L’Agfa Solinette II

Après le Kodak Retina IIc, le Weltix (plus ancien, 1939) qui utilisaient du film 24×36, j’ai eu envie de retrouver quelques formats en 120 et 6×6, comme le Zeiss Ikon Ikonta M ou l’Agfa Isolette.

Et puis, par hasard, j’ai trouvé ce petit Agfa Solinette II, qui revient au 135 sous des dehors de 120.

Instantanément, on revient aux années cinquante … soit septante ans en arrière (soixante-dix outre Quiévrain).

Cet appareil fut fabriqué ente 1952 et 1955. Il va s’en dire que la mode des pliants commençaient à s’essouffler, les télémétriques prenaient le pas, les TRL (double objectifs type Rolleiflex et consorts) n’avaient pas dit leur dernier mot et les reflex pointaient le bout de leurs objectifs … interchangeables !

Agfa ne s’est pas trop casé la tête pour trouver une source d’inspiration, il est dans le style du moyen format Agfa Isolette.

Même abattant qui s’ouvre vers le bas, même viseur placé au centre, les deux mêmes boutons au dessus (un pour ouvrir l’appareil, l’autre comme déclencheur), même corps en tôles embouties, etc. mais le tout réduit à la taille du film 135mm.

Il lorgne clairement vers le Retina de Kodak avec, pour mon impression personnelle, l’avantage de cette porte qui s’ouvre vers le bas, contrairement au Kodak, qui s’ouvre vers la droite. Mais c’est très subjectif …

Deux appareils sortiront sous la dénomination Solinette : la première et la Solinette II, et cette dernière est beaucoup plus courante. Aux États-Unis, elle sera vendu sous la marque Ansco et appelée Ansco Regent.

Pas de révolution ici, mais du « bien fait », robuste et simple, sans fioritures superflues, rien que du nécessaire pour l’époque : armement manuel de l’obturateur et déclencheur sur le capot, verrouillage pour prévenir la double exposition, obturateur synchronisé pour le flash avec prise PC et griffe froide/porte-accessoires sur le dessus du boitier.

Dès que l’abattant s’ouvre, l’ensemble obturateur/objectif se met en place et se verrouille grâce à des solides charnières, bien rigides. Pour refermer, il faut appuyer en même temps sur les deux genouillères, sans devoir ici mettre l’objectif sur une position quelconque (contrairement au Retina où il faut se mettre sur l’infini avant de fermer le soufflet).

Pas télémètre ici, même non couplé, juste un viseur un peu étriqué mais qui rempli son rôle. Cet accessoire sera réservé à la Super Solinette.

Comme pour ses concurrents et dans la gamme même des pliants Agfa, il existait plusieurs variantes d’objectifs et d’obturateurs, comme indiqué dans le tableau ci-dessous :

Solinette II SolinarSolinar f/3.5/50mmSynchro-Compur
Solinette II Prontor SVSSolinar f/3.5/50mmProntor-SVS
Solinette II ApotarApotar f/3.5/50mmProntor SV
L’Apotar est un triplet, le Solinar comporte 4 éléments

Les combinaisons des uns et des autres influaient directement sur les prix de vente et pour vous, sur le prix d’achat si vous en trouvez en brocante, vide-grenier ou autre.

Celui que je vous soumets est équipé d’un Prontor SV et d’un Apotar 50mm ouvrant à f3,5. C’est celui le plus abordable et le plus courant.

Pour en terminer avec la lignée et avant d’en venir aux choses sérieuses (comment ça marche ?), juste écrire encore que la Silette fera suite à la Solinette, même si les deux appareils seront vendus ensemble un moment. Suite au restylage de la Silette, en 1958, un nouveau modèle, cette fois entièrement carrossé, portera encore le nom de Solinette

Venons-en donc à l’utilisation, fort simple vous verrez, de ce petit pliant.

Sur le dessus, à gauche, un bouton en champignon, quasi identique à celui sur la droite. Lorsque vous l’enfoncez, la porte s’ouvre et les articulations rigides se mettent en place, bloquant le combiné objectif/obturateur là où il faut.

Toujours sur le dessus, au milieu, une griffe froide pour y fixer un flash. Juste devant celle-ci, un cadran chiffré, le compteur de vue, qu’il faut remettre à zéro manuellement. Pour ce faire, il faut actionner le bouton plat à gauche et le bouton en saillie, à droite jusqu’à ce que vous arriviez à la lettre A, en rouge. Un peu fastidieux, mais on s’y fait.

Pour placer un film dans la chambre, juste ouvrir le dos monté sur charnières en baissant la tige du verrou. Lorsque vous avez glissé l’amorce du film dans la bobine réceptrice, vous actionnez la bobine crantée à la main pour avancer la pellicule en vérifiant qu’elle est bien prise dans les ergots de la tige d’entrainement. Vous tournez celle-ci jusqu’à ce qu’environ 3cm de film soit pris dans la bobine réceptrice. Puis vous fermez le dos et vérifiez que vous arrivez bien au chiffre un en déclenchant normalement au moins deux fois.

Lorsque vous serez en bout de film, il suffira d’appuyer sur le bouton en saillie pour débrayer le mécanisme et pouvoir rembobiner avec la molette de gauche (marquée d’un R).

Je vous le concède, on a fait mieux plus tard …

Revenons sur le haut de l’appareil et sur le second bouton en champignon, le déclencheur.

Comme sur les autres pliants que nous avons déjà vu, si vous n’avez pas armé le déclencheur situé sur l’obturateur, il ne se passera rien. Ce bouton actionnera juste un jeu de cames qui libèreront le déclencheur de l’obturateur.

Autre particularité : s’il n’y a pas de film dans l’appareil, vous ne pourrez pas réarmer celui-ci, sauf à tricher en faisant tourner à la main la tige avec les ergots destinés à tirer le film vers la bobine réceptrice.

La molette de droite sert à armer le déclencheur et engage la sécurité contre les double expositions, que l’on contourne, comme d’habitude en actionnant avec le doigt la came de déclenchement (ah, il faut savoir ruser !).

Voilà, voilà, … nous avons placé un film dans la chambre et sommes prêts à faire nos premières photos.

Comme cet appareil n’est pas équipé d’un télémètre pour faire la mise au point, deux solutions : soit vous travaillez en zone focus, c.-à-d. en prédéterminant la zone dans laquelle vos sujets seront nets, grâce notamment à la grille gravée sur le fut de l’objectif; soit vous achetez un télémètre ancien (du style Watameter) ou un électronique, que vous fixez sur la griffe, et vous reportez la distance indiquée sur l’objectif en tournant la roue crantée à l’arrière, je vais y revenir.

Honnêtement, la première solution est la plus rapide.

Si vous placez la distance sur 3m avec une ouverture de f5,6, vous serez net de 4m à 2,5m; si vous ouvrez à f8, vous serez bon de 4,5m à 2,2m.

Pour régler la vitesse, c’est avec la première roue crantée, à l’avant que vous allez l’ajuster. Les vitesses s’échelonnent de 1s à 1/300s, plus la pose B.

L’ouverture elle se règle avec le curseur qui est derrière le levier d’armement de l’obturateur (de f3,5 à f22).

Dans le prolongement, vous trouverez un second curseur, que vous ferez glisser en X ou en M selon le type de flash que vous allez utiliser. La synchro est 1/25 ou au 1/50s en X. En M, pour les lampes magnésiques, il vaut mieux être sur le 1/25s, le temps que la lampe soit à sa plus forte luminosité avant que le rideau ne se ferme.

Derrière encore, une dernière roue crantée, celle du réglage de la distance. La mise au point minimale est à un mètre.

Il y a aussi un retardateur, qu’il ne faut enclencher que lorsque vous avez armé l’appareil (sur l’obturateur) Il décompte environ 10 secondes.

Enfin, par dessous, un filetage pour le fixer sur un trépied, si besoin.

En fait, avec cette Solinette II, vous avez entre les mains un petit appareil sympathique et très portable (lui, vous pouvez réellement le mettre dans une poche) qui utilise sans soucis des films modernes. N’en prenez toutefois pas de trop rapides, les vitesses sont quand même limitées au 1/300s. A l’époque de ce boitier, les films n’étaient guère rapides et le nombre de vues étaient de 18, 20 ou 36. Ces chiffres sont d’ailleurs reportés en rouge sur le compteur de vues.

Derrière, l’Agfa J Solette (120) et devant, la Solinette II (135mm)

Les lentilles sont traitées, mais il faut quand même penser aux reflets en cas de forte luminosité, à moins de placer un filtre, à viser, devant celle de votre appareil (diamètre de 30mm externe) pour atténuer ces effets. Agfa avait sorti une série de filtres et même un pare-soleil, pas toujours faciles à trouver de nos jours.

C’est, évidemment, un petit appareil encore tout à fait utilisable. Vous aurez avec lui une des expressions la plus simple pour faire des photos : une ouverture, une distance, une vitesse. Et vous apprendrez rapidement à jouer avec elles.

D’autant qu’en rue, vous resterez discret (il est petit et fait peu de bruit). Et si on vous remarque, vous attirerez les questions et la sympathie, un excellent moyen de communication sur votre passion en somme.

-« Mais pourquoi l’utiliser ? »

Pour changer un peu des sempiternelles et archi connus Vitoret, Dacora, Bilora, etc. de la même époque. Pas que ceux-là soient mauvais, loin de là, mais il faut parfois oser tenter d’autres expériences. Et avec ce petit Solinette II, je gage que vous ne le regretterez pas.

D’autant que les résultats ne sont pas désagréables, voyez plutôt ICI et LA, même avec des films périmés.

Et à la question « combien ça coûte », la réponse est entre 40 et 60€ selon qu’il est équipé d’un Apotar ou d’un Solar, qu’il est complet avec sa gaine ou pas.

Bonnes photos !

Petites videos d’illustration

Un peu de technique :

Fabricant : Agfa Munich
Modèle Solinette II
Format de film 24 x 36 mm, film 35 mm 135
Année de construction 1955
Objectif : Agfa Solinar 50mm f/3.5
Obturateur : Prontor-SVS 1′ – 1/300 plus pose B et retardateur
Mise au point manuelle, 0,8 m – infini
Connexion flash : griffe flash sans contact central

Pour le mode d’emploi, c’est par ICI.

Des références : https://christopherstoll.org/cameras/1955-agfa-solinette-ii.html, http://camera-wiki.org/wiki/Solinette, https://retinarescue.com/solinetteII.html en anglais; https://www.collection-appareils.fr/x/html/appareil-1267-Agfa_Solinette%20II.html, https://www.collection-appareils.fr/x/html/appareil-13826-Agfa_Isolette%20II.html en français; https://de.wikipedia.org/wiki/Agfa_Solinette, https://bleckedermoor.de/fotomuseum/solinette.htm en allemand

2 commentaires sur “L’Agfa Solinette II

  1. Je confirme, c’est un 24×36 fort sympathique et agréable à utiliser. Il est vraiment très compact. Je n’ai fait pour l’instant que deux films avec et j’en suis ravi. Je le destine au snapshot de rue en zone focusing et il fonctionne bien. Merci pour ces pépites que tu nous fait découvrir JP.

    • Et merci à toi d’en tirer le meilleur et de nous le faire partager sur tes sites. On oublie souvent ces petits appareils qui ne paient pas de mine mais qui ont documenté tant d’albums familiaux. C’est l’occasion de leur donner une seconde vie. Toutes mes amitiés Fred.

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