Le sursaut des sels d’argent.

Cela ne vous échappe pas, le matériel photographique argentique subit un large regain d’intérêt depuis au moins trois ans.

Si cet attrait intéresse surtout la génération Y, celle qui a encore connu l’argentique, elle intrigue la génération Z (celle d’après les années 2000) qui n’a pas connu ces appareils ni ces techniques.

Pourquoi ce regain ?

Nous pourrions penser a un effet « post-covid », où les photographes « à l’ancienne » se découvraient plus de temps et l’envie de re découvrir des techniques autrefois maitrisées, pour lesquels ils avaient encore – parfois en tout ou partie – du matériel utilisable : appareil photo, matériel de développement, de labo, …

Cela a sans doute joué, mais pour la génération des plus jeunes, il s’agit clairement d’une forme de rejet, peut-être même inconscient, des techniques trop parfaites, trop surfaites, trop manipulées ou manipulables (phénomène des AI).

Ne soyons pas naïfs, les manipulations existaient aussi au temps de l’argentique (rappelons-nous les photos d’officiels disparaissant au gré des coups d’états sur les photos « historiques »). Toutefois, déposer son film, ou le développer soi-même, apporte toujours cette magie de l’image qui se révèle et la certitude, à ce moment précis, que cette image est la traduction intacte d’une vision, qui peut être toute personnelle.

Une autre raison pourrait être évoquée, celle de pouvoir « réellement » partager un moment de vie.

Fuji l’a très bien compris et c’est une des raisons qui fait cartonner les films Instax : nos plus jeunes découvrent les joies de la photo instantanée, que l’on partage « en vrai », physiquement, qui reste en souvenir tangible d’un moment de « communion » entre ami(e)s.

C’est ce qui a expliqué, un moment, le retour en grâce des vieux Polaroid. Cependant, la gourmandise et/ou la radinerie de la marque (dont tout le monde connait maintenant la saga) font que même les plus assidus se posent des questions : 8 vues au lieu des 10 d’antan, un prix qui frôle voire dépasse les 2€ la vue, ça fait réfléchir !

D’autant que la qualité des films plus modernes, Instax ou Zink, distance réellement celle des Pola. De même, les appareils d’aujourd’hui proposent des solutions bien plus intéressantes/utiles que celles des ancêtres de l’instantané.

Autre indice sérieux de l’intérêt renouvelé pour l’argentique : le prix des vieux appareils, qui ne cesse de monter, parfois – souvent – au delà de tout réalisme.

J’en fais souvent l’écho dans les articles que je vous soumets, horrifié de voir aujourd’hui que des appareils vendus hier entre 10 et 15€ atteignent voire dépassent les 100€.

Cela concerne tant de vieux reflex, que des télémétriques, que les compacts des années nonante, et, dans un autre mesure, les moyens formats.

Autrefois dédaignés, délaissés, tout ce qui touche aux sels d’argent semble se muer en valeur or !

Enfin, un troisième signe, pourtant tout à fait improbable il y a encore moins de deux ans, des marques historiques nous ressortent, ou sont sur le point de le faire, des appareils neufs mais avec film.

Oublions peut-être Leica et son « new » M6 au prix stratosphérique mais Pentax, un autre vieux de l’histoire photographique, semble sur le point de nous ressortir un « tout mécanique » à prix capable de rivaliser avec ce qui se vend aujourd’hui, en occasion.

pour passer à la traduction en français, allez dans les « paramètres, sous-titres« 

Effet de mode, baroud d’honneur ? La question reste en suspend car elle implique quand même quelques questions. A moins d’avoir gardé dans leurs cartons à archives des plans réutilisables (des modèles de dernière génération qui ne seraient pas sortis à cause de la déferlante du numérique), on s’imagine mal les services RD (recherche et développement) se lancer à grands frais dans cette aventure.

D’autant que ces firmes, et les autres aussi d’ailleurs, n’ont plus le personnel ayant les connaissances de ces appareils. A moins de rappeler quelques ingénieurs retraités et encore vaillants ?

Économiquement, tout le monde est d’accord, ce n’est pas réaliste.

Et pourtant … nous aimerions y croire : posséder un appareil argentique, garanti, à un prix abordable, utilisant – ironie de l’histoire – les optiques des numériques pour ne pas devoir se refaire une sacoche de cailloux onéreux, ce serait comme un rêve devenu réalité …

Une autre piste serait peut-être que des labo puissent de nouveau assurer la réparation, l’entretien de ces anciens appareils, sachant pertinemment que le stock de pièces diminue et/ou se fait rare. Il y aurait quelques essais, mais encore bien isolés.

En attendant, modestement, ce site continue à vous proposer de (re)découvrir des appareils d’autrefois, surtout ceux que l’on peut encore utiliser sans trop de complications (on trouve encore des objectifs, des accessoires), en gardant en mémoire qu’ils sont toujours susceptibles, un jour, de ne plus fonctionner, sans trop d’espoir.

Mais tant qu’ils nous délivrent les images qu’ils sont capables de faire, profitons-en, presque deux siècles d’histoire photographique, ça laisse un parc suffisant et des moments de bonheur.

8 commentaires sur “Le sursaut des sels d’argent.

  1. Lors de manifestations publiques, je vois de plus en plus de jeunes (- de 30 ans) avec des appareils argentiques. Encore ce matin, une jeunette avec un bel Olympus OM2 noir et un jeune père de famille et son Leica M6. Feu de paille ou vraie tendance ? je ne suis pas spécialiste du marketing mais comme les fabricants de film ont du mal a suivre (ruptures de stock à droite à gauche), il y a bien quelque chose qui se trame… Cordialement.

    • Bonjour Nic, la plupart des commentaires vont dans le même sens, il y a un nouvel essor de l’argentique. Pour toutes les raisons que j’ai citées, et peut-être d’autres encore. Cela va-t-il perdurer, comme disait le grand William, « that the question ! ». Bien à toi.

  2. Curieusement, il se passe le même phénomène avec la musique. Le disque vinyle revient également en force. Ce qu’il se passe est étrange…
    Bonne semaine.

    • Bonjour Phil, oui, comme une espèce de rejet de ce qui va trop vite, trop loin, trop cher. Généralement, au changement de siècle, on peut comprendre ces espèces de « replis » sur des bases connues et rassurantes, mais ça fait plus de vingt ans que nous avons franchi le pas. Sont-ce les situations ,trop complexes, du monde qui nous entourent qui agissent de même ? Je ne suis ni sociologue ni psy, mais ce serait intéressant de connaître leurs avis. Toutes mes amitiés.

      • J’y vois surtout la marque d’une volonté de re-possession face à la soit-disant intelligence artificielle, aux algorithmes de la photo numérique et au diktat des plateformes de streaming. Une fois le négatif ou le disque vinyl en main, plus besoin d’intermédiaire et surtout, comme on dit en anglais, « what you see is what you get ». Cordialement.

        • Oui, cela s’inscrit en toute logique dans le mouvement de la décroissance, du temps de comprendre ce qui se passe et de prendre le temps de jouir de ce qu’on nous propose, sans courir, avec des choses simples que le plus grand nombre peut s’approprier sans avoir fait « math. sup. ». Juste retour des choses ou volonté exprimée de ralentir un progrès qui n’est plus à notre service ? Bien à toi Nic.

  3. Voilà un état des lieux très éclairé du marché de l’argentique. J’ai le même ressenti que toi et je me retrouve dans ceux que tu nommes les photographes à l’ancienne. Et c’est beaucoup grâce à toi que je redécouvre cet univers avec passion, alors que je n’ai jamais cessé de travailler en argentique. Tu m’as donné comme un second souffle et l’envie de proposer autre chose que du noir et blanc classique à mes clients. Amicalement. Fred

    • Merci Fred, c’est gentil. Etre « photographe à l’ancienne » ne veut pas dire dépassé, que du contraire, c’est justement grâce à l’expérience acquise dans deux techniques qui se sont suivies que tu peux apporter des regards différents, réfléchis et qui permettent in fine, d’innover dans la présentation de tes services aux clients. Ici, ils ont un choix bien plus grand, plus respectueux aussi, je pense, de leur sensibilité car ce n’est pas que la technologie qui parle, c’est le photographe qui, les ayant écouté, peut leur proposer le meilleur service. Il faut parfois peu de chose quant le talent est là pour rebondir sur de nouvelles idées. Toutes mes amitiés.

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