Le Watameter Super

Eh non, ce n’est pas un appareil photo mais un complément photographique, en l’occurrence un télémètre à fixer sur les appareils qui en sont dépourvus.

J’y ai quelques fois fait allusion dans quelques articles mais jusqu’à présent, je n’en avais pas trouvé à prix, disons, réaliste.

Ici, au creux d’une caisse fourre-tout en matériel hétéroclite mais photographique, un petit étui en cuir a aiguisé ma curiosité : bien m’en pris, c’était celui d’un Watamater Super en parfait état et que le vendeur m’a cédé à ce prix « réaliste » (enfin, pour moi).

-« Heu, mais à quoi ça sert ? »

Excellente question, à laquelle je vais de ce pas répondre.

Si vous me lisez c’est que vous aimez nos vieux appareils et peut-être plus particulièrement les appareils à mise au point manuelle, comme les anciens pliants (folding) du style des Voigtländer Perkeo ou des Zeiss Ikon Ikonta Nettar, voire encore un Balda Baldessa 1, les exemples ne manquent pas.

Ces appareils offrent la possibilité de faire la mise au point par zone (le zone focus), c.-à-d. prérégler la distance à l’avance. Cela fonctionne très bien mais n’est pas d’une grande précision.

Mais comme me le faisait justement remarquer Fred d’Histoire de Photos, lorsqu’il s’agit d’être précis (en portrait par exemple), la mise au point doit être rigoureuse.

C’est là que des accessoires comme celui-ci sont utiles, vous allez comprendre.

Mais d’abord, précisons qui est le Watameter.

Wata est une marque allemande pour laquelle je n’ai pas su trouver beaucoup d’infos, si ce n’est qu’elle fabriquait, entre les années ’40 et ’70 des produits pour la photographie dont ces télémètres indépendants, les Watamater et un WataPress, un flash.

Source : Collection-appareils

De fait, la société WATA a été créée en 1946 par Edmund Wateler (1899 – 1964) en Allemagne.

Edmund Wateler fut d’abord employé chez Hauff-Leonar (produits photographiques) puis on le retrouve directeur des ventes chez Gevaert Gmbh (1932) à Berlin.

C’est toujours dans cette ville qu’il devient le représentant régional pour Voigtländer (1935).

A la fin de la seconde guerre mondiale, en 1946 donc, il ouvre son usine à Brunswick. Il y produira, dès 1951, le télémètre Watameter et le Watamat (un transducteur optique de gradation ?! – en fait un appareil pour le grossissement optique) et un calculateur pour flash.

Mais c’est réellement en 1952 que la société prend de l’ampleur, à l’issue d’un accord de partenariat avec la société anglaise Photopia, pour distribuer ses produits au Royaume Uni. Cette entreprise s’était spécialisée dans la vente d’accessoires pour appareils photo.

De 1953 à 1972, la société Wata a conçu des projecteurs de diapositives, des supports pour la télécopie, des accessoires pour flash et ces fameux télémètres accessoires.

Il semblerait que la société existe toujours et se soit spécialisée dans la vente directe.

Mais concentrons-nous sur le Watameter. Il existe trois versions de cet accessoires ; le I, le II et Super.

Sans surprises, ils évoluent avec la version :

  • le Watameter I est un simple télémètre avec lequel vous faites coïncider les deux images en tournant une molette et vous lisez le résultat sur celle-ci,
  • Le II possède une échelle bien visible à l’intérieur du télémètre, plus besoin de regarder la molette, qu’il faut continuer à faire tourner pour la mise au point,
  • Le Super garde les caractéristiques du second plus une échelle sur la molette pour les gros plans entre 30 et 50cm (12 et 20 pieds).

Pour ce troisième opus, même si cette faculté de descendre si près du sujet est un plus indéniable, il y avait toutefois un soucis lors des gros plans : le réglage de la distance de l’appareil était calculée à partir du dernier élément de l’objectif. Or le Watameter Super calcule à partir de son miroir, c.-à-d. au milieu du boitier. Il faut donc mesurer la distance entre l’objectif de l’appareil et la position du télémètre ajouté, puis soustraire celle-ci du résultat mesuré ! Pour une fois votre Smartphone à tout faire va vous être utile, surtout « l’app » calculatrice …

Bien évidemment, chaque version aura son petit lot de modifications, souvent cosmétiques mais le principe reste le même.

Ensuite, il existe aussi une version combinée, le WataCombiMeter qui est un télémètre ordinaire comme le modèle I avec en plus un posemètre à extinction dans une version très simple, visible dans le deuxième oculaire. Il ne fonctionne qu’entre 17 et 23 DIN ou 40 à 160 ISO. Si cela a l’air pratique, sachez que les compteurs d’extinction sont plus une supposition qu’une mesure réelle. Mais cela avait le mérite d’exister !

Concrètement, comment ça fonctionne ?

Vous glissez le Watameter dans la griffe porte-accessoires de votre boitier.

Ensuite, vous dirigez le télémètre vers votre sujet et regardez dans le minuscule trou et là, oh surprise, vous verrez, sur votre gauche, une échelle de distances et sur votre droite un losange jaune qu’il faut faire coïncider sur l’image que vous regardez en tournant la molette.

Etonné, mais content, vous verrez les images devenir nettes et, sur la gauche donc, la distance réelle à laquelle elles le sont.

Franchement, ça m’épate ! Voir aussi bien les infos dans un trou aussi petit est une expérience …

Source : Casualphotphile

Il vous reste à reporter cette distance sans que vous ou votre sujet ne bouge, sur l’objectif.

La mesure est bonne de 55cm à l’infini.

Techniquement, le principe est celui de la triangulation : les images des deux fenêtres sont focalisées à travers un prisme et un miroir pour mesurer la différence entre ce que la fenêtre « voit » pour calculer avec précision la distance.

Vous verrez ainsi deux images « irréelles » du même sujet mais l’une se déplace lorsque la molette, calibrée, est actionnée. C’est la rotation de la molette qui fait converger ou diverger les images et lorsque celles-ci se superposent, cela définit le moment où l’image est nette.

J’ai évoqué plus haut la capacité « macro » du Watameter Super, avec une nuance toutefois : jusqu’à 55cm, vous lirez les distances sur le disque de graduations internes mais pour celles en deçà, vous devrez les lire que le disque externe (la molette de réglage).

Comme tout télémètre, il est fragile, surtout aux chutes et aux brusqueries inutiles. Mais si vous deviez constater un dérèglement, il est possible d’y remédier.

Deux réglages sont possibles : horizontal avec la roue fixée au milieu de la molette de réglage, et vertical grâce à la petite roue fixée sur la gauche de l’appareil.

Et sur ce modèle, le Watameter Super, vous avez aussi la possibilité, si besoin, de faire l’étalonnage de la distance, avec la vis située à côté de la molette.

C’est une particularité qui fait de ce Watameter Super une référence car sur les autres marques, ces réglages existent, mais il faut ouvrir l’engin pour les effectuer. Un très bon point donc.

Bien qu’il s’agisse là d’une fonctionnalité intéressante, cela signifie également que le cadran est facile à modifier par erreur, il faut donc veiller à vérifier l’étalonnage avant la prise de vue. Cela se fait assez facilement en sélectionnant quelque chose à l’infini, puis en tournant le cadran jusqu’à ce que l’image du télémètre coïncide.

Question pertinente : est-ce un accessoire utile ?

En photos de rue, non (quoique on peut aussi prendre son temps en Street !), le zone focus est amplement suffisant.

Mais en photo de portrait, d’architecture, oui car vous aurez alors la mesure exacte de la distance, ce qui vous garanti une netteté là où vous la vouliez (comme le disait encore Fred, en portrait, rien de plus vexant qu’une oreille nette alors que vous visiez l’œil).

Question subsidiaire : on en trouve souvent ?

Ben non, sauf sur un grand site de vente bien connu mais là, attention aux prix, qui fluctuent fonction de la marque du télémètre d’appoint, bien évidemment.

En théorie, le Watameter n’est pas rare car il était plus abordable que d’autre en son temps (1952) mais comme beaucoup d’accessoires de ces années-là, il a disparu dans des caisses de « brol » dont les enfants et petits-enfants ne connaissaient pas la nature ni l’utilité, quand ce n’est pas à la déchetterie (j’en frisonne).

Citons quelques marques, pour vous aider : Truline Rangefinder par JL, Leica Leitz télémètre FOFER (prix délirants garantis !), Gustav Heyde Photo telemeter, Gnome rangefinder, Präzisa Range Finder, Photometer, Ideal Range Finder, Medis Range Finder, et d’autres ci-dessous, en plus de ce Watameter.

Source : Casualphotophile

Sauf pour le Fofer de Leitz, les prix sont autour des 50 à 70€, ce qui reste abordable. N’oubliez pas que cet accessoire pourra être monté sur tous appareils qui en sont dépourvus, toutes marques confondues (heu … vérifier quand même que l’ajout de ce télémètre vous permet encore d’accéder aux commandes du boitier !) pour peu qu’il y ait une griffe (idéalement au milieu).

Faites attention aussi car la plupart des télémètres ont été gradués en mètres ou en pieds (ce qui est moins pratique pour nous, habitués au système métrique).

Pour plus de facilité, le summum est de l’acquérir avec son étui, qui s’accroche par des passants à la lanière de l’appareil.

Voilà, voilà …

Un accessoire utile, qui demandera un peu de recherche mais qui vous le rendra bien.

Petite video d’illustration sur le principe du télémètre

Pour le mode d’emploi, c’est par ICI ou à télécharger

Pour les férus de technique :

Fabricant : Edmund Wateler, Fabrik Opt.-Fotogr. Erzeugnisse
Fabriqué à Brunswick ; Allemagne c. 1952
Monture avec un sabot « froid » standard
Unités : mètres/pieds
Portée : 20cm – 50cm + 50cm à l’infini
Échelle normale : 0,55 / 0,60 / 0,65 / 0,70 / 0,80 / 0,90 / 1 / 1,2 / 1,5 / 2 / 2,5 / 3 / 4 / 6 / 12 / oo mètres
Échelle macro : 30/35/40/45/50 centimètres
Caractéristiques spéciales : Échelle de distance dans la visionneuse, échelle macro, oculaire remplaçable par la version étendue.
Étalonnage : Bouton ou vis au centre du cadran de réglage pour la distance, bouton ou vis pour l’alignement vertical sur le côté gauche du corps (modèle Watameter Super uniquement)
Taille : L=69 mm H=24 mm P=28 mm
Poids : 40 grammes.

Des références : https://photothinking.com/20170822watameter-what-the/, https://120folder.com/watameter.htm, https://photos.simark.net/watameter-super-range-finder/, https://camerapedia.fandom.com/wiki/Watameter, https://casualphotophile.com/2019/08/19/watameter-super-the-rolls-royce-of-rangefinders/ en anglais; https://kameramuseum.de/objekte/wata-watameter-ii/, en allemand

2 commentaires sur “Le Watameter Super

  1. Je ne connaissais même pas l’existence de cet accessoire !
    Merci pour ce moment de culture photographique, Jean-Pascal. 🙂

    • Merci Phil, tu sais que j’aime bien partager mes découvertes et je suis heureux qu’elles soient intéressantes pour l’un(e) ou l’autre. Toutes mes amitiés.

Vos commentaires sont les bienvenus, ils aident à faire avancer nos réflexions.

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