Le Focasport II

Encore un appareil chiné lors de la brocante de Champagne sur Oise, un appareil français cette fois.

Un télémétrique avec, j’avoue, une large base pour celui-ci : 5,8cm, c’est presque autant, de mémoire, que celle d’un Contax ou d’un Kiev 4.

Normalement, c’est aussi gage d’une meilleure précision lors de la visée.

Mais ne brûlons pas les étapes et commençons par présenter cette marque qui eut son heure de gloire.

C’est la société Optique et Précision de Levallois (OPL), alors spécialisée dans les appareils optiques destinés à la médecine, à l’armée, à l’industrie, qui est à l’origine des appareils photographiques de haute précision FOCA.

L’ambition d’un homme, le duc Armand de Gramont fut l’impulsion : il voulait concurrencer les productions allemandes de l’époque, dont Leica.

Pourquoi FOCA ? En référence avec une de ses caractéristiques, l’obturateur focal et parce que ça sonnait aussi bien que le concurrent allemand.

Logiquement donc, les premiers appareils fabriqués étaient des télémètres avec objectifs interchangeables.

Disons le tout de suite, je ne vais pas me lancer dans une exégèse de cette marque, de ces appareils. Cela susciterait trop de polémiques car je ne peux prétendre en faire l’histoire sur la base d’un seul appareil, finalement tardif. C’est une marque qui ravit les collectionneurs, tant pour la recherche du premier appareil, mythique, dont on ne sait semble-t-il pas s’il était un prototype ou un appareil de pré série (vous pouvez le voir sur le site de Monsieur Weber, grand collectionneur et spécialiste de la marque (trente ans qu’il la traque !), que pour la complexité de sa production.

Donc pour résumer, il y eut les appareils à rideaux (les PF avec ou sans étoiles, gravées ou sérigraphiées) , les réflex (Focaflex), et ceux qui nous préoccupent, les appareils à obturateur central non reflex (Focasport, Focamatic, Marly).

Hormis le mythique premier appareil télémétrique, apparu en 1940 -1942, les premiers PF datent de 1945 et seront produits jusqu’en 1962.

Les reflex sont complexes car OPL a choisi une voie difficile, celle de l’obturateur central sur un reflex. Nous avons déjà vu avec l’Agfa Ambiflex ou le Zeiss Ikon Contaflex Super toute l’ingénierie qu’entraine cette solution finalement peu adaptée aux reflex. Ils ne seront produits que de 1961 à 1962.

Puis il y eut les appareils à obturateurs central sans objectifs interchangeables, les FOCAsport.

Si les PF sont d’excellents appareils télémétriques, soigneusement assemblés et performants, ils sont aussi chers et la démocratisation des appareils, au début des années cinquante, notamment avec les Kodak Retinette et consorts, va obliger la marque à essayer de grappiller des parts de marché qui lui échappent. Ainsi naissent les FOCAsport en 1955.

Ils continueront à produire les PF pour les photographes exigeants et fortunés et les FOCAsport prendront la relève pour les autres acheteurs.

Toujours dans la logique de « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué », la série des FOCAsport se décline en trois familles :

  • la première apparaît en 1955, sa caractéristique principale est l’armement par un gros bouton; puis, en 1958, un levier remplace ledit bouton d’armement et en 1957 arrive le FOCAsport II
  • la seconde sera inaugurée par le FOCAsport I en 1962 : boitier sans télémètre ni cellule; la série évolue avec le CF, puis le C, un II F, un II C, un Spécial
  • la troisième, apparue en 1963 commence avec un FOCAsport S, suivi d’un SC, d’un SF, puis un FOCAmatic et enfin un MARLY (une catastrophe bien éloignée des standards de la marque)

Bref, cette marque est un régal pour le collectionneur qui se battra avec les Etoiles gravées ou sérigraphiées, les bouton d’armement qui changent au cours du temps, les obturateurs avec x ou y lamelles, les optiques qui changent on ne sait trop pourquoi, l’évidemment ou pas devant la bobine réceptrice, la taille ou la forme du presse-film …

Et donc, le FOCAsport II que je vous présente aujourd’hui a débuté sa carrière en 1957.

Il eut un succès fou : l’armée et la gendarmerie française l’ont adopté, ainsi que les familles des corps concernés, entre autre. Il fut primé à l’exposition universelle de Bruxelles, en 1958.

Par rapport à ses prédécesseurs, il apportait plusieurs perfectionnements qui font la différence sur les modèles précédents :

  • d’abord la présence d’un télémètre à très large base (58mm) donnant une image claire et précise,
  • ensuite la mise au point se fait avec le déplacement complet de l’objectif qui comporte maintenant quatre lentilles.
  • puis le diaphragme est cranté, ce qui permet d’en changer le réglage plus facilement.

Une publicité de l’époque, pour nous situer l’évènement :

Source : Roland Weber, Le Photographe 20 mai 1957

Celui en ma possession doit dater de 1961, date d’introduction de la numérotation à 5 chiffres suivis de la lettre G (66.289 G).

Petite subtilité : le chiffre des distances 5 m est peint en rouge (et non plus le 4) et le repère situé entre le 2 m et le 3 m disparait aussi.

Sinon, l’objectif est un Oplar Color de 45mm ouvrant à f2,8 en 4 éléments, que l’on règle facilement grâce à un bouton visé dans la couronne. La mise au point minimale est de 1m.

L’obturateur, un Atos 2, compte 5 lamelles qui avec le temps ont tendance à gommer si l’appareil est resté longtemps inactif (c’est le cas du mien, zut ! je vois bien les lamelles, ouvertes). Les vitesses s’échelonnent de 1s au 1/300s plus pose B.

Ce qui ne m’arrange pas du tout car si j’en crois (et j’ai toutes les raisons de le faire) Monsieur Weber, il est très difficile de démonter un FOCA sans les outils créés spécialement pour les différents modèles, re-zut ! Toutefois, des explications claires sont ICI si vous vous sentez l’âme bricoleuse.

Il existe une griffe sur le dessus de l’appareil, pour le flash, synchronisé à toutes les vitesses pour les flashs électroniques et au 1/25s pour les anciens flashs à lampe au magnésium.

Sur la gauche, un gros bouton qui servira au rembobinage, porte aussi un mémo pour la vitesse du film (de 6 à 100Asa), en couleur ou N/B

Sur l’objectif, outre le bouton en saillie pour le réglage rapide des distances, on trouve aussi une roue crantée pour les ouvertures. Pas facile à régler mais elle a l’avantage de ne pas se dérober facilement.

Les vitesses se règlent avec la dernière couronne dentée, non crantée elle.

Enfin, une règle, fixée tout au début du fut d’objectif, permet de travailler en zone focus.

Le viseur ne comporte aucune marque, ni cadre, ni correction de la parallaxe. Il est relativement étroit mais le « patch » du télémètre, un rectangle plus clair, est bien visible. Aidé par l’excroissance sur le fut de l’objectif, on peut aisément ajuster le télémètre, rapidement, un gage utile en photo de rue.

Pour charger l’appareil, un large verrou coulissant au centre de la semelle, libère le dos entier du boitier. Une bobine fixe, sur la droite, accueillera le nouveau film.

Le compteur de vitesse, manquant sur mon exemplaire, est sur le disque du levier d’armement. De ce que j’ai pu lire, il faut noter le nombre de vues du film (36, 24, …) sur le disque car le mécanisme va « décompter » les vues.

Enfin, le déclencheur, fileté pour accueillir un retardateur externe ou un câble souple, est doux et peu bruyant.

Que retenir de cet appareil ?

Franchement, il est compact et « dense » (500gr environ sur la balance). Sa prise en main est agréable. Malgré que l’exemplaire que j’ai trouvé ait souffert, on sent qu’il a été fabriqué avec précision et avec des matériaux de qualité (il n’y a quasi pas de plastique dedans).

Je ne sais pas si je parviendrai à rétablir le fonctionnement de son obturateur, ni à retrouver la couronne du compte vue, mais c’est un boitier que j’aimerais utiliser tant il semble « confortable ».

De plus, son télémètre doit donner de beaux résultats et l’optique qui l’équipe a bonne réputation.

Des exemples d’images ICI.

En Belgique, c’est un appareil assez peu courant, moins en France évidemment.

Si vous en trouvez un bel exemplaire, c’est une manière élégante de changer des habituels Electro 35, Minolta Hi-Matic, Canonet 28, Petri 7, p. ex.

Il n’a pas de cellule, il est tout mécanique, mais ça fait partie de son charme.

Soyons curieux, essayons-le, pour le plaisir de photographier.

Pour le mode d’emploi, c’est par LA.

Qui contient quelques perles :

Petite video d’illustration

Des références : http://foca-collection.fr/, http://roland.weber4.free.fr/, https://collection-appareils.fr/x/html/appareil-650-Foca_Focasport%20II.html, https://fr.wikipedia.org/wiki/Foca_(photographie), http://www.lumieresenboite.com/collection2.php?l=1&c=Foca_Sport_II, https://www.mes-appareils-photos.fr/Foca-Sport%202.htm, http://glangl1.free.fr/Photo2/Photo_O_297.html en français; http://www.photoethnography.com/ClassicCameras/index-frameset.html?OPLFocaSportII.html~mainFrame, en anglais

5 commentaires sur “Le Focasport II

    • Bonjour Fred, hélas le seul Foca que je possède est HS, obturateur bloqué (c’est celui de l’article). Si ces appareils sont beaux et qualitatifs, ils ont un soucis de fiabilité et les faire réparer requiert une expertise et des outils particuliers, en voie de disparition aussi. Sauf si c’est pour une raison précise, je te conseillerais alors un Zorki 1c, qui a aussi un « look » particulier et qui offre l’avantage de pouvoir y monter toutes les optiques en M39 (Leica). Va voir sur « les appareils à vendre », tu auras une idée. Mes amitiés.

    • Je peux sans doute, par personne interposée, te proposer ceci :
      FOCA Foca PF2Bis – ** gravées – modèle 3 N°58690 B FG230 (source Focagraphie, J.L. Princelle et D. Auzeloux). Oplar 1:3,5 f=5cm Obturateur : plan focal, toile. B, 1/25 à 1/1000 relativement « courant » car fabriqué en milliers d’emplaires . Telemetrique obj. Interchangeable. Obturateur à rideau de toile. Vitesses : pose B, 1/25 à 1/1000 de seconde. Armement couplé avec l’avancement du film. Réglage de la vitesse en soulevant le bouton d’armement. L’objectif standard de 5cm de focale (ici Foca Oplar ouverture F:3,5) est couplé avec le télémètre. Les autres focales disponibles les plus courantes sont les 2,8cm, 3,5cm, 9cm et 13cm. Ces objectifs ne sont pas couplés, le télémètre peut être utilisé pour faire une mesure de distance, il doit être ensuite ramené sur l’infini et la distance lue reportée sur la bague de réglage de l’objectif. Le dos ouvrant découvre entièrement l’intérieur de l’appareil. B, marques d’usure du boîtier liée à son âge !! On remarquera à cet égard l’absence de toute vis apparente.
      Dis-moi quoi que je m’enquiers du prix demandé. Bien amicalement.

  1. Toujours aussi captivantes ces histoires de la photo merci beaucoup Jp

    • Merci Serge, j’apprends toujours autant que vous, c’est ça qui est amusant. Presque deux siècles de photographie, ça laisse du champ pour encore découvrir des tas de choses. Toutes mes amitiés.

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