Le Dauphin II d’Alsaphot.

Décidément, la brocante du 1er mai ’23 à Namur fut riche en découvertes.

Voici un appareil étonnant, qu’en d’autres temps je n’aurais sans doute pas pris, mais depuis mes découvertes avec les box Kodak, je me suis promis de ne plus négliger ce genre, même si celui-ci a dû connaître des jours meilleurs.

Qui est Alsaphot d’abord ?

A l’origine, la société Alsetex (Alsacienne d’études et d’exploitation) avait deux départements, la « Société alsacienne d’explosifs et d’applications chimiques » et la « Société de recherche et d’études d’exploitation » (Sorejex).

Alsaphot sera une autre diversification de la maison mère, au sortir de la seconde guerre mondiale, destinée à la fabrication d’appareils photo. En effet, l’époque était propice à la relance, le marché français était protégé et la demande forte. La société nouera des accords avec d’autres pays, notamment la Hollande où fut fabriqué le même modèle que celui que je vous propose mais sous le nom de Franerex-Hollande ou encore appelé « Dauphin made in Hollande ».

Certains seront franchement innovants, comme le Cyclope, un 6×9 rendu compact par un astucieux jeu de miroirs, le film étant tourné vers le photographe tandis que l’objectif est déporté à hauteur du viseur (1950), ou L’ Alsaflex un petit 24×24 reflex mono-objectif à obturateur à rideaux métalliques et objectifs interchangeables (1952). Chose étonnante, Olympus reprendra la licence de la miniaturisation du système de visée, obtenue par réflexion latérale, le miroir escamotable pivotant autour d’un axe vertical pour la création de son célèbre Pen F, en demi-format 18×24 (1963).

Enfin, le Bioflex, un reflex bi-objectifs en 6×6 très perfectionné, créé par Prelux et fabriqué en sous-traitance par Alsaphot (1954).

Mais les heures d’or de la société se sont écoulées dès la fin des années soixante, submergée par la vague des appareils japonais, innovant et, surtout, bien plus abordables.

-« Et le Dauphin dans tout ça ? »

Il s’inspire du vaguement du Brillant de Voigtländer. Il y aura un Dauphin I, II et III, qui diffèrent les uns des autres par de petites touches cosmétiques et quelques avancées techniques (le Dauphin III aura un obturateur offrant le 1/200s et un objectif Boyer Topaz f4,5)

Sorti en 1958, ce Dauphin II est un « pseudo-reflex » bi-objectifs.

Pourquoi « pseudo-reflex » ? Tout simplement parce que s’il possède deux objectifs, celui pour la visée n’est pas couplé à celui de la prise de vue comme sur les « vrais » reflex de type Rolleiflex (pour reprendre un des plus connus).

C’est finalement un appareil très basique même s’il reprend quelques trouvailles intéressantes, nous allons les découvrir.

Mais commençons par ce qui se voit de suite : le diaphragme ne propose que deux positions, nuageux (f8) ou soleil (f16); l’obturateur n’a que deux vitesses, le 1/25 et le 1/75s et une pose B (la troisième vitesse ?); l’objectif n’est qu’un ménisque Boyer de 8cm ouvrant à f11.

Le déclencheur est sur le pourtour de l’ensemble objectif/obturateur. Notez la prise pour un flash.

Le levier qui indique nuageux/soleil actionne un diaphragme à trous, tout simplement.

Sur ce modèle, la mise au point est fixe (précédemment, il y avait 2 zones, portrait ou paysage) et elle commence à environ 2m jusque l’infini (« et au delà » … celle-là, je rêvais de la placer !).

Outre cela, ce qui frappe, c’est son poids, et pour cause, il est tout en métal. Noir, granuleux, aux formes arrondies, pas désagréable à prendre en main.

Pas de compteur de vues mais une fenêtre en rouge, une molette d’entrainement sur la gauche, un pas de vis pour le fixer sur un trépied et le ressort qui assure la fermeture de chambre, en dessous.

Quant au viseur, un simple abattant qui s’ouvre vers l’avant, sans même des volets latéraux, au dessus d’un immense verre légèrement bombé afin de permettre la visée et le cadrage, heu … approximatif.

Là où ça devient intéressant, c’est quand vous voulez ouvrir cet engin et il faut y faire attention pour ne pas l’abîmer.

Un minimum de force est requis, car les pièces serrent entre elles, sans doute pour parfaire l’étanchéité à la lumière.

Bref, il faut soulever le ressort du verrou et non pas faire coulisser le dos vers les bas, comme on pourrait s’y attendre, mais le faire basculer vers soi, en tirant du bas vers le haut. En effet, les rainures sont faites de telle manière qu’elles s’emboitent en remontant le dos dans celle du haut puis en faisant pivoter le reste vers le bas.

Cette manière, peu habituelle, pour ouvrir/fermer l’appareil a une conséquence immédiate : regardez le bas du dos, près du ressort, il sera souvent tordu par des tournevis ou lame de canif pour essayer de l’ouvrir en le faisant coulisser vers le bas et non en le faisant pivoter. Le métal étant assez souple, on peut le redresser facilement aussi.

La chambre est on ne peut plus simple avec la bobine réceptrice en haut et le nouveau film en bas. Petite astuce, le ressort de maintient de la bobine du haut bascule vers l’extérieur pour plus de facilité au chargement, la molette en face ne bougeant pas de sa position.

La molette d’avancement semble équipée d’un système anti-retour (on ne peut pas la faire aller en sens inverse) mais elle n’est pas « crantée » pour vérifier l’avance du film, il faut se fier à la lecture des signes et chiffres à travers la fenêtre rouge et elle n’arme pas l’obturateur.

De fait, comme sur les bons vieux box, le déclencheur ouvre toujours l’obturateur, sans protection. Attention aux doubles expositions dès lors.

En résumé, un monolithe d’environ 650gr, tout noir et bien pauvre en fonctionnalités, pas vraiment manipulable (ouverture) et – c’est tout personnel – pas très « glamour ».

Il n’est pas très courant et fait partie de ces appareils qui semblent avoir été fabriqué « à la va vite » pour répondre/ou susciter un besoin d’appareil simple. Mais à l’époque, celui-ci était onéreux et il n’eut qu’un succès d’estime, d’autres marques proposant au pire aussi bien que lui pour moins cher, au mieux, bien plus pour le même prix.

Je ne regrette pas de l’avoir découvert mais je n’ai pas envie de l’utiliser. Pas comme les vieux box que je vous ai déjà présenté, par exemple.

Une idée de prix ? Selon l’état, ne dépensez pas plus de 15€ pour un très bel exemplaire.

Des exemples de photos prises par la FilleRenne ICI.

Publicité d’époque (merci Collection-appareils)

Central-Photo, 1958-59
France-Photo 1959-60

Des références : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alsaphot, http://www.appaphot.be/fr/brands/alsaphot/, https://www.collection-appareils.fr/x/html/appareil-779-Alsaphot_Dauphin%20II.html,https://web.archive.org/web/20041012052317/http://www.leprogres.fr/fex-indo/appareils/alsaphot/alsaphot.html, http://camera-wiki.org/wiki/Fr/Dauphin, http://glangl1.free.fr/Photo2/Photo_A_458.html, https://lafillerenne.fr/blog/1403/

6 commentaires sur “Le Dauphin II d’Alsaphot.

  1. Bah, y a pas de raisons de ne pas l’utiliser… Si le bazar est étanche, l’obturateur fonctionnel et la lentille claire, il y a peur-être des photos intéressantes à la clef !

    • Bonjour Nic, sans doute, mais je ne sais pas tous les essayer et je ne suis pas certain que mon exemplaire, sans petits travaux, soit encore bien étanche. Et puis, il y a des boitiers qui inspirent et d’autres pas. Celui-ci en fait partie. Mes amitiés outre Atlantique.

Vos commentaires sont les bienvenus, ils aident à faire avancer nos réflexions.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

En savoir plus sur L'Atelier de JP

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading

Aller au contenu principal