Le Zeiss Ikon Ikonta 522/24

Un premier mai ensoleillé (du moins au matin) et une grande brocante à Namur.
Il est tôt (6h45) et nous déambulons entre les brocanteurs. Si certains s’installent encore, d’autres ont déjà leur stand tout prêt.
En voici un, avec une petite caisse contenant quelques appareils et des accessoires anciens de photographie.
Je déniche successivement un Yashica MF2 qui parait neuf dans sa trousse, un Olympus OM 10 sans objectif mais avec sa demi gaine en cuir et ce petit Zeiss Ikon Ikonta qui a dû connaître des jours meilleurs.
Petite parlotte avec le vendeur pour apprendre que ces appareils appartenaient à son grand-père. Comme il vide la maison et qu’il n’est pas fan de photographie, il vend … et je lui achète les trois appareils.
Pourquoi ces trois là ? Le Yashica parce que j’ai déjà le 35 MF, l’Olympus OM10 parce que j’ai commencé avec l’OM-1 et que c’était une occasion de reparler de la marque, que j’ai peu analysée en fait, et ce petit bijou de Zeiss Ikon Ikonta parce que j’aime bien ces appareils petits, denses, concentrés de technicité de leur époque et savoureux à utiliser.
Si vous vous en souvenez, j’ai déjà présenté un autre petit machin dans ce style, le Weltix de chez Welta. Celui-là datait de 1939, celui-ci de 1948 et sera produit jusqu’en mai 1953, en tout cas sous la marque Ikonta mais il s’appellera aussi Contina 1.
Manifestement, la marque Zeiss Ikon Ikonta sera réservée à l’exportation.
Petite parenthèse, au sujet du Weltix : j’ai eu la chance de pouvoir le confier à Fred, d’Histoire de Photos et vous pouvez en découvrir les photos ICI. Ce sera un comparatif intéressant à faire.
Outre cela, profitez-en pour découvrir les photos de Fred en argentique, ça donne des idées tant des lieux, que de l’utilisation des films, que de celle de vieux appareils.
Donc, voici le Zeiss Ikon Ikonta 522/24 ou Zeiss Ikon Ikonta 35 ou Contina 1.


Cet appareil a été développé par Hubert Nerwin – ingénieur chez Zeiss Ikon et concepteur, par exemple, du Contax II – au début de la seconde guerre mondiale. Les travaux furent ralentis, vous vous en doutez, mais ils aboutiront au premier nouveau produit de la marque juste au sortir de cette période noire, en 1948.
C’était un petit appareil pliant, avec un objectif de 45mm au bout d’un soufflet court, pour trancher avec les productions d’avant guerre. Il portait le nom de Zeiss Ikon Ikonta 35 522/24 (ouf !).
Les toutes premières versions ne possédaient pas encore la griffe porte-accessoires et le déclencheur, à câble, était directement fixé sur l’obturateur.
Néanmoins – une obsession je pense – ils avaient introduit la prévention contre la double exposition, cette fois en armant l’obturateur avec les pignons d’entrainement du film.
Petite remarque en passant, sans film, ou sans ouvrir la chambre pour mobiliser les pignons à la main, impossible de déclencher.
Sur les derniers modèles, il y aura donc une griffe “froide” au milieu du capot et le pas de vis pour un déclencheur à câble sera sur le côté opposé au déclencheur, comme sur cet exemplaire.
La guerre n’avait pas épargné les installations de la marque et, surtout aussi, par le fait que ce qui restait fut déplacé vers l’Allemagne de l’Est.
Résultat ? Les premiers appareils sont rarement équipés de Tessar chers à la marque mais plutôt de Schneider Xenar dans un obturateur Compur ou Prontor.
Amis collectionneurs, voilà un beau challenge que d’en trouver ainsi équipé du rare Tessar !
Plus tard, ils seront équipés de Novar (des triplets) ouvrant à f3,5, avec des obturateurs Prontor et sur les fins, quelques uns auront à nouveau le privilège de recevoir un Zeiss Opton Tessar T (la totale car en plus il ouvrait à f2,8) et quelques Xenar de chez Schneider (toujours à f2,8) accolé à un obturateur Synchro-Compur (qui montait au 1/500s).
Ecrivons-le tout de suite, c’est un appareil d’après-guerre et tout n’est pas parfait : ainsi il n’y a pas de télémètre couplé comme les concurrents de l’époque (voir le Kodak Retina IIc ou IIIc, la Super Solinette d’Agfa); le déclencheur n’est pas sur le capot de l’appareil mais sur le devant et il faut armer l’obturateur avant le déclenchement.
Mais qu’est-ce qu’il est bien fichu !
Petit, relativement léger (450gr tout nu), vous pouvez réellement le mettre dans une poche.
De plus, sa porte s’ouvre vers l’avant, ce qui compense un peu le fait de devoir appuyer sur le déclencheur devant (qui pourrait faire basculer l’appareil à la prise de vue). Elle permet un meilleur calage du boitier dans la main gauche.



Et puis il y a ces petits détails qui en font un grand appareil, comme cet étui en cuir qui s’accroche sur le cadre du boitier par un jeu de ressort (c’est lui qui a les sangles de portage) et la roue qui permet de faire avancer le film est munie de deux pointeaux qui viennent s’encastrer dans celle du boitier.



L’ajustement des pièces est excellente.
Il reste quand même quelques anachronismes comme le compteur de vue en dessous, qu’il fut régler à la main – mais bon, la place était comptée – ou ce déclencheur un peu étrange.

Pour le reste, c’est du Zeiss Ikon. Un objectif monté sur un soufflet court au creux d’un obturateur Prontor-S. Les commandes sont bien ajustées et tout se déplace encore correctement près de 80 ans plus tard.





Sur la face avant, le réglage de la distance avec une échelle de profondeur de champ, derrière. Notons la distance de mise au pont minimum, fixée à 80cm. Le levier d’armement juste derrière et en dessous, le réglage pour la prise synchro du flash (F ou M). La prise PC se trouve elle par dessus. Enfin, l’ouverture se règle avec la dernière réglette, contre la platine. On y arrive même avec des doigts d’adulte.
Le viseur, paradoxalement, est relativement large et clair mais ne contient aucune indication (pas de cadre, ni correction de parallaxe).
Cet exemplaire a souffert (il manque une vis sur le dessus, qui ne prête pas à conséquence), la couleur s’écaille, le cuir s’effiloche, le verrou de dos est un peu dur, comme ceux du sac tout prêt, mais un bon nettoyage devrait venir à bout de ces détails.

Finalement, cet appareil est un peu plus gros qu’un Minox EL, par exemple, mais ici au moins je n’ai pas besoin de mes lunettes pour effectuer les réglages, et il n’y a pas de plastique (ni d’électronique qui pourrait être capricieuse) !
Point de vue encombrement, il se dispute la place avec le Weltix, tout en étant plus perfectionné et performant, et la Solinette, plus basique.
Je sens que je vais essayer de lui redonner un peu du lustre de ses débuts car il le mérite bien.
Petit résumé en image :









A la question traditionnelle, cet appareil a-t-il un intérêt, je réponds oui, sans hésiter.
Discret, y compris lorsqu’il déclenche, si vous le réglez en zone focus, en photo de rue, il est redoutable. Voyez ICI quelques résultats.
Reste la question du prix et de la chance d’en trouver un : les exemplaires équipés du Tessar ou du Xenar ouvrant à f2,8, avec le Synchro-Compur de course (1/500s) seront les plus rares et les plus chers (environ 200€) tandis que les modèles plus simples se négocient autour des 60€ et sont un peu plus courants, même si je vous avoue que c’est la première fois que j’en voyais un.
Un petit appareil sympa, à essayer pour le plaisir de photographier différemment.
Des publicités d’époque (merci Collection-appareils)



Que l’on travaille hâtivement ou avec circonspection, en noir et blanc ou en couleurs, le Contina petit format se prête à toutes les exigences. On n’est jamais si bien servi que par soi-même.
Petites videos d’illustration
Des références : https://bluemooncamera.com/museum/exhibit/70/zeiss-ikon-ikonta-522-24, https://www.35mmc.com/06/08/2018/5-frames-zeiss-ikonta-b-522-24/, https://www.mikeeckman.com/photovintage/vintagecameras/ikonta35/index.html, en anglais; https://collection-appareils.fr/x/html/appareil-12040-Zeiss%20Ikon_Ikonta.html, http://www.appaphot.be/fr/brands/zeiss-ikon/zeiss-ikon-ikonta-35-52224/, https://www.collection-appareils.fr/x/html/page_standard.php?id_appareil=13102, en français
C’est encore une petit merveille que tu nous présentes là JP, mis à part son état esthétique en surface. Pour avoir expérimenté l’AGFA SOLINETTE et Le Kodak Retina IIC, c’est le genre de petit outil bien pratique en photo de rue, tellement pratique que je me suis laissé tenté par faire du snapshot. Faut que je me calme. Fred
hihihi… tu vas voir, j’ai pu rattraper les plus gros défauts, l’article est en préparation. Et c’est un vrai petit bijou qui, j’espère, va attirer quelques personnes à essayer une autre manière de photographier, pour le plaisir. Toutes mes amitiés Fred.