Le Canon FTb QL

Eh oui, je ne pouvais pas éviter d’en faire un article, depuis le temps que je vous en parle de ce Canon FTb !

Juste un regret, que celui que je vous présente ne soit pas celui des parents, toujours introuvable à ce jour.

Celui-ci est noir – alors que le nôtre était bis-ton (argenté/noir) – légèrement patiné par le temps et ça lui va bien.

Mais venons en au principal, son histoire, ses caractéristiques, son agrément de nos jours, pour vous donner envie de le découvrir à votre tour.

Et comme je le dis souvent, allez farfouiller dans les greniers, les caves (moins bon à cause de l’humidité), les tiroirs de vos parents, grands parents, cousins, tantes et oncles, … vous en trouverez sans doute un qui n’attends que vos petites mains pour reprendre goût à la vie.

Tout d’abord, disons que c’est un appareil bien né : il est apparu en mars 1971 (quoi, déjà 50 ans !) en même temps que le mythique Canon F-1. Il était proposé comme alternative « économique », destinée aux amateurs exigeants alors que le F-1 était destiné aux « pro ». Il remplaçait le Canon FT QL et inaugurait la nouvelle ère des objectifs en monture FD (bien que la monture FL soit toujours compatible mais en perdant la visée à diaphragme ouvert).

Il sera le premier appareil photo reflex Canon à posséder un système de mesure de l’exposition à pleine ouverture avec l’utilisation des objectifs Canon FD. Ainsi le diaphragme reste grand ouvert en toutes circonstances, ce qui permet une visée plus claire. Il accepte les objectifs FL, mais dans ce cas la mesure de l’exposition se fait à diaphragme fermé. Un levier est prévu à cet effet et peut même être immobilisé en position fermée, j’y reviendrai plus loin.

Le QL, pour « quick loading » ou chargement rapide, est hérité des Canonet QL. C’est encore là une indication de sa destination aux amateurs, fusent-ils éclairés : le chargement rapide était un bel argument de vente de l’époque et – il faut bien l’avouer – un accessoire bien conçu pour charger son film et économiser de la précieuse pellicule. Vous verrez son utilisation dans la petite video en bas de l’article.

Une petite évolution, en 1973, modifie le levier d’armement, qui reçoit un petit bout de plastique à son extrémité, pour faciliter les réarmements rapides, et l’indication de la vitesse d’obturateur dans le viseur. Celui que je vous présente est d’avant ces évolutions (entre 1971 et 1973 donc).

Notons qu’à l’époque, un appareil destiné aux amateurs – rappelons-le, le gros des acheteurs ! – était construit pour être durable et donner satisfaction longtemps à son propriétaire.

La construction de l’obturateur, associée au poids du boitier (760gr avec une pile et un film de 36 vues), restreint les vibrations lors du déclenchement. Canon y ajoute le SMS ou « Shockless Mirror System », un système qui amorti le miroir, limitant là encore les vibrations.

Vous l’avez deviné, c’est un appareil tout mécanique où vous devrez régler l’ouverture et la vitesse : une aiguille, dans le viseur, indique la lumière analysée par le posemètre (c’est pour ça qu’il y a une pile) qu’il faut faire coïncider avec le rond qui correspond au diaphragme choisi sur la bague de l’objectif. Facile et intuitif.

Pour la mise au point, même topo : un cercle de microprismes au milieu vous aide à la mise au point nette. Notez que le AE-1, autre best-seller qui lui succèdera, proposera lui une mise au point par coïncidence avec un stignomètre placé au centre de la couronne de microprismes (il est vrai, un peu plus confortable, mais ne brûlons pas les étapes).

A remarquer, le levier de profondeur de champ qui arrête l’objectif à l’ouverture choisie. Si vous le relâchez, l’objectif revient à pleine ouverture. Combiné au verrouillage du miroir, vous avez là des « outils » dignes d’un appareil pro de l’époque, quoiqu’il s’en défende.

Ce levier a donc une triple fonction : levier de la profondeur de champ poussé vers l’objectif, verrouillage du miroir et action du retardateur (tiré vers le bas et qui se met en route par appuis sur le déclencheur, environ 10 secondes).

Le posemètre est une cellule au CdS qui reçoit la lumière à travers l’objectif (TTL). La zone de travail est à prépondérance centrale, qui représente 12% de la surface du viseur (la surface grise plus sombre au centre du viseur). La sensibilité va de 25 à 2000 Asa. Une pile PX625 alimente la cellule et le posemètre. Donc, même si elle est HS, vous pouvez continuer à faire des photos (envisagez peut-être une cellule à mains au cas où vous auriez oublié de contrôler la pile avant votre sortie !).

La précision de la cellule est unanimement reconnue (elle a fait les beaux jours des amateurs de diapositives). Elle est considérée comme meilleure que celle du Minolta SR-T car sa plage est plus large et sa sensibilité plus précise.

De fait, le FTb règle l’aiguille du posemètre en fonction de la sensibilité Asa du film et en fonction de la plage d’ouverture des objectifs utilisés. L’appareil optimise ainsi la sensibilité du posemètre, ce qui rend la mesure bien plus précise et fiable.

Notons encore que le fait d’utiliser une pile alcaline moderne, plutôt que celle d’origine au mercure, n’affecte pas la mesure.

La cellule possède son interrupteur, marqué ON-OFF-C autour de la manivelle de rembobinage. Le C permet de vérifier si la pile est bien chargée : l’aiguille se place alors dans le petit carré tout en bas de l’échelle de droite.

Une griffe flash synchronise l’éclair de ce dernier au 1/60s (synchro X) tandis que vous pouvez toujours utiliser d’anciens flashs (FP ou flash bulb à ampoules) avec là une synchronisation de 1/1,000s à 1/125s et de 1/30s à plus lent. Le must étant d’utiliser les flashs Canon Speedlite 133D qui dispose du dispositif CAT (Canon Automatic Tuning) facilitant la synchronisation aussi avec certains objectifs FD.

L’obturateur est de type plan focal horizontal en tissu. Il offre des vitesses de 1s à 1/1000s plus une pause B, avec un retardateur mécanique de 10 secondes.

Je reviens un instant sur les objectifs utilisables : si les FL le sont encore (et même les R encore plus anciens), vous perdez la mesure à pleine ouverture, par contre tous les objectifs FD sont compatibles, quoiqu’il faille penser que les FD développés pour le F-1 et le FTb ne comportent pas de position A car ces appareils ne sont pas automatiques. Lorsque vous voudrez monter un tel objectif (les new FD qui perdent la bague de couplage chromée) sur le FTb, réglez le sur toute autre position que le A sinon vous ne pourrez pas l’installer, Canon ayant prévu de verrouiller cette option.

La gamme des objectifs FD est une des plus complète qui soit et aujourd’hui elle est tout à fait abordable. Bien sûr, si vous cherchez le saint Graal du 50mm FD SSC f1,2, attendez-vous à faire chauffer votre carte bancaire. Sinon, le bon vieux FD 50mm f1,8 ne vous lâchera jamais et vous serez surpris de la qualité des images qu’il délivre encore.

Autour du déclencheur, très souple et doux, une petite couronne permet de verrouiller ce dernier, évitant ainsi des déclenchements intempestifs lorsque l’appareil est « armé ».

Reprenons un peu la ligne du temps : 1971, sortie du Canon F-1 et du FTb, qui succède au FT QL. Un FTbn (pour new) apparait en 1973 avec quelques améliorations essentiellement cosmétiques. 1977 sonnera le glas de ce modèle devenu entre-temps célèbre. Le Canon A-1 pointe son nez et son fils, le Canon AE-1 prendra la relève.

Le Canon FTb QL aura une excellente réputation de robustesse et de fiabilité qui n’est pas usurpée. Seule la cellule – comme sur celui que j’ai acheté pour faire cet article – peut à un moment vous lâcher (notez, elles ont au moins 50 ans), mais cela n’empêche pas le boitier de fonctionner parfaitement.

Sa simplicité se retrouve aussi dans le mode d’emploi : 45 pages de conseils utiles, point barre version française).

Et c’est vraiment un des meilleurs appareils école qui existe. Son prix s’en ressent d’ailleurs de nos jours où il est difficile d’en trouver sous les 50€ – et je ne parle pas de la version noire !

Vous connaissez ma faiblesse pour ce « look » mais – et je tiens compte d’une remarque judicieuse d’Olivier (qui se reconnaîtra) – les peintures noires sont fragiles et si on observe parfois une belle patine par l’apparition, par petites touches, du laiton doré par dessous, souvent elle s’écaille et le boitier ressemble vite à une épave. Le soucis ne se pose pas avec les boitiers bis-tons, qui semblent traverser le temps sans soucis.

Une conclusion ?

Elle sera – forcément – impartiale puisque j’ai commencé la photographie avec un tel appareil, et ça laisse des traces (ah ! nostalgie), mais, franchement, c’est un bel appareil, qui traverse les années comme le bon vin. Fidèle compagnon de vos sorties, il répond toujours présent et sa simplicité d’utilisation en font encore et toujours un best-seller pour qui veut (re)découvrir les joies de l’argentique.

Juste qu’il faut être attentif pour dégoter une belle affaire, mais c’est encore possible, soyez obstiné. Et prévoyez une bonne sangle, vos cervicales vous remercieront.

Ah, si je pouvais remettre la main sur l’appareil des parents !

Ici, une publicité d’époque (merci Collection-appareils) qui présente les appareils en concurrence en 1972.

https://i0.wp.com/collection-appareils.fr/gestion_catalogue/images/1289250095.jpg?resize=640%2C589&ssl=1
source : Collection-appareils, Photo-Plait 1972

Une très chouette video d’illustration

Des références : http://35mm-compact.com/reflex/canonftb.htm, https://fr.wikipedia.org/wiki/Canon_FTb, https://www.lomography.fr/magazine/132076-49-43-canon-ftb, https://www.lomography.fr/magazine/327682-lomopedia-appareil-argentique-canon-ftb, https://collection-appareils.fr/x/html/appareil-380-Canon_FTb%20QL.html en français, https://www.kenrockwell.com/canon/fd/ftb.htm, https://www.brokencamera.club/blog/2017/6/27/canon-ftb, https://www.imagingpixel.com/p/canon-ftb-ql.html, https://flynngraphics.ca/the-collection/the-cameras/f-series/ftbql/, https://camerapedia.fandom.com/wiki/Canon_FTb en anglais

8 commentaires sur “Le Canon FTb QL

  1. Bonjour JP, effectivement je l’attendais cet article sur le FTb QL. Même si la couleur noire est plus fragile, c’était quand même une version orientée PRO. On m’avait expliqué que la version noire provenait d’un retour d’expérience des photographes de guerre. L’alu brillant, cela fait des reflets et comment expliquer à l’autre camps que c’est juste un appareil photo et non une lunette de tir… Bref, les reporters avaient pris l’habitude de peindre leur appareil en noir quand ils allaient sur le terrain. CANON aurait repris cette idée pour sortir la version noire. Est-ce une légende ou la réalité ? Je n’en sais rien mais cela nous fait une belle histoire à raconter. Initialement, les boitiers noirs étaient en laiton peint ( FTb-QL, AE1, A1, AE1p … OM-1 et OM-2 .. ). Le plastique fit son apparition et retira les désagréments de cette solution technique ( De mémoire, le KR-5 de RICOH est en plastique pour les parties noires ). J’ai eu la chance d’avoir un FTb-QL dans les mains ( c’était celui du père d’un élève quand je faisais mes études ) : quel poids, aussi bien pour le boitier que les objectifs ( FL ). Une remarque concernant la fameuse pile 625… Cette pile au mercure donne une tension de 1.35 V. Les piles Zinc-Air approchent cette tension, mais n’assurent pas forcément la stabilité en tension et elles n’ont pas le même format ( en bricolant un peu, on arrive à faire un adaptateur mécanique ). Pour certains appareils, en insérant une diode au germanium en série et en utilisant une pile PX625 ( 1.5 V ), on arrive à avoir une source d’alimentation proche de 1.35 V. Toutefois, il manque à cette solution la linéarité en fonction du courant absorbé. J’ai récemment utilisé le « service manual » de mon OLYMPUS OM-1 pour comprendre comment se faisait le réglage de la cellule. Après un démontage assez poussé, j’ai modifié la position de crantage des engrenages associés à l’exposition et j’ai maintenant un OM-1 qui utilise une pile PX625 ( standard 1.5 V) qui a la même dimension que la pile au mercure d’origine ( donc pas de bricolage à faire ) et qui me fournit la même exposition que mes autres appareils. Comme le FTb-QL doit avoir un posemètre similaire à celui qui est monté dans l’OM-1 ( c’est à dire pas d’électronique ) il doit être possible de modifier les réglages de manière à utiliser les piles modernes PX625. ( Si je trouve le service manual du FTb-QL, j’investiguerais ). Bien cordialement.

    • Bonjour Olivier, oui, chez Yashica aussi, les Electro « Pro » étaient en noir (Electro 35 GN et GSN), idem chez Nikon. Il semble en effet que les nombreux théâtre de guerre des années soixante et suivantes (Vietnam, Laos, Cambodge et autres) aient convaincus les photographes de camoufler leurs appareils pour éviter de devenir des cibles trop voyantes. Mais déjà les Leica anciens et ensuite ceux de la Luftwaffe allemande étaient soit peints en noir, soit en vert de gris. Le gaffer (1959) a eut ses émules mais le coup de peinture noire était plus rapide et tenace (quoique !).
      Ceci étant, pour la pile, tu as raison, la tension n’est pas exactement la même avec les piles alcalines. Si certains appareils s’en accommodent très bien (les Electro 35 par exemple), les Canonet rechignent et les autres aussi (comme le Minolta Hi-Matic) . Là où moi je cale, c’est dans les démontages fins (des soucis de santé m’handicapent sur les manipulations fines) et je me risque rarement à ce type de travail. J’admire ceux qui y parviennent. Souvent, pour les appareils qui requièrent la tension exacte, j’utilise les WeinCell, un peu plus chères mais stables.
      Et je t’avoue que pour le FTb que j’ai présenté, le problème ne se pose plus, la cellule est HS.
      Mais si tu trouves la solution, fais le moi savoir, je l’ajouterai avec plaisir à l’article, ça peut dépanner d’autres personnes.
      Bonne fin de weekend, prends soin de toi.

      • Bonjour JP, Une remarque au niveau de la cellule du FTb-QL, c’est une cellule CdS de mémoire ( donc pas une cellule au silicium ) et ce type de cellule s’abime dans le temps. J’ai un posemètre qui a une cellule CdS mais il a été conservé dans son étui dans une armoire ( noir absolu ) et la cellule n’a pas été abimée, il fonctionne comme au premier jour. Ce n’est hélas pas le cas des appareils photos. Et pour ce qui concerne un article sur le réglage d’un OM-1, pourquoi pas, je pense qu’il va y avoir des « clients »… J’avais rencontré un ancien réparateur d’appareil photo et il n’avait dit qu’il devait en rester 2 ou 3 en France ! De plus, ils sont spécialisés dans certaines marques ( LEICA, NIKON, CANON… Alors les marques un peu exotiques ou peu distribuées, on peut oublier ). Pour ta cellule, il est possible qu’elle ne soit pas morte mais que les connections soient oxydées ( j’ai déjà rencontré le cas ). De toutes les façons, je me mets à la recherche du « SERVICE MANUAL » du FTb et je te tiens au courant. Bien cordialement.

        • Oui, j’ai pensé à la corrosion, mais les contacts sont francs et aucune trace d’oxydation. Elle a dû mourir de sa belle mort … mais avec la règle des funy 16 y a moyen de s’en sortir (et j’ai toujours une cellule Minolta, au cas où ;-)). Bien à toi.

          • J’ai trouvé le « service manual » du FTb-QL et on ne peut pas faire plus simple au niveau de la cellule. Aucun composant électronique.. même pas une résistance. C’est à la page 15 du Service Manual que je me ferais un plaisir de t’envoyer ( si on pouvait mettre des pièces jointes dans les commentaires ). Cela veut aussi dire que tout peut être testé avec un simple multimètre. Par contre, s’il y a un réglage à faire, il n’y a aucun composant sur lesquels on peut agir ( Quoi-que… j’ai mon idée sur la question ). Perso, je n’ai jamais vu de cellule d’appareil photo morte, pour mon OM-1, c’était un fil qui avait été mal remonté ( coincé entre le boitier et le capot ) et il avait fini par se rompre, mais la panne était malicieuse car l’isolant était toujours présent ( pas de coupure ) alors que le cuivre était bien coupé.

            • Bonjour Olivier. Je t’ai envoyé un message via mon mail pour répondre à ce commentaire. En tout cas, un grand merci pour tes recherches. Belle journée.

    • Merci, Phil, à vrai dire, nous continuons les fouilles « arché au logis » 😉 et sait on jamais !
      Bonne fin de weekend à toi aussi.

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