Le Minolta Vectis S-1

Quand j’écrivais que chez mes parents, c’était la caverne d’Alibaba !

Au détour d’un énième rangement, je (re)trouve ce drôle d’appareil, un Minolta Vectis S1.

Si je m’en souviens bien, c’est le dernier appareil reflex argentique que je leur avais acheté, parce qu’il était facile à utiliser et léger, offrant les promesses du film APS qui, hélas, ne fit pas long feu, trop vite boudé par les magazines photos, les pros et très (trop) vite rattrapé par le numérique.

Nous sommes en 1996 et le monde de la photo va bientôt basculer, mais nous ne le savons pas encore.

Pour mémoire, le film APS (pour Advanced Photo System) était une tentative de modernisation de la photographie argentique, qui introduisait des fonctionnalités séduisantes. Sa taille, un peu plus petite que le film 135mm classique a d’ailleurs donné son nom aux appareils numériques à « petits capteurs » – entendez par là ceux qui ne sont pas des 24x36mm, les APS-C.

Alors, au rayon des fonctionnalités, il y avait la possibilité de choisir le format de l’image : soit le C (classique) au rapport traditionnel 3:2, le H (haute définition) au rapport 3:1, plus large et enfin le P (panorama) au rapport 16:9.

Une autre était de pouvoir rembobiner le film à mi-chemin, puis de remettre le film dans l’appareil et redémarrer là où vous l’aviez interrompu sans manipulation particulière, juste le remettre dans l’appareil. Cette particularité vous permettait de changer soit de sensibilité soit de type de film selon vos envies/besoins.

Mais je vous renvoie à l’article que j’ai déjà consacré à ce film ICI car il n’est pas l’objet de ce qui nous préoccupe aujourd’hui, notre Minolta Vectis S1.

La gamme Vectis englobe toute sorte d’appareils : des compacts vraiment minuscules, des compacts « normaux » et deux reflex, le Vectis S1 et le Vectis S100, un S1 simplifié.

Crédit photo : Gervais Sauviat
De haut en bas : le compact “classique”, le compact baroudeur et étanche, le mini compact (sources : Collection-appareils, Minolta Suandeau et Kamerasmuseum)

De fait, le Vectis S1 est le porte drapeau de la série car il offre la plus grande gamme de fonctionnalités du système APS qu’il combine avec un système d’appareil photo complet : un boitier, des objectifs interchangeables et un flash accessoire dédié.

Source : Mike Eckmant, cette publicité de 1996 pour le Vectis S-1 fait la promotion de l’utilisation de la « technologie Big Bang » !

Non seulement il sera le « reflex » le plus compact du monde mais il sera tropicalisé, c-à-d qu’il résistera à une fine pluie ou à la neige. Et il faut savoir que les objectifs sont aussi tropicalisés, ce qui en fait un baroudeur léger, facile à prendre en mains, bien nantis en fonctionnalités …

Décidément, Minolta sera toujours une marque étonnante, qui n’a – malheureusement – pas toujours fait les bons choix et qui disparaitra trop vite à mon goût.

Avant de vous faire le descriptif de l’appareil, une remarque toutefois. En introduisant ce nouvel appareil, en fait un nouveau « système », Minolta a fait le choix d’une nouvelle monture, spécifique à cet appareil, la baïonnette V, qui ne permettait pas de réutiliser les anciennes optiques AF – ce qui fâche toujours une partie des possibles acheteurs, mais bon, il convient de se rappeler que c’était un nouveau concept !

Une gamme spécifique a été développée pour le S 1 – et le S 100, ne l’oublions pas : outre des zooms 28-56 mm, un 22-80, un 56-170, un 25-150, un 80-240 APO, il y aura aussi 3 objectifs à focales fixes, soit un 17mm, un 50 mm Macro et un 400 catadioptrique.

Ceci étant, ils avaient quand même prévu des bagues d’adaptation, au cas où …

Pour tirer pleinement parti de la conception compacte du Vectis et du format APS, Minolta a apporté des modifications et des améliorations importantes à la conception de l’objectif. Ainsi les nouveaux objectifs Minolta V sont 20 % plus petits et 40 % plus légers que leurs équivalents AF en 135mm et, comme dit plus haut, ils disposent d’une construction anti-éclaboussures, d’une optique d’objectif améliorée, d’une bague de mise au point de plus grande taille, d’une mise au point manuelle directe et de l’inclusion du moteur AF, d’une commande d’ouverture et touche AF/M.

Si je résume, l’appareil a toutes les fonctions des réflex de son époque : les modes manuels d’ouverture, de vitesse, la gestion des flashs et de la mise au point, puis un mode de fonctionnement tout auto, et encore les différents modes programmes pour le portrait, le paysage, le sport, la macro, la nuit, des choix de mise au point automatique. Il a un flash pop-up, qui peut déclencher à distance d’autres flashs de la marque et le boitier contrôle les objectifs électriquement. Si vous ajoutez à ça les fonctionnalités propres à l’APS, que lui manque-t-il ?

Encore une particularité : je vous parle de reflex mais en fait l’image ne passe pas par un prisme (reflex) mais à travers une construction de miroirs et de lentilles. Le viseur est placé sur la gauche de l’appareil, un peu comme sur un télémétrique. Cette construction particulière permet de garder la taille réduite voulue pour le boitier.

Source : Mike Eckman, ce diagramme montre le trajet de la lumière à travers le système complexe de miroirs et de lentilles du Vectis S-1.

Les informations nécessaires (flash en action, mise au point faite, vitesse, ouverture) s’affichent dans le viseur, en dessous de l’image vue. Notons encore que le viseur bénéficie d’une correction dioptrique assez large, de -4 à +2 qui ravira les plus de 40 ans.

Si vous vous en souvenez, le système APS permet de choisir des formats d’impression différents (C-H-P). Eh bien le viseur du Vectis en tient compte et masque le cadre de l’image pour que le photographe puisse viser en toute connaissance de cause. Juste une précision encore : ces différents formats peuvent être mélangés sur un même film.

Avant de préciser certaines fonctionnalités particulières de l’appareil, juste encore vous dire qu’il disposait (en option) d’un déclencheur à distance par infra rouge. S’il était équipé d’un flash pop-up, en retirant le cache sur le dessus du capot, une griffe flash permettait de connecter le flash SF-1 – conçu exprès pour lui – ou les 5400 et les flashs pour les Minolta AF.

Donc, revenons à quelques particularités de ce Vectis S1 :

  • le chargement du film se fait sur le côté de l’appareil (pratique s’il est sur un trépied). L’avantage du système APS est qu’il ne faut rien faire d’autre que de glisser la cartouche dans l’appareil (pas d’amorce à tirer dans une bobine réceptrice) qui se chargera de faire avancer le film soit à la première image, soit à celle où vous vous étiez arrêté si c’est une bobine déjà entamée. Bien évidemment, en fin de film, rembobinage automatique.
  • le boitier propose un verrou de sécurité qui garantit que la porte du film reste fermée tant qu’il y a un film utilisable dans l’appareil, éliminant tout risque de voilage de la pellicule.
  • si vous avez lu l’article sur le film APS, vous avez vu qu’il y avait une piste magnétique sur celui-ci, qui enregistre une série de paramètres. Le Vectis va envoyer sur cette piste toute une série d’infos utiles, tels le mode d’impression à heure fixe, le titre de la bobine, le titre de l’image, la quantité d’impression, la date et l’heure, le format d’impression, l’orientation du film, celle de l’appareil, le déclenchement du flash, la luminosité de la scène, l’éclairage artificiel, le retour du flash et le rétroéclairage. Impressionnant ! Ce sont les « Exif » avant l’heure …
  • la possibilité d’imprimer les infos de données de la prise de vue, comme la distance focale de l’objectif, les ISO, la vitesse choisie, l’ouverture, si vous avez compensé l’exposition et l’ouverture maximale de l’objectif. Tout cela sera imprimé au dos des photos. Moi, ça m’épate …
  • pour garantir que ces informations (dites IX) soient correctement inscrites sur le bord de la pellicule, l’appareil utilise des têtes d’écriture à ressort, fixées à des guides mécaniques, qui offrent alors la piste d’écriture la plus « propre » possible.
  • l’avantage de toutes ces données, inscrites sur le bord du film, c’est qu’elles sont communiquées au « photofinisseur » (la machine qui développe automatiquement les films). Elles empêchent cette machine de faire des corrections automatiques qui ne respecteraient pas vos sensations lors de la prise de vue et donnerait un rendu trop uniforme à vos photos.
  • revenons un instant sur la mise au point « prédictive » : grâce à son système de mise au point automatique précis et continu, avec une large zone AF, le Vectis offre une grande variété de choix de cadrage et une plus grande capacité de mise au point sur des sujets rapides. D’autant que vous pouvez verrouiller la mise au point en appuyant à mi-course sur le déclencheur, vous permettant de positionner votre sujet où vous voulez dans le cadre.
  • pour les puristes, vous pouvez toujours passer en manuel en tournant la bague de mise au point de l’objectif.
  • afin de garantir une exposition précise de vos photos, même dans des éclairages complexes, la cellule au silicium est divisée en 14 segments dont 13 dans un réseau en « nid d’abeille » plus un pour l’arrière plan.
  • ceci étant, vous pouvez aussi choisir la mesure spot, qui concentrera le posemètre sur la zone centrale du nid d’abeille.
  • outre les modes programmes spécifiques (qui vous aideront à utiliser les meilleurs réglages pour telle ou telle scène), il existe un mode « tout automatique ». Dans ce cas, c’est l’appareil qui fait tout pour vous, et il le fait bien.
  • la mesure du flash est TTL, faite sur 4 segments du système de mesure pour mieux doser l’éclair du flash en fonction de la scène. Toujours en écrivant sur le flash, sachez que le flash intégré peut piloter à distance les flashs Maxxum 5400 HS – 5400xi et 3400xi, sans accessoires (cordons, etc.). Un rapport 2:1 peut même être sélectionné. Dans ce cas, le flash externe fournit 2/3 de la puissance et le flash intégré le tiers restant, ceci afin d’exposer correctement le sujet.
  • quant au flash spécialement dédié au Vectis S1 – le flash SF-1, il est aussi résistant aux éclaboussures, à la neige, aux poussières. Il possède un panneau macro parfaitement adapté à la couverture au flash de l’objectif macro Minolta V 50mm
  • si vous avez choisi la prise de vue en continu (1 image/sec.), la mise au point s’ajuste elle aussi en continu pour garantir la netteté de l’image entre chaque exposition.

Quand je vous écrivais qu’il ne manquait rien à cet appareil …

Et pourtant, l’appareil n’a pas rencontré le succès espérés par Minolta, pour deux raisons : le format APS a surtout eu ce succès avec les compacts et ultra-compacts, toute marque confondue; ensuite, le numérique a percé trop vite pour que l’appareil puisse s’installer dans les habitudes des photographes amateurs mais éclairés.

Toujours vendu dans les années deux mille, il avait vu – comme ses concurrents APS du reste – son prix divisé pratiquement par deux (Camara le proposait à 2990 FF en 1997 et seulement à 1970 FF en 2000 !).

https://i0.wp.com/collection-appareils.fr/gestion_catalogue/images/1475784179.jpg?w=640&ssl=1
Source : Collection-appareils, Porst 1996 – 97
https://i0.wp.com/collection-appareils.fr/gestion_catalogue/images/1558470604.jpg?w=640&ssl=1
Source : Collection-appareils, Camara juillet 1998

Quel est encore l’intérêt de cet appareil aujourd’hui ?

Ben, il est toujours aussi compact, résistant aux intempéries, léger, performant, avec une vaste gamme d’objectifs à « tout faire » MAIS le film APS n’existe plus !

Comme je le faisais déjà remarquer dans l’article consacré à ce film, vous ne pourrez plus en trouver que des périmés – notez que ça ne nous empêche pas de les essayer – et il faut trouver un labo qui possède encore les rails : les labos savent toujours les développer mais pas forcément tirer les images et/ou les scanner sans ce « rails » de guidage.

C’est un appareil « chant du cygne », si je peux me permettre l’expression : vous les trouverez à des prix ridicules, souvent dans leur boite et avec les accessoires ad hoc. Si vous trouvez des films, utilisez-les et puis il restera à offrir ces belles machines à un musée quant le stock encore existant de ces APS aura disparu.

Dommage, c’était un bel appareil …

Avec lui disparaitra aussi quelques articles prévus pour les films APS, comme ce rangement (trouvé dans la même caverne !)

Celui des parents que je viens de retrouver a encore un film à l’intérieur. J’ai changé les piles (deux CR2) et je vais le terminer, pour le plaisir de découvrir ce qu’ils ont pris en photo à l’époque, émotions en perspective !

Même si je ne suis pas collectionneur, celui-là, je le garde.

Video d’illustration

Pour le mode d’emploi, c’est par ICI.

Les caractéristiques
Batteries d’appareil photo : 2 CR2
Format de caméra APS
Plage d’exposition : 1/2000 s à 30 s
Modes d’exposition : Manuel, Programme, Automatique, Priorité vitesse, Priorité ouverture
Délai du retardateur : 10 sec
Verrouillage de la mise au point automatique, Verrouillage de l’exposition automatique
Télécommande infrarouge en option
Modes de prise de vue : Nuit, Sports, Gros plan, Portrait, Paysage
Détection de phase TTL à mise au point automatique
Point de mesure de l’exposition : motif en nid d’abeille
Plage de vitesse du film : ISO 6 – 6400
Avance du film automatique
Contrôle de l’obturateur électronique
Modes de mise au point automatique : Automatique, Continu, Prise de vue unique
Échange d’informations (magnétique IX) : Quantité d’impression, Impression du titre, Impression de la date/heure, Changement de mi-rouleau (MRC), Sélection triple format, Mode d’impression à heure fixe (FTPM), Amélioration de la qualité d’impression (PQI)
Vitesse de synchronisation : X 1/125 s
Compensation d’exposition : Plage ±3 EV, par pas de 1/2 EV
Zones de mesure d’exposition : 14
Vitesse de prise de vue continue : 1 image par seconde
Flash : griffe propriétaire Minolta
Amélioration de la qualité d’impression (PQI) : Oui
Modification en cours de déploiement (MRC) : Oui
Flash d’appareil photo : Modes flash Mode automatique, mode remplissage, mode rétroéclairage, mode flash désactivé
Réduction des yeux rouges : Oui
Montable sur trépied : Oui
Résistant aux intempéries : Oui
Plage de correction dioptrique -4 à +2
Couverture du cadre : 95%


Des références : https://camerapedia.fandom.com/wiki/Minolta_Vectis_S-1, http://camera-wiki.org/wiki/Minolta_Vectis_S-1, https://tammesphotography.weebly.com/minolta-vectis-s1.html, http://www.submin.com/aps/collection/minolta/cameras/vectis_s1.htm, https://www.jaymclaughlin.co.uk/blog/2018/9/6/minolta-vectis-s-1-review-1996, https://mikeeckman.com/2022/04/minolta-vectis-s-1-1996/ en anglais, https://www.mes-appareils-photos.fr/Minolta-Vectis-S1.htm, http://www.magic-photo.com/minolta/vectiss1.htm, https://collection-appareils.fr/x/html/appareil-11562-Minolta_Vectis%20S-1.html, https://www.philcameras.be/collection/collectionm/lmn/minoltam.html, https://www.minolta.suaudeau.eu/appareils/APS/vectis-s-1.html en français

2 commentaires sur “Le Minolta Vectis S-1

  1. Ah oui, je me souviens de cette période APS où des débats enflammés entre photographes amateurs. Mieux ou moins bien que le 24×36 ? On discutait beaucoup dans les photoclubs et, finalement, le débat a été clôt par l’arrivée du numérique et la mort du film APS.
    Ou plutôt le débat s’est déplacé sur le numérique et ses modestes performances à ses débuts. On connait la suite…
    Bon weekend, JP !

    • Oui, je reste persuadé que le film APS aurait pu avoir un vrai succès car il fut – a postériori – la transition entre l’argentique « classique » et les données Exifs que l’on allaient découvrir avec le numérique, ensuite. Il est venu trop tard et beaucoup de pro n’y ont pas crû, les magasines en premier. Les défauts de jeunesse étaient pourtant gommés par les avancées que le film proposait. Mais on ne réécrira pas l’histoire … Bon début de weekend Phil.

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