Le Zenit 122

Alors, dans la catégorie des appareils moches, celui-ci a toute sa place … Bien que l’esthétique soit affaire de goût et de sensibilité personnels, je me permets ce jugement péremptoire.

Mais avant d’aborder cet appareil, il serait utile de le situer dans le temps et l’espace.

On associe plus vite la marque Zorki à KMZ Krasnogorsk que celle de Zenit.

Les Zenit sont apparus en 1952, sur la base du Zorki 1, qui était une copie du Leica II de … 1934.

S’en est suivi une longue liste d’appareils siglés Zenit qui avaient pour principal attrait une certaine robustesse et un prix « démocratique » (fabriqué en Union Soviétique puis en Russie).

Ces appareils ont été vendu en masse et parfois exportés sous d’autres noms de marques commerciales : « Zeniflex », « Revue », « Revueflex », « Cambron », « Kalimar », « Prinzflex », « Meprozenit », « Phokina », « Spiraflex », etc.

Comme il se doit, les appareils photo Zenit étaient principalement exportés dans les pays socialistes, mais pas seulement : ils étaient également présents sur les marchés européens comme en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en France, en Italie et au Royaume-Uni, où ils concurrençaient les marques occidentales.

Pour vous donner une idée de volume, le modèle le plus répandu est le « Zenit-E » (1965-1982), vendus à plus de huit millions d’exemplaires.

La marque elle-même fut encore utilisée pour exporter la production d’autres entreprises soviétiques, moins connues.

Et comble du succès, il y a eu aussi des cas d’utilisation abusive de la marque « Zenit » par des fabricants de matériel photographique asiatiques, notamment, .

Vingt ans après le premier reflex Zenit, sort le Zenit-16 (1972) qui sera un des tous premiers appareils photo en plastique. L’appareil a ainsi gagné en maniabilité et son utilisation a été rendue plus facile.

Quoique l’on en dise, les réflex Zenit ont remporté un grand nombre de prix internationaux et de récompenses.Par exemple, en 1979, le Zenit-EM a été plébiscité par le magazine britannique « What camera? », se voyant décerner le titre d’Appareil photo de l’Année.

Mais toutes les bonnes chosses ayant une foin, la production des appareils photo Zenit a cessé en 2005.

Pourtant, elle sera relancée en 2018 dans l’usine historique de Krasnogorski par Rostec Corporation, propriétaire de celle-ci et projette de concurrencer les marques Leica et Hasselblad, rien de moins !.

Tout comme les Praktica, les Zenit ont souvent été des appareils école dans les pays occidentaux : peu chers mais possédant le minimum syndical pour faire des photos, ils ont conquis nombre d’amateurs, bien heureux de trouver là de quoi faire leurs premières armes à prix plus que raisonnable. Sachant aussi que ces appareils utilisaient la monture « universelle » en M42, ils vous donnaient accès à une multitude d’objectifs eux aussi très abordables.

Qui de vous n’a pas rencontré un jour cet appareil, en brocante ou sur le Net ?

source : https://www.digifotopro.nl/zenit-photosniper-letterlijk-fotos-schieten

Le « fameux » Photosniper qui vous fait ressembler, au mieux, à un paparazzo au pire à un terroriste !

Hé oui, le Zenit a été mis à toute les sauces.

Mais revenons à notre Zenit 122.

C’est donc un reflex fabriqué par KMZ, présenté en 1990 et fabriqué jusqu’en 2005 à 1.971.745 exemplaires.

Il garde la monture à vis en M42 mais il introduit le plastique (de l’ABS) dans sa construction, autrefois confiée au seul métal.

En fait, il s’agit d’un bon vieux 12XP sur le châssis duquel KMZ est venu greffer une enveloppe plus « moderne » en plastique. Ils en ont profité pour redessiner certaines commandes, comme le retardateur qui a prit une place étrange, dans la poignée, sous forme d’une molette latérale qui intrigue au premier abord, avant que l’on comprenne à quoi elle sert.

Outre ce ravalement de façade, on peut noter – surtout – l’apparition d’un compteur de vue qui se remet à zéro automatiquement lorsque l’on presse sur le bouton de débrayage lors du rembobinage du film.

Sur certains modèles, il y a aussi une curieuse fenêtre rectangulaire qui permettait de glisser un bout de l’emballage de votre film, un mémo en somme, à gauche de l’objectif (appareil face à soi). Tous les autres fabricants ont mis ça à l’arrière, pas KMZ.

Pour le reste, il possède un posemètre TTL (mesure à travers l’objectif donc), avec des témoins par LED rouges ou verte dans le viseur.

Les LED rouge indiquent soit une sous-exposition (celle du bas) soit une surexposition (celle du haut). Si elle est verte – celle du milieu -, c’est que le réglage est bon.

Le posemètre est construit avec deux petite cellules CdS placées derrière le prisme, ce qui donne une très bonne précision notamment lors des prises de vue en milieu plus sombre. La cellule est calibrée pour des sensibilités de 25 à 400 Iso.

Au niveau viseur, un champ de micro prisme entoure un stigmomètre. L’oculaire est grand mais pas spécialement lumineux bien qu’il soit une nette amélioration de celui du Zenit 12 XP. (lentille de Fresnel plus fine, dépoli sur 4 zones autour du champ de micro prisme)..

L’obturateur est un rideau, à plan focal horizontal, donnant les vitesses de 1/30s à 1/500s, plus une pause B. C’est toujours l’obturateur du 12XP, lui-même hérité des appareils précédents. La séquence des vitesses est « à l’ancienne » : 1/30s, 1/60s, 1/125s, 1/250s, 1/500s, synchro-flash 1/30s, B

Le boitier possède un retardateur, comme je l’écrivais, à la commande bizarrement placée dans la poignée : il faut tourner une molette, qui définit plus ou moins le temps du déclenchement et puis il faut appuyer sur le bouton qui se trouve sous les chiffres 122 pour l’actionner. Et il n’est pas vraiment discret ni très facile à mettre en œuvre car il faut d’abord armer (pour fermer le diaphragme), enclencher le retardateur avec la fameuse molette puis le démarrer avec le bouton en façade.

Il possède encore une griffe flash, synchronisée au 1/30s.

Et comble de la félicité, il y a même un testeur de profondeur de champ !

Bref, que penser de cet appareil ?

Il n’est pas cher, c’est déjà une bonne chose (j’ai payé le mien 15€ avec un objectif 50mm et un flash électronique) mais cela suffit-il ?

Il est bruyant ! Non seulement l’habillage en ABS « couine » lorsqu’on manipule le boitier mais toutes les commandes sont sonores : l’armement, le déclencheur, le retardateur. Si vous devez passer inaperçu, oubliez le !

Ou alors utilisez le Photosniper avec un long, très long téléobjectif pour qu’on ne vous entende plus du tout … à moins de cinquante mètres

La course du levier d’armement est longue, rugueuse. Le déclencheur demande une certaine force, ce qui ne facilite pas les prises de vue à base vitesse (risque de flou de bougé) et il n’est pas discret non plus.

Deux bonnes vieilles LR44 à tout faire suffisent pour l’animer – notons qu’il est tout mécanique, les piles ne servent qu’à l’alimentation de la cellule couplée.

Il peut être fragile, j’ai lu quelques exemples où la panne fréquente semble être le rideau qui se décroche (mais c’est une panne connue des Zenit).

Sa tenue en mains n’est pas désagréable mais nous sommes loin du confort des Eos ou Minolta de la même époque.

Sans doute était-ce pour contenir les coût, mais les solutions techniques retenues étaient franchement dépassées : la cellule a une sensibilité peu étendue, les vitesses sont dans la veine des appareils des années cinquante/soixante, hors il est sorti en 1990 !

Si je devais faire un petit tableau récapitulatif, j’y mettrais :

Zenit 122ouinon
ergonomie+
silence de fonctionnement– –
viseur+
agrément d’utilisation
choix d’objectifs++
solutions techniques
prix+++
parc optique M42++

Voilà, je sens que je ne suis pas tendre avec ce Zenit 122, et je ne peux m’empêcher de penser qu’il a été produit pendant 15 ans et qu’il s’en est vendu près de 2 millions d’exemplaires !.

Des avis que j’ai pu lire pour préparer cet article, beaucoup en était satisfait, notamment grâce au parc optique souvent de qualité qui permettait de tirer le meilleur de cette boîte à images.

Alors si vous voulez vous lancer vraiment à moindre coût dans l’aventure argentique, avec un réflex, celui-là est pour vous. Mais ne dépensez pas plus de 15€.

Il vous en donnera pour votre argent et même un peu plus si vous trouvez une bonne optique à prix bradé (vive les brocantes) mais le lui en demandez pas plus que ce qu’il peut vous offrir.

https://i0.wp.com/www.collection-appareils.fr/gestion_catalogue/images/1581328351.jpg?w=640
source : Collectin-appareils, Photokina 1991-92

Quelques données techniques /

  • Reflex 24×36 à objectif interchangeable, M42 avec commande de fermeture du diaphragme.
  • Mesure de la lumière à travers l’objectif par cellules CdS
  • Alimentation: 2x LR44.
  • Obturateur à rideau textile type Leica, armement par levier.
  • Séquence de l’obturateur: B, 1/30s, 1/60s, 1/125s, 1/250s, 1/500s, synchro-flash 1/30s, retardateur.
  • Chargement: dos à charnière.

Petite video d’illustration

Pour le mode d' »emploi, c’est par LA

Quelques références : https://camerapedia.fandom.com/wiki/Zenit_122, http://vintagecameras.info/zenit-122-instruction-manual-with-photos-and-tips/, https://sovietcameras.org/zenit-122/,en anglais, http://t.hacquard.free.fr/site1/zenit_122.html, http://www.collection-appareils.fr/x/html/page_standard.php?id_appareil=1509 en français, https://internoinbakelite.wordpress.com/2012/05/22/la-vite-m42-e-praga-prima-parte/ en italien

4 commentaires sur “Le Zenit 122

  1. On nous parle, on nous montre, on nous vend des appareils vintage mais on nous montre jamais de photos faites avec ces appareils et c’est bien dommage car cela relancerai surement l’argentique. Merci.

    • Bonjour Serge, en ce qui me concerne, il est vrai que je n’utilise pas tous les appareils décrits, parce qu’il y en a trop. Mais si vous avez été attentif, j’essaie toujours de donner des exemples de photos prises, par d’autres, notamment sur Flickr ou Lomography, où il existe une grande communauté de « pratiquant/es » de l’argentique. Si vous convoitez un appareil, allez y faire une visite, vous pourriez être surpris du nombre d’appareils remis en route. Ensuite, d’autres, que je cite souvent en références, ont testé les mêmes appareils et certains ont posté les photos qu’ils/elles avaient réalisées. Enfin, dans « les histoires photographiques », vous découvrirez parfois des images faites non seulement avec les numériques mais aussi avec quelques uns des argentiques qui me sont passé dans les mains. Je sais, le site est dense mais comme nous risquons, avant l’été, d’avoir encore quelques longues journées/soirées pluvieuses, ce sera l’occasion de fouiner un peu.
      Maintenant, « relancer l’argentique » est comme un baroud d’honneur face à la déferlante des appareils numériques avec lesquels on nous assomme de termes techniques, de performances hallucinantes : tous les jours nous croisons les doigts pour que les fabricants estiment qu’il est encore rentable de fabriquer des films. Et malgré l’engouement de nombreux adeptes des sels d’argent, des marques arrêtent encore la fabrication de telle ou telle pellicule … Bien cordialement.

  2. J ai eu un Zenit et cet appareil était plutot un vrai désastre. J ai gaché des pellicules car le dos de l appareil s ouvrait tout seul. Des boutons ne tenaient plus sur l appareil et il fallait les revisser, le revetement de l appareil, une espéce de papier se décollait et pour finir un rideau s est décroché et l appareil a fini à la poubelle. Et pourtant je n ai pas fait un usage intensif de cet appareil, à peine 500 photos et diapos

    • Bonjour Jean, merci de ce témoignage. J’avais le pressentiment que cet appareil n’était pas une pièce d’horlogerie mais votre expérience prouve que ça pouvait être pire. Ça me rappelle les premières Lada Samara qui arrivaient en Belgique : les concessionnaires consciencieux refaisaient le tour des voitures pour tout faire tenir car rien n’était correctement fixé, les joies de plans quinquennaux de l’URSS !
      Je crois que finalement, c’est le XP12 et le Zenit E qui ont été les « meilleurs ». J’espère que vous avez ensuite trouvé votre bonheur dans une autre marque plus fiable. Bien à vous.

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