Le Nikon F-601ou N6006 (USA)

Encore une brocante sous le soleil et … la pluie, intermittente, tenace, qui a juste le bon goût de rafraîchir une atmosphère bien lourde, de celle qui précède les orages.

Et de pauvres brocanteurs qui ne savent plus où donner de la bâche, du parasol, de la tonnelle, au gré des sursauts du temps …

Là, une dame un peu triste de ce temps pourri, vend un Nikon, dans une sacoche Delsey un peu fatiguée.

Je prends l’appareil en mains et elle me déclare qu’il semble être en panne car il est impossible de déclencher. Il fait la mise au point mais un code, « FEE », apparaît et clignote tout le temps.

-« Ah, lui dis-je, ce n’est jamais bon signe. Et combien en voulez-vous ? »

-« Je ne sais pas, disons 10€ ? »

-« Sans avoir la certitude de pouvoir le remettre en route, je vous en propose 5€. Au mieux, ça lui évitera une énième averse ».

Marché conclu, me voici donc en possession d’un Nikon N6006 dont j’ignore tout mais monté d’un objectif Nikon 35-70, avec un mode d’emploi en anglais et le sac Delsey.

De prime abord, je tablerais sur les années nonante, mais nous allons découvrir tout ça ensemble.

Déjà, il apparaît que cet appareil a été acheté aux States car sa dénomination, en Europe est Nikon F-601, c’est celle que j’utiliserai.

Nikon l’a sorti de 1991 jusqu’en 1994. En kit, le F-601 était livré avec l’objectif zoom Nikkor autofocus 35 à 70 mm qui équipe celui-ci. Normalement, il est compatible avec une large gamme d’objectifs Nikon à monture F, y compris les types de mise au point automatique et de mise au point manuelle.

« Attention cependant, les anciens objectifs Nikon non modifiés par l’IA ne se monteront pas sans modification. Si vous le faites avec force, vous risquez d’endommager la goupille d’indexation sur le corps. En raison d’un défaut du micrologiciel, les objectifs de type G sans bague d’ouverture ne sont compatibles (en modes programme et priorité à l’obturateur) que si le capteur de position de la bague d’ouverture est actionné manuellement à sa position maximale, par conséquent, leur utilisation n’est pas approuvée par Nikon ».

Pour le situer dans la famille, il est entre le Nikon F-401ou N4004 (débutants) et le Nikon F-801ou N8008 (amateurs éclairés « prosumer » et riches, ou pro). Il a aussi existé une version sans flash ni autofocus, le Nikon F-601M dont on se demande quel était l’intérêt. Tout au sommet, trônait le F4, professionnel, lourd, magnifique.

Le Nikon F-601 était lui destiné aux amateurs avancés.

Pour être le plus complet possible, sachez que le F-401 est apparu en 1987. Il était le second appareil Nikon avec autofocus grand public, après le Nikon F-501 disponible un an avant.

Un peu comme chez le concurrent de toujours, Canon et ses Eos, ces Nikon donnent un bon aperçu d’une ergonomie qui devient moderne, avec une poignée plus épaisse, l’avance du film intégrée et gérée électroniquement. Et le F-401 introduisait aussi une pavé de commande qui permettait de multiples fonctions et réglages sans tourner les molettes dédiées.

Ensuite, c’est au tour du F-801 qui est le premier à proposer un groupe de 4 boutons-poussoirs à gauche et la molette de commande à droite. C’est ici que nait la disposition des commandes Nikon telle qu’elle existe encore de nos jours.

Amis Nikonistes, si vous prenez en mains celui-ci vous n’aurez pas l’impression d’être en terre inconnue, même trente ans plus tard.

L’interface des boutons présente les modes de prise de vue PASM qui sont omniprésents aujourd’hui. Le F-801 adoptait également un nouveau système de mesure matricielle qui évaluait et faisait la moyenne des données d’exposition, électroniquement, à partir de cinq segments du cadre.

Encore deux ans et nous sommes donc en 1990, date de naissance du Nikon F-601, qui présente la même configuration des boutons de contrôle que le F-801.

Il propose un flash intégré, une vitesse de prise de vue un peu plus lente (2i/s contre 3), un obturateur plus lent (1/2000s contre 1/4000s) mais son système de mesure est amélioré (le système d’évaluation multizone « Matrix ») et il dispose d’un système de mise au point prédictive qui peut suivre les sujets en mouvement.

Certain modèle, comme celui-ci, propose un dos dateur, qui peut être réglé pour imprimer la date et l’heure sur le film photo au fur et à mesure de l’acquisition des images. Comme il y a un film à l’intérieur, dans un premier temps je ne vais pas ouvrir celui-ci pour remplacer la pile, qui est HS. Mais je doute qu’il soit encore utilisable, comme souvent.

Puisque j’en parle, une autre nouveauté du modèle : il est le premier de la gamme à utiliser une pile au lithium de 6v, une CR-P2.

Si je résume, ainsi placé en milieu de gamme, l’appareil reprend pourtant des avancées déjà vues sur le haut de gamme (le F-801) et sa configuration n’est pas dénuée d’intérêt :

  • mise au point automatique (module AF AM200 qui équipait le F-801) : un seul servo qui assure le verrouillage de la mise au point/prise de vue et un autofocus à mise au point continue
  • mise au point prédictive avec même une meilleur gestion de prédiction que celle du F-801
  • débrayage de la fonction de mise au point automatique
  • système de mesure avec une matrice à 5 segments, la pondération centrale ou mesure spot au centre (attention, il est fait mention d’un certain manque de sensibilité par rapport au F-801. Fallait quand lui laisser quelques avantages).
  • verrouillage de l’exposition avec compensation de cette dernière
  • flash intégré et flashs dédiés, le Nikon SB-23 ou SB-24
  • codage DX pour les films (Iso 25 à 5000) et possibilité d’encoder manuellement la sensibilité (de 6 à 6400 Iso alors)
  • mode d’expositions multiples : P et Pm, priorité ouverture, vitesse, manuel
  • viseur avec une couverture d’image de +/- 92% et grossissement de 0,75
  • fonction braketing d’exposition automatique,
  • synchro lente, synchro sur le second rideau et synchro au 1/125s
  • obturateur à plan focal donnant des vitesses de 30s à 1/2000s plus pose B
  • retardateur que l’on peut régler de 1 à 30sec par incrément de 2s
  • possibilité de prendre une première photo après 10s et une seconde après 5s
  • chargement automatique du film et avance automatique

Voilà, voilà … pas mal pour un milieu de gamme, non ?

Le reproche, à l’époque, était que la vitesse en rafale n’atteignait que 2 images/sec. et qu’il n’était pas compatible avec tous les anciens objectifs Nikkor (bon, ça il n’est pas le seul).

A côté de « petit » désagrément, cet appareil photo effectue une mesure ponctuelle, pondérée centrale et matricielle, mais la matrice est de loin la plus efficace, elle compare 5 zones et expose en fonction de la moyenne des zones. Combinez cela avec le flash d’appoint équilibré automatique et vous obtenez la possibilité de prendre une combinaison photo flash/lumière naturelle très équilibrée.

Tiens, à propose de code erreur, il y en a un qui déconcerte, le code « E ». En fait, si vous travaillez en mode automatique, vous devez placer la bague d’ouverture sur sa plus petite ouverture, ce qui donne au boitier un indice sur la capacité de l’objectif. Sans ça, impossible de déclencher.

Et le code FEE qui était donné par le boitier de cette dame indiquait juste que le réglage de l’ouverture était incorrect. Juste un tour de bague et le problème fut résolu.

En écrivant au sujet de ces codes, j’ai trouvé un site intéressant, qui les décortique, ICI.

Vous l’avez compris, pour son époque, ce Nikon F601 était bien pourvu et aujourd’hui encore il reste dans le coup, sans rougir.

Souvent le côté « plastique » des années nonante rebute les plus jeunes qui veulent se lancer dans la découverte de l’argentique. Ils préfèrent se frotter aux « vrais » appareils en métal, ceux des années septante et quatre-vingt.

Mais ils oublient, enfants de l’informatique, que ces vieux machins requièrent des connaissances qu’il n’ont pas (encore) et qu’il est souvent plus gratifiant de capter de bonnes images avec un appareil plus élaboré. Quitte à revenir ensuite à des appareils plus anciens quand on a compris les effets des réglages sur sa prise de vue, ce que permet un Nikon F601.

Donc, si vous croisez la route d’un de ces boitiers, ne faites pas la fine bouche et prenez le pour vous accompagner un (bon) moment, il vous le rendra bien.

Habituellement, ce type d’appareil se négocie, avec au moins un objectif 50mm, autour des 40€. Ce n’est pas cher pour découvrir confortablement les possibilités nombreuses de cette belle machine.

Videos d’illustration

Pour le mode d’emploi, c’est par LA.

Quelques infos techniques

Produit 1990 Nippon Kogaku K.K., Japon
Type de pellicule 135 (35 mm)
Taille de l’image 24 mm x 36 mm
Poids 23 oz (650 g) uniquement, sans batterie
Objectif Monture Nikon AF Quantaray Zoom 28-80mm
Taille du filtre 55mm
Plan focal électronique de l’obturateur (métal)
Vitesses d’obturation B, 30s-1/2000
Viseur SLR (92 % de couverture)
Compteur d’exposition TTL CdS avec lecture LCD de la vitesse d’obturation en VF, réglage de -2 à +2 EV
Plage EV -1 à 19 à ISO 100
Modes Priorité à l’ouverture, modes entièrement automatique ou manuel
ASA 25-5000 DX, 6-6400 non DX
Batterie 6V lithium CR-P2, 223A
Retardateur
Autowinder intégré, 1.2-2.0fps
Flash intégré (GN 13)
Autofocus ou mise au point manuelle
Cousins ​​proches : N6000, N8008s, T-600, T-601, T-801s (s=spot)

Des références : https://www.bhphotovideo.com/explora/photography/hands-review/classic-cameras-my-first-slr-nikon-n6006-f-601, https://mattsclassiccameras.com/slr/nikon-n6006/, http://camera-wiki.org/wiki/Nikon_F-601_(N6006), https://en.wikipedia.org/wiki/Nikon_F-601, https://lens-db.com/camera/nikon-n6006-1990/, https://mir.com.my/rb/photography/companies/nikon/htmls/models/htmls/slr8991.htm, en anglais

4 commentaires sur “Le Nikon F-601ou N6006 (USA)

  1. J’avais failli l’acheter pour remplacer mon premier réflex, le F401s que j’appréciais mais dont certaines limitations m’agaçaient. A force de lire des revues me faisant sans cesse saliver avec leurs avis dithyrambiques concernant les F801 puis 801s (ou les intouchables F4), j’avais craqué pour le F801s sans en avoir en réalité l’utilité, excité comme tout geek un peu idiot qui se respecte par la vitesse d’obturation encore rare à l’époque de 1/8000s (pas 1/4000 comme vous l’écrivez, y compris pour le F801 « non S » premier du nom, et dont il avait été le pionnier avec le F4 de mémoire…) et battue uniquement quelques années plus tard par un seul appareil : le Minolta Dynax 9xi et son 1/12000 de seconde. Ajoutons à ça sa Synchro flash au 1/250ème de seconde (pas des masses l’utilité dans l’utilisation que j’en ai fait là encore…tout comme le 1/8000 qui nécessite quand même une scène sévèrement illuminée ou une ouverture de diaphragme fabuleuse, ou surtout les deux réunis…), et voila comment casser en intégralité sa tirelire de lycéen après plusieurs années d’économie, puis venir limite tremblant acheter le précieux chez son revendeur préféré esquissant un léger sourire à la vue de l’adolescent tout excité par son achat…Récemment j’ai acquis d’occasion un F601s avec différents objectifs (dont l’excellent 70-210 AFD qui était une banale entrée de gamme à l’époque mais au final est un objectif de qualité extrêmement bien construit et robuste, pas une cochonnerie en plastique intégral…) et j’ai compris à quel point il m’aurait largement suffi à l’époque, et aurait déjà fait oublier totalement le 401 en m’apportant tout ce qui me manquait sauf le superflu destiné à flatter mon égo. En réalité la plus grosse différence entre le 601 et le 801s c’est le viseur et la robustesse car le plus cher des deux possède plusieurs moteurs pour armer, entrainer le film, gérer l’AF quand le 601 n’en a qu’un de mémoire, ce qui le rend par ailleurs aussi un peu moins réactif. Mais la cadence à 2i/s au lieu de 3,3 ? On s’en fout car dans les deux cas, on sera loin des plus de 8 des monstres genre EOS1 ou F4 plus adaptés à la photo sportive. Le 1/2000 au lieu de 1/8000 ? On s’en fout aussi, j’ai rarement obturé à plus de 1/1000…Ah si, la pile Lithium face aux classiques piles AA du F801s, c’est à la rigueur casse pieds aussi mais bon…Un speech un peu long mais résumons : le F601s c’est juste du concentré de Nikon de la fin des années 80, pas si mal construit que ça (il est loin d’être aussi léger que des Canon équivalents ou que les appareils du début des années 2000) si l’on excepte la trappe à piles qui semble light, et performant (mis à part la rapidité de l’AF qui chute avec de gros objectifs comme pour tous les réflex dont le moteur est dans le boitier et pas dans l’objectif…F801s compris du coup…).

    • re-bonjour (puisque je réponds tardivement à vos deux interventions très intéressantes). Nous avons tous succombé un jour ou l’autre aux promesses marchandes d’un marketing bien rôdé. Personnellement, c’est parce que à ce moment-là j’étais fauché que j’ai acheté un Minolta 7ix sinon j’aurais craqué pour le 9ix. Et je ne vous dis pas le nombre de fois où je dois me faire violence pour ne pas (encore) craquer sur tel ou tel modèle d’argentique qui me faisait baver durant les années septante à deux-mille ! Maintenant, comme pour mes voitures, je me fais un tableau avec mes besoins incontournables et les accessoires « petits plaisirs utiles », puis le « gadgets ». Je reprends dans ce tableau les appareils qui m’attirent, avec leurs caractéristiques, et je coche ce qui correspond à mes besoins réels, le reste étant du superflu que l’on paie cash. C’est aussi sans doute pour ça que tous mes appareils sont des occasions (objectifs itou). Et, comme vous le faisiez remarquer, on se rend alors compte de tout ce qui n’est pas nécessaire à sa pratique pour élaguer sans remords. Bien à vous.

    • Bonjour Jean-Christophe,
      Ah, je suis toujours content quand un article suscite de tels souvenirs. Et qui sait, il vous donnera peut être envie de revenir à l’argentique, de ressortir ce vieil appareil et de le faire revivre … Bon weekend et bien cordialement.

Vos commentaires sont les bienvenus, ils aident à faire avancer nos réflexions.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

En savoir plus sur L'Atelier de JP

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading

Aller au contenu principal