser et ne pas l’oublier.

Si un jour, après avoir armé, vous n’arrivez pas à déclencher, regardez donc si vous n’avez pas oublié de la retirer. Ou si vous désirez retirer le magasin et que cela semble bloqué, c’est que vous avez omis de la remettre en place.

En résumé :

Je ne vais pas vous faire le coup d’éplucher page par page le mode d’emploi car vous le trouverez ICI (simplifié) en français et LA en anglais (complet).

Sous ces dehors sérieux, cet appareil autorise les multi expositions. Il suffit de faire pivoter le levier du boitier ou glisser celui de la poignée.

Juste encore vous dire que c’est un bel appareil, plus moderne que le Zenza Bronica S2 que je vous avais présenté il y a un moment et plus modulaire que le Kiev 88 dont je vous parlerai bientôt.

« Mais me direz-vous, qui va se servir d’un tel appareil ? »

Les portraitistes vont l’adorer, tout comme les paysagistes, c’est là que ce type de boitier est à son avantage.

Il sera plus à l’aise sur un trépied même si son poids conséquent n’est pas si excessif que sa forme laisse penser. Mais cela dépend évidemment des accessoires dont vous l’aurez affublé, selon vos besoins.

D’autant qu’avec un prisme comme celui des photos, c’est un régal pour viser. La cellule intégrée n’est pas obligatoire, surtout en studio me semble-t-il où la lumière s’étudie mieux avec une cellule indépendante. Ni la poignée d’entrainement, qui offre un certain confort mais est un peu bruyante et qui alourdit le boitier (6 piles d’1,5v).

Pourtant, vous le savez, il n’y a pas de règle que l’on ne puisse transgresser pour essayer autre chose et donc rien ne vous empêche de le sortir dans la rue. Il vous sera sans doute reconnaissant de lui faire prendre un peu l’air ! Mais vous ne passerez pas inaperçu …

Maintenant, soyons raisonnable, ce n’est pas un boitier qui aime être bousculé, il n’a pas été conçu pour ça. Ensuite, ce genre d’appareil demande de prendre son temps pour composer son image et, rappelez-vous, il utilise du film en bobine de 120, donc c’est 15 photos maximum avec une bobine. Ou 20 avec un film de 220 (on peut mettre les deux). Voilà pourquoi on y réfléchit.

Mais le résultat est là, avec un grand négatif qui autorise les agrandissements sans perte de qualité. Et quand je vois le prix des moyens formats numériques (le ticket d’entrée tourne autour des 5000€, boitier nu !), je me dis qu’il y a là moyen de se faire plaisir à coût raisonnable (enfin, tout est relatif, il faut quand même débourser près de 900€ pour un appareil complet, c’est-à-dire la chambre, un dos, un viseur et un objectif).

Qui a dit : « quand on aime, on ne compte pas » ? C’est en tout cas une possibilité d’entrer dans un monde différent à un prix encore raisonnable, qui vous fera peut-être faire le pas ensuite vers une formule numérique, après l’avoir testé et vu si le format correspond à votre manière de travailler.

Videos guide rapide et d’illustration

Des références : https://en.wikipedia.org/wiki/Mamiya_645, https://mrleica.com/mamiya-645-super/, https://beyondtheaperture.com/2020/07/review-mamiya-645-1000s-medium-format-film-camera/, https://www.benjaminfavrat.com/analog-photo-blog/review-mamiya-645-super en anglais ; https://app-phot-col.com/mdpe_deta_5.php?numephot=0&dn=1&numero=1659&marque=MAMIYA&modele=645%20Super&ty=M, https://www.ledauphin.org/post/2017/02/25/Mamiya-M645-Super.html en français

6 commentaires sur “Le Mamiya M 645 Super

  1. Bonjour JP. Pour l’avoir utilisé en condition réelle lors d’un shooting pro, je peux te dire que ce Mamiya 645 est … super ! il est vraiment agréable à manipuler, pas trop lourd et pas trop imposant, il s’emploie comme un gros reflex. Je dirais même qu’il est facile à utiliser. La visée est très agréable et la mesure de la lumière précise. Aucun souci concernant l’expo. J’ai apprécié son rendu à la fois doux et fin. Je suis satisfait des résultats avec la FP4 et la Tri-X. C’est un chouette appareil même s’il n’a pas le même prestige que le Hasselblad.

    • Hé oui, le Hasselblad, la légende … mais bon, ne rêvons pas ! Merci de ton commentaire, qui appuie ce que j’écrivais : c’est une belle machine. Toutes mes amitiés Fred.
      PS Et tu me diras quoi avec le Kiev 88 😉

  2. On est loin de la simplicité d’un Rolleiflex Automat… Et puis, près de 2 kg pour un format 645, c’est un peu « too much » à mon goût. Par contre, bravo pour le logement du volet du dos amovible!

    Cordialement,

    • Bonsoir Nic, mais si tu lis le commentaire de Fred, qui l’a utilisé sur le terrain, c’est un vrai charme, juste un peu plus encombrant. Mes amitiés.

      • JP, chacun juge des avantages et des défauts d’un appareil à l’aune de l’usage qu’il en fait, c’est pour cela que j’ai écrit « à mon goût ». Marcher des kilomètres avec une enclume, très peu pour moi. Je ferais intensivement des mariages ou de la mode, je verrais sûrement cet appareil d’un autre oeil…

        Cordialement,

        • Tout à fait Nic et l’immense chance que nous avons avec nos vieux machins c’est que le choix est immense pour répondre presque à tous les besoins de chacun. Mes amitiés.

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